Depuis quatre semaines, Florence Cousin, une salariée de Libé qui conteste son licenciement, fait une grève de la faim dans le hall d’entrée du quotidien.
Ne comptez pas sur Libé pour vous en parler. Ni même sur une large partie de la presse.
Heureusement, pour diffuser des nouvelles sans censure, il y a les blogs, dont certains repris – et c’est tout à leur honneur – par la presse en ligne. En voici deux exemples.
Politis : Pierre Marcelle censuré par Libé
Un article, édifiant, a été publié par Politis et repris dans Acrimed (Action Critique des Medias), qui s’étonnait de ne pas voir le 20 février la rubrique hebdomadaire de Pierre Marcelle. Renseignements pris auprès de l’intéressé, sa chronique avait été purement et simplement supprimée. La voici en ligne, plus visible que jamais :
« Là-bas non plus qu’ici, le produit de « première nécessité » ne saurait se réduire au « panier de la ménagère ». Et ici non plus que là-bas, l’essence même de la vie ne saurait se définir à travers la délétère comptabilité du « travailler plus », ce dogme par quoi d’aucuns prétendent – quelle blague, quand on y songe ! – endiguer « la crise ».
La crise qui ne nous épargne pas, à Libération, où, depuis le 10 février, se poursuit la grève de la faim de notre collègue Florence Cousin. Il s’agit d’un conflit qui voit une salariée contester son licenciement, et une direction revendiquer le droit de licencier. Ce conflit est à la fois social et identitaire.
Il ne s’agit pas ici de dire qui a commencé, mais ce qui s’achève, quand la violence du monde réel emporte tout, partout. Si, pas plus que dans un seul pays, on ne fait le socialisme dans un seul journal, à tout le moins, l’ultime aberration ou l’ultime reniement (c’est selon la conviction des uns ou des autres) serait d’occulter ce qui le constitue, le journal : en l’occurrence, la fin d’informer aussi à propos de conflits, qu’ils soient sociaux ou identitaires, qu’ils soient de là-bas ou d’ici, et fussent-ils, pour les seconds, dérangeants de proximité. Un « service minimum », comme dit l’autre…
Évoquer, donc, la violence que fait à la conscience la présence d’un lit de camp (une couverture, des bouteilles d’eau minérale) sur lequel est allongé un corps muet. Quelles que soient les « raisons » de part et d’autre invoquées, cette grève de la faim, ici, dans le hall de ce journal, hurle la négation de ce qui en fit un intellectuel collectif. À perdurer, à signifier aussi tragiquement que, de facto, on ne put, dix jours durant et sans préjuger de la suite, plus se parler, cette grève de la faim ébranle le bien commun d’une commune intelligence de valeurs, sinon du monde. Ainsi que dans des milliers d’entreprises et pas mal d’entreprises de presse, trois générations de personnels travaillent à Libération. Entre anciens combattus et jeunes précaires, un âge moyen et majoritaire impose un pragmatisme dont, qu’on le veuille ou non, l’origine est sarkozyenne. On peut aussi le qualifier de pragmatisme de crise. »
Play-list : Tu peux crever, cousine !
Et voici le billet paru vendredi dans Play-list, un blog relayé par 20 Minutes :
« Dans le hall d’entrée du journal Libération, une femme est en train de mourir.
Elle fait une grève de la faim, depuis quatre semaines, à la suite d’un licenciement qu’elle estime injuste.
Elle s’appelle Florence Cousin, elle pourrait être notre cousine.
Dans la presse nationale, pas un mot ou presque…
Des infos, il y en a, quelques-unes, en cherchant bien, sur quelques sites. Chez Louis Skorecki, chez Sébastien Fontenelle (Politis), chez Michel Puech (Mediapart), chez Dominique Conil (Mediapart), et sans doute quelques autres. Il y a aussi une très courte vidéo, sur Youtube, montrant l’attitude de Laurent Joffrin.
Nous n’allons pas juger les raisons, les torts, les pour et les contre qui font qu’elle en est arrivée là, nous n’en sommes pas capables. Une situation absurde, des comportements étranges…
Par contre, le silence, le black-out médiatique, le noir, l’ignorance, ça nous pouvons essayer de le remuer. Vous avez les infos, vous en tirerez les conclusions que vous voudrez…
Si elle crève, comme ça, demain, vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas. »
Faites passer…
Je ne sais pas si Florence Cousin devait ou non être licenciée. Je ne sais pas si son salaire économisé était si considérable qu’il va permettre au journal de retrouver son équilibre financier (il s’agit d’un licenciement justifié officiellement par la situation économique de Libé). Quoi qu’il en soit, il y a sans aucun doute d’autres méthodes de dialogue que cette course vers un mur où seule Florence Cousin risque de laisser sa peau.
