Il n’aura fallu qu’un panneau sur la route sur lequel on peut lire :
Poulet !
et l’évocation d’un futur voyage en Afrique noire pour me faire revenir à l’esprit Cocorico Monsieur Poulet !, the road movie franco-nigérien de Jean Rouch.
« Ce film a peut-être été le plus drôle à faire. Lam avait proposé un documentaire sur le commerce du poulet, nous décidons d’en faire un film de fiction réalisé par Dalarou, nouveau réalisateur multinational et tricéphale : Damouré Zika, Lam Ibrahima Dia, Jean Rouch. Nous avons été dépassés dans l’improvisation par les incidents : la voiture de Lam n’avait ni freins, ni phares, ni papiers. Ses pannes continuelles modifiaient sans cesse le scénario prévu (…). Alors l’invention était continuelle et nous n’avions aucune autre raison de nous arrêter que le manque de pellicule ou le fou rire qui faisait trembler dangereusement micros et caméras. »
Cinéaste et ethnologue de renommée internationale à l’instar de Claude Lévi-Strauss, Jean Rouch a tourné plus de 120 films sur le continent africain. Il est considéré comme le père fondateur du « cinéma-vérité ». Certains films relèvent de la tradition anthropologique pure, d’autres de la fiction humoristique commeVW voyou et Foot Girafe.
Pour vous parler du film, je vous ai déniché un article de Shangols, site franco-chinois de cinéma pointu et nécessaire (sic)
Rouch présente tout ça comme un documentaire, ce qu’il est finalement : c’est du cinéma-vérité, pris sur le vif caméra à l’épaule, tributaire du hasard et des incidents (la voiture tombe en rade tous les deux kilomètres, les flics empêchent le passage, etc.) ; le Niger est filmé à travers sa population, ses villages, son rythme absolument incompréhensible à l’Européen moyen, sa débrouille au jour le jour. Les incessantes traversées du fleuve, grands moments épiques, sont montrées dans la durée : on démonte la bagnole, on vérifie si les pneus flottent, on vide l’huile, on charge le tout sur une barque, etc. On a vraiment la sensation que Rouch filme au gré des évènements, abasourdi par ce qu’il voit. Mais tout ça est également une pure fiction, avec tout ce que ça implique : direction d’acteurs, scénario, montage, construction, etc. Petit à petit, la fiction infiltre la vérité, dans un troublant jeu d’aller et retour entre l’une et l’autre. Le don d’improvisation des protagonistes du film fait plaisir à voir, qui inventent des dialogues poilants ou se sortent de situations impossibles. Finalement Cocorico ! Monsieur Poulet est assez proche des expérimentations pionnières de Flaherty au Pôle Nord ou des films tardifs de Murnau à Tahiti : on y retrouve quelque chose de l’innocence du monde, quelque chose de la magie simple de l’enregistrement cinématographique, et une manière originale de comprendre le cinéma, en lui reconnaissant son indélébile pouvoir de mensonge. Le fait de choisir l’Afrique rurale pour montrer cette naïveté-là fonctionne très bien. Cette théorie passe dans un éclat de rire, dans une sorte de bonheur d’être là, de filmer ces gens-là, de s’étonner du monde. Joie.
anti, devinez ce qu’on a mangé hier soir ?
Trooooooop bien !!! Ça donne vraiment trop envie de le voir !!!
J’adore le côté surréaliste de cette phrase : « ils croisent tour à tour, à défaut de poulets, une diablesse gironde, un éléphant invisible, un colon français, et une foule de petites gens hilares. »
Par contre, pour le panneau « 2 et 7 Poulets! » (visible sur la route d’Alès), je n’ai toujours pas le moindre début d’ombre d’explication de son sens métaphysique profond. Mais ça nous fait marrer à chaque fois qu’on le voit, c’est l’essentiel !
Anna, penser à vérifier s’il n’y a pas un éléphant qui traîne dans le jardin