Vous l’avez peut-être remarqué, la dernière fin du monde, annoncée par un américain timbré du nom de José Argüelles, n’a pas eu lieu. Il s’agissait pourtant de la plus médiatisée d’entre toutes les fins du monde, celle dite du calendrier Maya le 21 décembre 2012. J’avais consacré il y a plus d’un an une note détaillée à l’inventaire de toutes les fins du monde précédentes jusqu’à celle-là et, avec un sixième sens hors du commun, j’avais prédit que le 22 décembre 2012, nous serions tous plus occupés à faire nos courses de Noël qu’à courir à moitié à poil sur les pentes du pic de Bugarach. José Argüelles n’a pas eu à faire face au ridicule, pour lui la fin est tombée le 23 mars 2011, date de son décès.
Mais ne baissons pas la garde pour autant. Maintenant qu’il est solidement établi que l’accumulation sans faille de centaines d’échecs précédents à annoncer la fin du monde n’a aucun effet dissuasif sur les prophètes autoproclamés qui pensent encore et toujours pouvoir prédire la vraie fin, faisons une petite liste des prochaines fins du monde annoncées.
Bonne nouvelle, la première n’est pas très loin : ce sera le jeudi 10 avril 2014. C’est en tout cas ce qu’affirme des gourous qui se disent kabbalistes. Pas ceux de la vraie Kabbale conçue par des mystiques juifs il y a des milliers d’années, mais ceux de la secte moderne américaine portant astucieusement le même nom, créée par un ex-agent d’assurances, Philip Berg. Parmi les adeptes les plus connus, citons Madonna, Leonardo di Caprio, Demi Moore et Naomi Campbell, c’est dire si c’est du sérieux au niveau des grands initiés. Attention, là, on fait dans le précis. La fin se produira très exactement à 5 heures 10 minutes 0 seconde et 9 centièmes. On se demande bien pourquoi les vrais rabbins, eux, n’y croient pas du tout – de la pure jalousie sans aucun doute. Ah, zut, le monsieur qui a fait le calcul n’a pas précisé sur quel fuseau horaire il s’est basé. Tant pis, si on la loupe, il y en a d’autres ensuite.
En 2020, par exemple, mais je n’ai pas réussi à retrouver le jour. Ne riez pas, c’est toujours le fameux calendrier Maya. Certains auteurs ont calculé qu’il ne se terminait pas le 21 décembre dernier mais huit ans plus tard, à cause d’une erreur de calcul. De là à penser qu’il s’agirait de la vraie fin du monde, il n’y a qu’un pas que plusieurs gourous-de-secours oseront certainement franchir, même s’ils ne rencontrent que l’hilarité générale.
On pourra rejouer à se faire peur le vendredi 13 avril 2029. Oui, un vendredi 13, c’est-y pas beau, ça ? Et là, c’est du solide, du scientifique : un astéroïde de taille suffisante pour nous éliminer de la surface de la Terre va croiser notre orbite ce jour-là, comme dans le film Deep Impact. Il s’appelle 2004-MN4 (il a été identifié en 2004). La NASA confirme tout, à un détail près : quand 2004-MN4 croisera notre orbite, nous, on sera un peu plus loin, largement assez pour qu’il ne frôle même pas notre atmosphère mais suffisamment près (à peine 30 000 km, ce qui est dix fois plus près que la Lune) pour nous offrir un spectacle magnifique : « Un point de lumière glissera à travers le ciel, plus rapide que de nombreux satellites, plus brillant que de nombreuses étoiles. »
Toujours astronomique mais beaucoup plus folklorique, le grand Isaac Newton y est allé, lui aussi, de sa petite prédiction et a annoncé la fin du monde pour 2060. C’est le quotidien Haaretz qui en a décrit le raisonnement : « Pour calculer la fin des temps, Newton se base sur la date du sacre de Charlemagne en tant qu’empereur romain, en 800 ap. JC et sur des informations recueillies dans le livre de Daniel, qui selon lui prévoyait la fin du monde 1260 ans plus tard, soit en 2060. » Comme quoi, on peut découvrir la gravitation universelle et dire quand même des inepties quand on prend la Bible pour un ouvrage scientifique (les créationnistes le prouvent à l’envi).