Quant à l’attitude corporatiste quasi générale de la presse papier qui fait comme si de rien n’était, elle est, tout simplement, inexcusable. Si vous le pensez aussi, merci d’en parler aussi largement que vous le pourrez autour de vous. Rien ne fait plus peur aux professionnels de l’information que de voir l’information se faire contre eux.
Faites passer…
Je suis allée voir si Marianne n’en n’avait pas parlé. Il y a aussi cet article :
http://www.marianne2.fr/Liberation-drole-de-greve,-drole-d-ambiance_a175020.html
Libération: drôle de grève, drôle d’ambiance
Cela fait maintenant trois jours qu’une salariée de Libération a entamé une grève de la faim dans le hall du journal afin de protester contre son licenciement. Une forme de protestation qui renvoie le journal à son turbulent passé mais qui est loin de faire l’unanimité au sein du journal. Ambiance pesante à Libé.
« Libération, de Sartre à Rotschild », le titre d’un ouvrage de Pierre Rimbert paru en 2005. Changement d‘époque, changements de méthodes. Libé est devenu à bien des égards un journal comme les autres, mais surtout une entreprise où avec l’arrivée d’actionnaires extérieurs, l’esprit managérial l’a emporté sur l’esprit d’impertinence des débuts.
Ce ne sont plus les journalistes de Libération qui dans les pages « société » d’un journal engagé font écho aux mobilisations, grèves de salariés menacés, ici ou là, de licenciements.
C’est désormais à l’intérieur même des locaux du journal que les salariés se mobilisent contre les menaces qui pèsent sur leurs emplois. Une mobilisation qui a pris une tournure radicale avec la grève de la faim entamée par Florence Cousin, il y a deux jours dans les locaux du journal.
Grève de la faim dans le hall de Libé
Petit rappel des faits : Licenciée le 26 janvier dernier pour une faute « qualifiée de réelle et sérieuse » par la direction, Florence Cousin, qui refuse son licenciement, a opté pour une méthode de protestation radicale. Cette secrétaire de rédaction qui affiche 25 ans de maison a entamé une grève de la faim. Sans se prononcer sur le fond, les syndicats dénoncent les méthodes de la direction. Une brutalité inconnue jusqu’ici et qui contraste avec l’image « sociale » du journal. Selon la déléguée CGT, Fatima Brahmi, la direction «a monté le dossier depuis longtemps, en faisant des copies des pages du journal dont Florence s’occupait pour montrer que cela n’allait pas. Ce n’est pas dans les habitudes de Libération. Ils ont attendu la fin de sa protection juridique liée à ce poste d’élue du personnel pour la licencier ». Compte tenu des difficultés rencontrées par le titre, un licenciement pour faute grave lui épargnera le versement de lourdes indemnités…
Déjà mardi, une quarantaine de salariés du journal s’étaient réunis dans le hall de Libé pour protester contre « le premier licenciement contraint de l’histoire du journal » alors que devait se tenir un conseil de surveillance en la présence des actionnaires de Libé, notamment d’Edouard de Rotschild. La direction a également annoncé huit à neuf suppressions de postes pour 2009, tout en précisant que ces départs seront négociés.
Libé encore rattrapé par son passé ?
« L’affaire » est d’autant plus sensible à Libération qu’elle renvoie au « flamboyant » et turbulent passé du titre. Florence Cousin est une cégétiste tendance Mao. Son geste en est d’autant plus significatif. Ancien correspondant de Libé à Nantes, ex-animateur du syndicat «Paysan Travailleur», Jean-Paul Cruse, une figure de Libé, avait entamé une grève de la faim à Libération en 1981 au moment où Serge July avait mis la main sur le journal.
