L’Evangile selon Saint Lattier

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« L’Évangile selon Saint Lattier »
EXPOSITION GERARD LATTIER
Nîmes – Chapelle des Jésuites
du 12 octobre au 15 novembre 2010

Je ne sais pas si vous vous souvenez de Gérard Lattier ? Nous vous en avions parlé sur le blog à l’occasion de la soirée que nous avions passée chez Hector le Chilien. Gérard Lattier, c’est le conteur peintre qui a représenté l’histoire d’Hector et de Victor Jara.

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Né à Nîmes en 1937, Gérard Lattier a des attaches profondes avec Ruoms en Ardèche. Secrétaire de mairie, il peindra très jeune des tableaux où angoisse et fantasmes seront omniprésents. Puis, il se consacrera à « raconter » des histoires peintes récoltées auprès des siens, de ses amis et de ses rencontres. Issu de cette immémoriale lignée des « peintres populaires raconteurs d’histoires », de cette peinture primitive oubliée de l’Histoire de l’Art qui perdure encore en certains endroits, si on sait y porter attention.
Gérard LATTIER est en quelque sorte le reflet de nos questionnements sur un monde en profonde évolution.

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Durant quatre années, le peintre a conçu une série de 42 tableaux racontant une histoire mythique et pourtant bien réelle : l’histoire de La Bête du Gévaudan. C’est une histoire de paysans et de soldats, d’évêques et de curés, de nobles et de roturiers, de chasseurs et de rabatteurs, une histoire d’une région déshéritée du centre de la France, une histoire qui se passe quelques années avant la Révolution française, l’histoire d’une bête qui, de 1764 à 1767, tue et tue encore plus de 100 personnes. A travers ces images naïves et brutales à la fois, c’est aussi l’histoire de nos peurs enfantines, l’histoire de toutes les peurs.

Le Voyage en peinture Peintre-conteur, imagier, inclassable, Gérard Lattier dit et peint le rugueux du vécu comme les floraisons du vivre. Avec humour et amour.

Il a le regard malicieux, la parole ouverte et revendique la seule vraie liberté, « celle du dedans de la tête ». Il aime la garrigue et les histoires vraies. En d’autres temps il aurait été troubadour, et les couleurs dont il illumine ses histoires brillent de cette lumière qui signe l’accord entre le dit et le montré, le peint et l’écrit.

Près de cinquante ans, à présent, qu’il fait rimer syllabes et couleurs, passé et présent, manière d’être et peinture. Cinquante ans qu’il manie brosses et pinceaux à la manière d’un peintre florentin appréciant la belle ouvrage. Cinquante ans qu’il voyage en fantasmes, en enfance, en fait divers, dans la guerre, dans la paix ou parmi les bêtes et les amis. Loin du conceptuel ou du minimal, Gérard Lattier se veut et se revendique faiseur-montreur-diseur d’images peintes. Né à Nîmes en 1937, il perd très tôt son père. « En 1944 mon père est mort sous les bombes américaines et ça a été la misère ma mère demandait rien, aussi on lui donnait rien ». Puis ce sera le Collège Technique, « pour être cordonnier, et j’étais gros au milieu des maigres et on me faisait caguer pour ça ! Heureusement il y avait Mon Pays d’Ardèche et les vacances ».

Il commence à gagner sa vie en nettoyant les toilettes de la piscine municipale de Nîmes, puis refusant de faire la guerre d’Algérie, il est interné « avec un certificat de folie militaire ». « Je me suis retrouvé chez les fous sans lacets ni cravates des fois qu’on se serait pendus ! Mais j’ai pu peindre tout mon saoul c’était même la seule fois que la société m’a pris en charge et m’a nourri pour faire des tableaux. Quand je suis sorti de là j’étais moitié calu mais je savais que j’allais peindre sans me censurer ».

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Désormais employé comme dessinateur à la mairie de Nîmes, il ne va plus cesser de peindre. La nuit, après le travail. Il peint des monstres, des êtres hybrides, tout un univers fantastique à la Goya, à la Bosch, à la Dado. Des huiles, des gravures à l’eau-forte, des dessins à l’encre de Chine, des lavis, qui célèbrent des désirs inavouables, des tentations interdites, l’homme en proie à sa Bête intérieure et à ses démons : des tentateurs, des tourmenteurs, des dévoreurs, des sacrificateurs. Jusqu’à ce qu’une dépression l’arrête (on est en 1965), une dépression « qui se porte aux yeux, je ne peux plus fixer, je ne supporte plus la lumière, je ne bande plus, le corps refuse d’aller plus loin. Merde ! : coureur à pied, j’aurais sans doute été paralysé des jambes ». Heureusement, il rencontre Annie qui veut bien de lui dans l’état où il est. « Annie m’a ramassé et m’a fait un petit et ça ! c’est une bonne raison de vivre ! » Il guérit, reprend les pinceaux, réinterprète en guise d’exorcisme La Crucifixion de Grünewald, et peut alors s’engager dans une autre voie.

