J’écris des thrillers. J’adore en lire aussi ou en voir au cinéma. Mon moment préféré dans ces fictions, c’est celui où l’un des personnages qu’on croyait méchant se révèle être un gentil ou vice-versa. La logique est toujours la même mais la surprise reste intacte quand c’est bien fait. La seule question qui permet de deviner le rebondissement, un petit peu avant ce qui va se passer, est de se demander à qui profite l’action.

Lorsque l’affaire DSK a éclaté, comme tout le monde, j’ai trouvé ce qui lui arrivait invraisemblable et pour les mêmes raisons que tout le monde.

Très vite, les théories du complot ont fleuri pour tenter de lever cette invraisemblance inouïe : pourquoi un homme riche, puissant et populaire, sur le point de devenir très probablement le futur président de notre pays, ferait quelque chose d’aussi stupide et odieux que violer une femme de chambre vite fait avant de prendre son vol pour la France ?

Tout a été imaginé : coup tordu des sarkozystes, de la CIA, de ses adversaires à gauche, des juifs, des francs-maçons et tutti quanti.

Tout ou presque. Je n’ai jamais lu nulle part le seul scénario que j’aurais écrit, en tant qu’auteur de thriller, si j’avais eu à en tirer un bon gros film d’action.

Celui de l’auto-complot.

Reprenons les faits objectifs. Juste avant ce fameux 14 mai où la planète entière a vacillé en apprenant la nouvelle, le seul gros problème qu’avait DSK pour se présenter aux élections était de devoir au préalable démissionner du FMI à temps pour les primaires du PS, au risque d’être taxé de personne incapable de tenir ses engagements jusqu’au bout de son mandat.

La seule solution parfaite aurait été qu’il soit contraint de donner sa démission pour des raisons indépendantes de sa volonté, et ce de façon totalement irréfutable. C’est ce qui s’est passé.

Il fallait bien sûr qu’il soit reconnu innocent du crime dont on l’a alors accusé pour pouvoir poursuivre sa route triomphale.et qu’en plus, son innocence soit proclamée à temps pour qu’il puisse participer aux primaires. C’est ce qui est en train de se passer avec une précision chronométrique digne de tout bon thriller qui se respecte. Mieux, ce sont les procureurs eux-mêmes, et non ses propres avocats, qui clament s’être peut-être trompés sur sa culpabilité supposée et sur la non-innocence de sa présumée victime.

Pour parachever l’intrigue, il fallait qu’il n’ait aucune possibilité de reprendre son siège au FMI une fois innocenté. C’est également ce qui vient de se passer, avec la nomination de Christine Lagarde à ce poste.

Le voici donc libéré du FMI sans qu’on puisse le lui reprocher et sur le point d’être libéré de toute charge sérieuse sur l’affaire dont on l’accusait. Et il est resté parfaitement blanc dans son attitude depuis le début en ayant fait remarquer qu’il n’avait pas fui après le viol supposé, qu’il avait même pris tout son temps avant d’aller à l’aéroport, qu’il avait appelé l’hôtel pour signaler l’oubli de son portable, qu’il avait du coup indiqué explicitement où il pouvait être trouvé à l’aéroport, que le vol qu’il devait prendre était réservé de longue date et qu’enfin, il a plaidé non-coupable au risque de passer 25 ans de sa vie en prison.

Avec, en bonus, le fait qu’après avoir été soupçonné d’être le Méchant Suprême, le voici devenu le Gentil que des vrais méchants ont voulu faire tomber, ce qui va sans aucun doute démultiplier sa popularité et ses chances d’écraser tous ses adversaires, à gauche comme à droite.

Si ça c’est pas un beau scénario, avec des rebondissements invraisemblables et une fin triomphale pour le héros…

J’y ajoute un post-générique. Ce que je viens de décrire est un jeu de mon imagination. Cela dit, la réalité est souvent bien plus surprenante que n’importe quelle fiction. Alors, à tout hasard, si tout cela est vrai, je tiens à dire toute mon admiration à ceux qui ont œuvré si magistralement à la réalisation de ce coup parfait.

Cet article a également été mis en ligne sur Le Post
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