Lemondereel.fr, site d’obédience mao (!), n’a d’ailleurs pas tardé à récupérer cette affaire et la transformer en acte symbolique de résistance: « l’âme pure des Maos brille à nouveau dans les yeux des enfants de toutes les Résistances du Monde, qu’ils soient salariés du journal, dont quelques journalistes, ou Gavroche » – basané – de nos banlieues vivantes, avenir de la France, venus hier, à quelques-uns – détachement d’avant-garde – lui apporter chaleur et soutien, dans le hall froid où, au troisième jour, elle a dû remplacer la chaise des premières heures, sous sa couverture rose, par un lit de camp » écrit le site dans une prose qui rappelle la poésie dégoulinante et verbeuse du Grand Timonier.
Appelés aujourd’hui à se prononcer sur une grève contre tout départ contraint après le licenciement d’une salariée, les salariés ont repoussé cette proposition lors d’un vote : 132 contre, 46 pour et 8 votes blancs. Ce qui n’a pas empêché les délégués de la CGT du Livre de rendre visite au directeur de Libération Laurent Joffrin pour lui annoncer qu’ils allaient soutenir la grèviste de la faim, y compris en laissant entendre qu’ils pourraient empêcher le quotidien de sortir un de ces jours. Une menace dont la portée est sans doute limitée par le vote des salariés de Libération même et surtout s’il a un goût quelque peu amer : si l’entreprise Libération, proche du dépôt de bilan, n’est guère dans une situation propice aux grèves (ou en tout cas à la non-parution), le départ de Florence Cousin sans un centime d’euro d’indemnité ne serait-il pas immoral dans une communauté de travail où des dizaines de salariés sont partis avec des «gros» chèques ?
Vendredi 13 Février 2009 – 07:00
Régis Soubrouillard
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La honte de la profession ce torchon ! Et ça ce permet de donner son opinion sur le monde alors que chez lui c’est l’horreur !
Je vais réfléchir à c’qu’il est possible de faire pour que ce soit bien voyant.
anti
Communiqué du syndicat :
http://www.sglce-cgt.fr/Communiques_SGLCE/PDF_SGLCE/09_02_26_Florence_Cousin.pdf
IL FAUT SAUVER FLORENCE
JFR/SC
Aujourd’hui, jeudi 26 février 2009, Florence COUSIN, journaliste à Libération, en est à son dix-septième jour de grève de la faim.
Le 8 janvier 2009
« Mise en place d’un dispositif d’accueil pour les salariés (…) pendant leur formation dans l’attente de retrouver un poste sans rupture du contrat de travail ». Sources : contribution de Michel MULLER, secrétaire général de la Filpac, aux États généraux de la presse et annexée au Livre vert.
Le 5 février 2009
« La Filpac CGT revendique le principe de protection et de sécurité du contrat de travail et du parcours professionnel. La Filpac CGT revendique que la rupture du contrat de travail soit rejetée… ». Sources : lettre ouverte à Messieurs les Patrons, Éditeurs, Imprimeurs et du secteur de la Distribution de la presse. Texte adopté par la CN de la FILPAC.
Le 13 février 2009
« Contre le licenciement à Libération de Florence COUSIN, poussons plus fort ». Sources : site de la Filpac.
Mais le lendemain, le 14 février, le site de la Filpac informe « rencontre à propos de Florence COUSIN, direction de Libération, Info’Com et Filpac CGT, des propositions très acceptables ».
Clairement, son licenciement est acté, son « départ contraint » forcé.
Florence COUSIN est-elle une exception ? Peut être… Aide-comptable en avril 1984 à Libération, puis comptable, elle a pris des cours en dehors de ses heures de travail pour accéder au niveau d’une licence de lettres, écrit de nombreux articles pour Libération, traduit et interviewé notamment des acteurs anglais pour le quotidien, publié deux livres pour enfants… La direction la vire aujourd’hui pour « insuffisance professionnelle » !
…/…
Syndicat général du Livre et de la Communication écrite : 94 boulevard Auguste Blanqui – 75013 PARIS
– 2 –
Le rapport de l’Inspection du Travail est accablant pour la direction de Libération. Brimades, blocage des postes vacants à la rédaction… « depuis le mois de juin 2006, elle [Florence] n’a aucune tâche à effectuer (…), pourrait s’assimiler à une manoeuvre visant à la déstabiliser et à la pousser à démissionner ». Florence est élue CGT au CE, elle « n’a bénéficié en 18 ans, d’aucune augmentation de salaire » précise le rapport. Il conclut : « Madame COUSIN semble être victime d’une discrimination au sein de la société, pouvant vraisemblablement (…) être liée au fait que c’est une femme, élue, par ailleurs sur les listes CGT. »
Aujourd’hui, jeudi 26 février, sous l’égide du président du SPQN, Monsieur Francis MOREL, une tentative de conciliation a eu lieu entre la direction de Libération, d’une part, le SGLCE et le SNJ-CGT, d’autre part.