Et pour rester dans les dates pas trop éloignées de nous, citons pour finir la célèbre (mais charlatanesque) prophétie de Saint-Malachie inventée de toutes pièces par un certain Arnold de Wyon en 1595, quatre siècles après la mort de Malachie (qui, lui, n’avait rien prédit du tout). Cette fausse prophétie raconte qu’il y aura en tout 112 papes, le dernier se faisant appeler Pierre le Romain et sous son règne se produira la fin du monde. Or, le pape actuel, Benoît XVI, est le 111e. Donc, voilà, on y est presque.
Ou pas.
Très belle journée à vous
Illustrations : (1) Deep impact, (2) Nasa, (3) Newton peint par Godfrey Kneller
😉 merci pour l’humour et aussi les infos! tout ceci est franchement hilarant mais quand je regarde ma campagne, qui se vide, la quasi impossiblité d’élever soi-même des lapins (ok les végétariens sont sontre..mais le sol s’épuise aussi) les abeilles qui disparaissent, les semences stériles, .. je me demande si c’est pas la fin d’un monde quand même ..et très prosaïquement ce qu’on mangera dans le suivant, et comment on y vivra..
Oui, j’ai même hésité à ajouter cette fin-là du monde, parce qu’elle pourrait ne pas être si loin que ça dans le futur, du moins en ce qui concerne les êtres humains :
– dérèglement climatique : survivrons-nous en tant qu’espèce au-delà de 2100 ? de 2150 ? Rien n’est moins sûr. Certains climatologues pensent qu’un mouvement de panique généralisé sera inévitable dans les 10 ans à venir (dix ans, je dis bien dix) parce que les effets dramatiques du dérèglement global deviendront d’ici là évidents au quotidien.
– impasse de l’élevage intensif qui, contrairement à ce que laisse supposer son adjectif n’a rien d’intensif dans l’efficacité de ce qu’il produit, puisque, comme tu le soulignes, cela épuise les sols (donc à terme famines majeures), fait disparaître les abeilles à cause des pesticides (et le jour où elles seront trop peu, fini la pollinisation donc fini un nombre incalculable de fruits et d’autres produits végétaux).
La solution à ces deux menaces majeures est la même : virage le plus tôt possible à des pratiques réellement écologiques. Cela veut dire développer à fond les énergies renouvelables pour limiter notre empreinte en CO2 et développer à fond les cultures bio qui permettent à la fois de régénérer les sols et de produire de deux à dix fois plus qu’avec les techniques soi-disant « intensives », voir par exemple ici :
http://www.annagaloreleblog.com/2012/10/16/les-moissons-du-futur-nourrir-la-planete-sans-pesticides/
et ici :
http://www.annagaloreleblog.com/2011/09/29/vandana-shiva-la-victoire-des-neuf-graines/
et ici :
http://www.annagaloreleblog.com/2012/09/24/superbes-champs-de-ble-sans-pesticides-depuis-10-ans/
La seule bonne nouvelle dans cette autre fin du monde annoncée, c’est qu’elle dépend entièrement de nous – on peut penser que c’est aussi la pire des nouvelles mais je veux croire que cela veut dire que nous avons en nous tous ce qu’il faut pour réagir et inverser cette trajectoire suicidaire avant qu’il ne soit trop tard.
Nouvelles du front : l’astéroïde 2004-MN4, rebaptisé Apophis du nom d’une divinité égyptienne démoniaque, est passé pas très loin de nous cette nuit. Il va aller faire un grand tour jusqu’à son retour en 2029. Il repassera ensuite en 2036 mais beaucoup plus loin (à 14 millions de kilomètres).
Apophis? Apophille non plus?? ..ouf, manquerait plus que çà..