En arrivant à Alès samedi matin pour retrouver les milliers de manifestants qui allaient marcher tout un weekend contre la corrida, j’étais avec deux jeunes hommes. Ils s’appellent Houssam et Bilel. Tous les deux d’origine marocaine, ils habitent à Nîmes et sont amis depuis le collège.
Houssam est un habitué de notre maison : depuis presque un an et demi, c’est l’amoureux de Gwlad, la fille d’Anti. Il a un peu plus de 19 ans et vit au centre-ville, à quelques pas des arènes, avec sa mère. Bilel est un danseur de hip-hop hors pair, nous l’avons rencontré pour la première fois lors d’une battle mémorable organisée pour le plaisir dans un bar nîmois, sans savoir qu’il était l’ami de Houssam. Il est aussi un redoutable humoriste qui nous régale de ses blagues.
Quand nous avons connu Houssam, il allait parfois assister à des corridas. Il n’y voyait rien de mal, son grand frère qui habite loin l’y invitait quand il venait à Nîmes. Il y a un peu plus d’un an, nous avons décidé de passer quelques jours dans les Pyrénées avec Gwlad et Houssam. C’était la première fois qu’on l’emmenait avec nous. Sur le trajet de l’aller, il nous a demandé d’une petite voix : « Gwlad m’a dit que vous êtes contre la corrida, c’est vrai ? »
J’ai explosé. Je lui ai tout décrit : les tricheries sadiques pour préparer le taureau, les lésions causées par les piques qui déchirent les muscles du cou, l’hémorragie massive provoquée par les banderilles, la puntilla, les oreilles tranchées sur l’animal encore vivant, les prétendues grâces qui se terminent hors de la vue du public par la mort du taureau à cause de toutes ses blessures. L’horreur, la perversion, la barbarie. Tout en cinq minutes chrono. Houssam était tétanisé. Anti m’a dit ensuite que même elle, elle avait eu peur de moi tellement j’étais en colère.
Mais ça valait le coup. A partir de là, Houssam est devenu anti-corrida. Anti lui a fait lire « Corrida basta », il a cherché d’autres infos sur le web. Il nous a dit et répété qu’il tenait absolument à participer à des manifs dès qu’il y en aurait. Quand on lui a parlé d’Alès, il nous a dit tout de suite : « Je viens ».
Il en a parlé à Bilel, lui redisant tout ce que je lui avais dit et tout ce qu’il avait appris par lui-même. Et Bilel nous a dit qu’il voulait être à Alès aussi. J’ai pensé qu’ils ne viendraient que le samedi et c’était déjà très bien. Après tout, c’était la première fois qu’ils manifestaient de leur vie et le dimanche, il fallait se lever très tôt pour recommencer. Mais le samedi soir en rentrant à Nîmes, ils étaient encore plus déterminés qu’avant par cette première manif et sa ferveur exceptionnelle, encore plus euphoriques de voir la sympathie naturelle que leur montraient les manifestants qu’ils approchaient, encore plus galvanisés par les mots de Jean-Pierre et des autres orateurs.
Tous les deux ont toujours été au premier rang face aux forces de l’ordre, y compris le dimanche matin quand aucune barrière n’empêchait les flics de charger. On les voit d’ailleurs sur la plupart des photos prises par les multiples personnes qui voulaient montrer les trois face-à-face que nous avons vécus en fin de trajet.
Houssam n’en revient toujours pas qu’une inconnue qui se trouvait là se soit aussitôt précipitée pour s’occuper de lui quand il était au sol les yeux en feu après s’être pris les lacrymos à bout portant. Eux qui, lorsqu’ils marchent dans les rues de Nîmes, ont l’habitude d’être dans les regards des passants des agresseurs ou des délinquants en puissance parce que leur peau est trop mate, ils étaient enfin traités par la foule dont ils faisaient partie comme des humains, des égaux, des personnes pour qui on a un a priori de bienveillance.
Le dimanche, ils ont connu un autre moment exceptionnel.
Jacques Dary, le fondateur du CRAC, a fait un discours très émouvant le matin sur le lieu de rassemblement du cortège, lui-même tellement ému après 22 ans de combat anti-ocrrida de voir une mobilisation aussi extraordinaire. Il se trouve que grâce à Sylvana, nous avons fait la connaissance de Jacques il y a un peu plus d’un an et que, depuis, nous nous voyons ou nous nous appelons régulièrement. Il a de l’affection pour nous et c’est réciproque. Après son discours, j’ai échangé comme d’autres quelques mots avec lui et il m’a proposé de venir déjeuner chez lui entre les deux manifs.
Vers 13h, je l’ai appelé pour lui dire où venir me prendre et je lui ai dit que j’étais avec Houssam et Bilel. Il m’a répondu qu’ils étaient bien entendu invités aussi. Il a acheté des gâteaux et du pain sur la route, nous a dit que ce serait en toute simplicité parce qu’il n’avait que des conserves.
Pendant tout le repas, Houssam et Bilel étaient en apesanteur, buvant toutes les paroles de Jacques, riant des anecdotes qu’ils racontaient, découvrant son parcours extraordinaire d’imprimeur retraité devenu le fondateur et le combattant infatigable du mouvement anti-corrida en France. Et surtout, Jacques les questionnait, les écoutait, voulait savoir ce qui les avait conduits là.