Voici les propositions ― soutenues par l’UD CGT de Paris et acceptées par Florence ― que le SGLCE et le SNJ-CGT ont faites :
1. demande d’un cursus de formation de journaliste de deux ans dans une école de journalisme ;
2. pas de rupture du contrat de travail pendant la période de formation ;
3. engagement de la direction et responsabilité sociale de l’entreprise afin de retrouver une place à Florence, interne ou externe au journal.
La direction a rétorqué qu’il était impossible de revenir sur le licenciement qui pour elle est un préalable à toute formation.
Faux ! Il y a quelque temps, un salarié journaliste au Pèlerin était licencié de manière abusive par le groupe Bayard. L’action commune du SGLCE, de la CSTP, du SNJ-CGT et l’action de non-distribution des publications du groupe Bayard Presse par les camarades des NMPP ont permis à Antoine PEILLON d’être réintégré.
Florence COUSIN ne sera pas l’exception.
« Pour une sécurité sociale professionnelle pour tous les salariés. Le maintien de l’ensemble des éléments du contrat de travail jusqu’à l’obtention d’un nouvel emploi », le SGLCE, le SNJ-CGT et l’UD CGT de Paris porteront cette revendication confédérale.
Nous ne resterons pas les bras croisés devant Florence allongée sur le sol dans les locaux de Libération, 11 rue Béranger, Paris 3e.
Nous appelons les camarades de la profession à monter dès aujourd’hui pour le dire à la direction et à répondre à tout appel de leur syndicat pouvant aller jusqu’à des arrêts de travail sensibles.
Paris, le 26 février 2009
Certes, la Presse écrite est en grande difficulté, mais je ne m’attendais pas à une situation aussi révoltante à Libé, que je considérais comme un quotidien intègre. La vidéo montrant Laurent Joffrin est écoeurante. On ne « vire » pas comme ça, sans indemnités, une collaboratrice avec 25 ans d’ancienneté, d’autant que les « fautes » qui lui sont reprochées (insuffisance professionnelle) ne tiennent pas au bout d’un temps aussi long. Le web permet de révéler de telles injustices. Quand Laurent Joffrin ne sera plus « en cour » chez Rotschild, il sera viré de la même façon (mais avec un gros chèque, quand même…)
la honte….
Bienvenue au XXIème siècle où l’image que l’on donne est plus importante que ce qu’elle cache.
C’est vraiment écœurant un tel comportement. Du dédain ? Moi je dirai plutôt de l’arrogance, du jemenfoutisme profond, c’est répugnant. Voilà un journal bien à l’image de l' »homme » d’aujourd’hui, qui ne soucie que de lui et de ce qu’on pense de lui, sans penser aux sentiments des autres qu’il blesse pour paraître plus grand et plus fort, plus important et plus intéressant. Cette réaction ne m’étonne même pas quand j’ai vu comment sont une grande partie des gens maintenant dans la capitale, les raisons qui m’ont fait fuir ce lieu.
Mais que cette femme soit prête à donner de sa vie pour se battre contre l’injustice dont elle se sent victime, ça m’interpelle. Je ferai passer l’information, et ainsi nous pouvons tous contribuer à ce que ce que l’on nous cache ne le soit plus.
Courage Florence.
Netsah
Merci Netsah de faire circuler ! T’es un chic type petit ! (J’fais le cow boy, c’est pas d’ma faute, c’est la faute à Zorro…)
anti
Tu as du coeur, Netsah. Mais quand on dirige une boîte en difficulté, c’est « struggle for life »… L’actionnaire sait te le rappeler… Joffrin doit avoir à Libé autant de marge de manoeuvre qu’un contremaître chez Renault…
« struggle for life »
Quelle ironie dans l’utilisation de cette expression pour la pauvre entreprise quand une femme est justement en train de mourir dans son hall d’entrée…
Décidément, le monde capitaliste préconisé par l’occident me révulse. Il faudra bien un jour que ça change. D’une manière ou d’une autre.
anti