Comme dit Voiedorée : « Je préfére faire que dire« , donc, voici un petit rappel de l’origine de Amnesty International.
La naissance de l’organisation
Novembre 1960 : John Fitzgerald Kennedy vient d’être élu président aux Etats-Unis à une courte majorité. La «guerre froide» sépare le monde en deux blocs. Berlin est encore, pour quelque mois, une ville sans mur de partage. En Europe, deux dictateurs fascistes sont encore à l’œuvre : Franco en Espagne et Salazar au Portugal. Albert Camus, auteur de l’Etranger et de La Peste, est mort en janvier. La Dolce Vita, de Federico Fellini reçoit la Palme d’Or à Cannes et la pilule est mise en vente libre aux Etats Unis.
À Londres, Peter Benenson s’engouffre dans le métro, son journal sous le bras. Il a trente-neuf ans et est déjà un avocat connu de la scène londonienne et internationale. Particulièrement sensible aux injustices qui accompagnent les procès politiques, il se déplace depuis dix ans partout dans le monde soit pour assister à ces procès en tant qu’observateur de la Commission Internationale des Juristes, soit pour plaider lui-même. Il a d’ailleurs fondé avec des collègues une petite association, « Justice », qui fait campagne, dans la mesure de ses moyens, pour le respect des droits humains. Sans le savoir, en ouvrant son journal ce matin-là, il met en marche un engrenage dont les rouages tournent aujourd’hui à plein volume.
Sur les feuilles imprimées, le regard de l’avocat est attiré par un entrefilet en provenance de Lisbonne, la capitale portugaise : dans cette ville, soumise, comme tout le Portugal, à la dictature de Salazar, deux étudiants ont été arrêtés et emprisonnés pour avoir porté un toast à la liberté. Indigné, Peter Benenson pense d’abord se rendre à l’ambassade du Portugal pour protester, puis, conscient du peu de poids qu’aurait une telle démarche, imagine une action plus déterminante : faire participer le public, et bombarder le gouvernement portugais de lettres de protestation envoyées par des citoyens anglais. L’idée fait son chemin et évolue encore…Pourquoi se consacrer à un seul pays ? Pourquoi ne pas lancer une campagne d’un an pour attirer l’attention du public sur le sort des prisonniers politiques et religieux à travers le monde ?
L’avocat contacte ses amis, ses connaissances, et le 28 mai 1961, un article signé Benenson paraît dans l’hebdomadaire anglais, The Observer. Il s’intitule les prisonniers oubliés et est illustré par les photos de six prisonniers originaires de Roumanie, de Tchécoslovaquie, de Hongrie, de Grèce, des Etats-Unis et de l’Angola.
Aucun d’eux n’a usé de violence, mais tous sont emprisonnés pour « dissidence » d’opinion. Pour chacun d’entre eux, Benenson lance un « Appel à l’amnistie » et demande à leurs gouvernements respectifs de les relâcher ou de les juger de manière équitable. Il demande aussi aux groupes de sympathisants qui voudraient se réunir pour agir d’adopter trois prisonniers, un étant détenu dans un pays du bloc soviétique, un dans une prison de l’Ouest et le troisième dans le Tiers Monde, afin de préserver l’impartialité du mouvement. Simultanément, un article parallèle paraît dans le quotidien français Le Monde, suivi par d’autres dans les journaux des principaux pays européens, dont un dans un journal de Barcelone, à la barbe de Franco.
L’article suscite un nombre incroyable de lettres, d’offres de services, d’adhésions…parmi ces premiers sympathisants, une jeune dessinatrice anglaise, Diana Redhouse propose ses services à Benenson, qui lui suggère de créer un emblème, il pense par exemple à une bougie entourée de barbelés. Diana dessine le logo qui n’a pas changé à ce jour et qui illustre le vieux proverbe chinois « mieux vaut allumer une bougie que maudire l’obscurité ». A peine deux mois plus tard se réunissent à Luxembourg « les premiers délégués nationaux » du mouvement : ils viennent de France, de Belgique, de Suisse, d’Irlande, des Etats-Unis et bien entendu, de Grande-Bretagne. Ensemble, ils décident de faire de l’Appel en faveur de l’amnistie 1961 un mouvement permanent « pour la défense de la liberté d’opinion et de religion » qui portera le nom Amnesty International.
Mai 2001… la guerre froide est finie depuis plus de 10 ans. Les conflits internes sévissent dans toutes les régions du globe. Les Etats Unis pratiquent toujours la peine de mort, la liberté d’expression n’existe toujours pas en Chine….Les fondateurs d’Amnesty ont vieilli ou disparu, le mouvement s’est élargi, bureaucratisé, professionnalisé, ses objectifs ont évolué…
Au milieu de tous ces changements, immuable, toujours aussi forte et aussi vraie, reste la phrase par laquelle Peter Benenson ouvre son article en 1961,
« Ouvrez votre journal, n’importe quel jour de la semaine, et vous trouverez venant de quelque part dans le monde, une dépêche indiquant que quelqu’un a été emprisonné, torturé ou exécuté parce que ses opinions ou ses croyances religieuses ont été jugées inacceptables par son gouvernement.
Ils sont plusieurs millions en prison pour cela et leur nombre ne cesse de croître. Devant son journal, le lecteur ressent un sentiment d’écœurement et d’impuissance. Or, si ces sentiments de dégoûts répandus dans le monde entier pouvaient être réunis en vue d’une action commune, quelque chose d’efficace pourrait être réalisé. »
Peter Benenson pour Amnesty Belgique
anti
Un rappel fascinant et plein d’enseignement.
Et en plus, CA MARCHE !
…mais pas souvent (je viens d’apprendre le retour en prison de U Win Tin).
Raison de plus pour perséverer.
ça marche dans la mesure où, même si les prisonniers ne sont pas libérés immédiatement leurs geoliers les respectent davantage. De plus cela aide moralement le prisonnier quand il arrive à savoir qu’une organisation comme Amnesty s’occupe de lui. Un troisième élément impostant : les membres d’Amnesty connaissent par l’intérieur ce qui se passe dans les états car l’info est complête et pléthorique (et juste)
Tu fais bien de le rappeler voie. Tous les anciens prisonniers le témoignent. Et c’est toujours pareil : il faut faire circuler l’information.
Et de citer à nouveau la phrase de Atalli dont parlait Catherine l’autre jour : « la meilleure façon de tuer une démocratie est de lui permettre de mettre en place les outils dont un totalitarisme pourra se servir pour se débarrasser d’elle. »
anti