Puis il nous a ramenés au départ de la dernière manif, qui a culminé dans son intensité avec ce moment d’une force indescriptible où nous nous sommes tous mis à genoux pour les taureaux tandis que la sono diffusait la marche funèbre de Chopin.
Le lendemain et les jours suivants, Houssam et Bilel ont encore approfondi le sujet, ils ont parcouru tout ce qu’ils trouvaient sur Internet, ils ont visité le site du CRAC Europe de fond en comble, ils ont visionné les vidéos de Rodilhan, ils ont parlé à tous leurs copains de l’horreur de la corrida et de l’urgence à agir. Quand ils leur ont parlé de Rodilhan, justement, ils ont été surpris de voir à quel point la plupart d’entre eux étaient déjà au courant. Et à tous, ils ont demandé de venir rejoindre le combat.
Nul doute qu’ils seront nombreux à le faire.
Un mot : fierté ! Je suis fière de nos amis qui ont tenu à nous soutenir dans nos actions, fière de leur saine curiosité, fière de leur humanité. Bravo les jeunes !
Ils sont beaux, nos héros ! Bravo encore !
Ils viennent de passer à la maison et je leur ai montré la note pour qu’ils la lisent. Ils n’en revenaient pas de se voir aussi beaux et admirés. Ils se sentaient très fiers. Ils peuvent.
En plus, ils ont de la répartie. Ils m’ont dit qu’ils ont aussi parlé à des potes qui étaient procorrida. L’un d’entre eux leur a dit :
– C’est le destin du taureau de mourir dans une corrida.
Réponse : Tu as lu ça où ? Dans le Coran ? Dans la Bible ? Non ? Alors d’où tu sors un truc pareil ?
Un autre :
– Le taureau ne souffre pas.
– Tu serais d’accord pour qu’on fasse la même chose à ton chien ?
Bravoooooooooooo !
La relève (si relève est nécessaire 😉 est assurée !
Bravo les gars ! Cette manif a crée des vocations. Ma petite fille est complètement remontée : Avant-hier soir dans un restaurant, elle ne supportait pas la vue des murs tapissés de photos de corrida ! Elle est sortie énervée, le serveur a remarqué sa contrariété, il est allé la rejoindre dehors, pour lui expliquer que lui aussi n’aimait pas ça, et qu’il avait une fille de son âge, qui détestait les corridas. Après quelques mots d’apaisement, elle est retournée à sa table.
Cette manifestation MAGIQUE (en plus nous avions le beau temps pour nous) a vraiment marqué positivement les esprits. En attendant : BRAVO HOUSSAM, BILEL, SAMANDRA et les autres, on compte sur vous pour contrer, dissuader, convaincre ! Merci à vous !
Complètement admirative ! Toujours au premier rang, se prendre du gaz pleine face, se retrouver par terre, revenir le lendemain et encore devant. Exemplaire ! La prochaine manif on ira devant avec vous.
BRAVO! Moi aussi j’en parle à mes amies et eux aussi comme nous sont contre… Je me suis disputée avec un 3eme de mon collège (que je ne connaissais que de vue) sur facebook : j’ai mis des photos et des liens de la manif et il m’a dit :
-Toute façon vous perdez votre temps, ça ne va jamais s’arrêter, ils gagnent trop d’argent!
Moi :
-Euh… informe toi un peu sur le sujet avant de venir me donner des leçons!!! Etc…
Bravo les jeunes!!!
Je vous ai croisé plusieurs fois dans le cortége sur Ales,en militants bien déterminés.
Ca tombe tres bien: nous avons besoin de vous tous pour qu’on arrive à l’ABOLITION tous ensemble!!!
Félicitations pour votre engagement à nos cotés et à tres bientot pour une prochaine manif?
J’espère que la prochaine sera à Nîmes!!!
bonjour….
moi aussi d’origine marocaine…moi aussi une anti corrida…cette pratique sordide….à quand la revanche de ce noble animal?
il n’y a pas un seul jour où je n’y pense pas… la période sanguinaire a déjà commencé…Nimes….Vic Fézensac….et combien d’autres encore…..
tant que je serai sur pied je continuerai à crier contre cette barbarie… contre ces danseuses ridicules… j’ai autour de moi beaucoup de personnes, qui dans un premier lieu, trouvait cela festif…e t après des explications et des preuves se surprennent à m’envoyer des liens ou des photos de la corrida, tant leur conscience s’est réveillée et mon combat ne fait que commencer…
BASTA CORRIDA
Bravo Manel ! Merci pour ce témoignage !
Merci pour ce joli billet Anna et merci à Houssam et Bilel pour leur présence car ils sont des portes-parole inestimables pour la cause qui nous lie et nous réunit dans un même objectif
Je les ai remarqués aussi ces deux étoiles 🙂
Vivent les jeunes !
bravo à vous tous pour cette noble cause. Respect à vous tous. De vous lire, çà m’encourage à continuer le combat en informant, partageant les liens, à défaut de pouvoir participer physiquement à vos manifestations. Mes actions sont jugées inutiles pour certains fatalistes mais moi, j’y crois, car tous ensemble, nous réussirons à ouvrir les yeux des gens. J’agis aussi par le biais du partage de l’information à mes enfants de 7 et 9 ans qui eux-mêmes, sont indignés de ce qui se passent dans ce monde et en parlent avec leurs copains. Ensemble, on vaincra et on continue la mobilisation. Assez de souffrances animales, c’est inacceptable.
Informer, c’est déjà agir. Bravo à vous de le faire.