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Sur des panneaux de bois retirés des bains-douches municipaux de Nîmes et couverts d’une toile marouflée, il peint ses premiers ex-voto, « à la gouache, parce que je peins dans ma cuisine et que la peinture à l’huile c’est beau, mais ça pue ». Des tableaux pleins d’humour, à mille lieux de sa période noire dont ne subsistent que des ciels souvent chargés et quelques démons volants. Dans la foulée, l’envie, et le besoin, lui viennent de redonner vie à des scènes de son enfance, de peindre les histoires que lui racontaient sa « mémé », ses tantes, ses cousins ou ses amis.
Des histoires libertaires et libertines, des anecdotes, des accidents, des facéties, des faits divers. Pour ce faire il condense d’abord l’histoire, la scénarise, l’organise de manière à pouvoir être contée plus que lue. Car Lattier a besoin de la voix, de la proximité qu’elle établit, de la présence qu’elle suppose. Et cette histoire, une fois mise en forme et écrite en un français du sud, savoureux, coloré, roulant dans son flux de vieux mots du patois occitan, il s’agit ensuite de la transférer dans le regard, de la mettre en images, de la peindre en théâtralisant les événements, en usant des techniques de la bande dessinée comme du sens de la dérision et du merveilleux. D’où une imagerie édifiante, un art évocatoire servi par un étonnant vitalisme chromatique.

Image4.jpgLattier ne vend pas ses histoires peintes. Elles sont faites pour se fixer dans la mémoire collective, pour tenter de lutter un peu contre le silence
ou l’amnésie collective. Alors, lui qui maîtrise parfaitement la technique des grands maîtres de la figuration, il n’hésite pas à jouer des effets de la disproportion, de la fausse perspective, des anachronismes (ce qui donne à sa peinture un faux air naïf), pour toucher, interpeller son vis-à-vis, l’obliger à réagir, à prendre la distance nécessaire à la réflexion. Libérant les émotions, il aimerait dénouer les langues, faire partager sa soif d’équité, sa haine de la guerre, son mépris des hiérarchies. Une sorte de gai-savoir et de cri du coeur qui en appelle à la fraternité et au bon sens de l’autre. C’est ce parcours, cette démarche que rassemble Le Voyage en peinture. Plus de 180 tableaux auxquels il faut ajouter les 42 tableaux de l’histoire de La Bête. (« C’est le voyage au pays de la Bête du Gévaudan. Ce voyage-là, il me dure quatre ans avec, au bout du voyage, la Bête qui me tend le miroir, je me suis regardé dans le miroir, j’ai demandé Pardon »). Un livre débordant de couleur et de truculence, un livre qui met de bonne humeur et se révèle donc particulièrement précieux. (texte de Richard Blin)

EXPOSITION GERARD LATTIER : « L’Évangile selon Saint Lattier »
Nîmes – Chapelle des Jésuites : 17 Grand’Rue, jusqu’au 15 novembre
Horaires : du mardi au dimanche de 10h à 18h
Renseignements : 04 66 76 74 80

A Lire aussi un article de l’association Clovis Trouille

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2 Replies to “L’Evangile selon Saint Lattier”

  1. Anna Galore

    Ah mais oui, c’est lui dont nous avait parlé Hector !

    Un artiste aux œuvres très attachantes, avec ses dessins (faussement) naïfs et colorés et cette idée vraiment particulière d’histoires racontées en images, comme une BD.

    « Lattier ne vend pas ses histoires peintes. Elles sont faites pour se fixer dans la mémoire collective, pour tenter de lutter un peu contre le silence ou l’amnésie collective. »

    Un choix humaniste et politique tout à fait remarquable, émouvant, très fort.

    Beau coup de cœur que voilà.

  2. anti

    Oui, vraiment le personnage me plaît autant que son œuvre. Quelle vie… J’ai une petite idée de ce que nous allons faire pendant le week-end 😉

    anti

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