Nous étions hier au tribunal de grande instance (TGI) de Nîmes, mon éditrice ayant été assignée en raison de la couverture de « Corrida la honte ». La sculptrice Serena Carone estime en effet que nous n’avons pas le droit d’utiliser une photo montrant un fait-divers qui s’est produit sur la voie publique en septembre 2012. La statue qu’elle a créée avait été maculée d’un produit colorant, comme l’avait rapporté le Midi Libre.
La couverture montrée ici a été partiellement occultée en raison du le verdict du 15/9/14 interdisant le visuel original.
Le droit est une discipline complexe. Quand on se retrouve assigné devant un tribunal, on a intérêt à choisir le meilleur avocat possible. L’avocat de la plaignante, Maître Para, avait décidé de nous assigner au TGI de Nîmes. Notre avocate, Maître Nguyen Phung, a objecté que, depuis fin 2010, ce tribunal n’était pas compétent pour une affaire relevant du droit de la propriété artistique. Dans la région, le seul qui l’est est celui de Marseille.
Du coup, l’audience a tourné court. Maître Para, bien qu’inscrit au barreau de Nîmes, l’ignorait.
Il a donc demandé un report pour revoir son dossier. Le juge a proposé une nouvelle audience pour le 25 juin si c’est toujours à Nîmes que Maître Para veut plaider malgré tout. Si Maître Para rejoint Maître Nguyen Phung dans son analyse, il pourra toujours nous assigner à Marseille, avant ou après le 25 juin.
MISE A JOUR (12h) : la prochaine audience aura lieu le 11 juin à Marseille.
Un journaliste qui m’attendait à la sortie de la salle m’a demandé, entre autres questions et avec un grand sourire entendu, si ça ne nous arrangeait pas que cette histoire soit jugée ailleurs qu’à Nîmes, ville – selon lui – largement sous influence pro-corrida. Je lui ai répondu que c’était à Maître Para qu’il fallait poser cette question puisque c’est lui qui a voulu nous assigner à tout prix à Nîmes.
Franchement, tout cela nous est un peu égal : nous, notre dossier est prêt. Et, en attendant qu’il y ait une décision de justice disant le contraire, mon livre continuera à être diffusé avec sa couverture telle qu’elle est.
L’illustration « Attention il a un livre » a été diffusée fort à propos par Francis Allouchery sur Facebook hier
Serena Carone a provoqué une affaire dans laquelle les taurins ne peuvent qu’être perdants.
D’abord, cette affaire fait parler du livre, ce qui ne les arrange pas.
Ensuite, deux possibilités :
– soit la plaignante est déboutée et c’est un camouflet pour elle
– soit elle obtient gain de cause et, bien que seule la couverture soit visée, cela passe pour une volonté de censurer un ouvrage qui dérange.
Dépêchez-vous d’acheter le livre !
Si la couverture actuelle est censurée, alors, les ouvrages comportant cette couverture-là deviendront collectors et vaudront rapidement une fortune sur ebay.
Ben oui, c’est pourtant évident et ce n’est pas peine de le leur avoir fait remarquer : dans cette histoire, nous on gagne à tous les coups. Quelle idée elle a eu de s’attaquer à cette couverture et de la rendre ainsi célèbre !
Un petit complément sur ce que tu viens d’écrire : si la plaignante est déboutée, ce ne sera pas un camouflet juste pour elle mais pour tous ceux qui se sont réjouis un peu vite de la voir nous attaquer en espérant que cela nous gênerait.
Il y a une frénésie procédurière actuellement chez les taurins, qui ne semblent pas comprendre que toute action en justice est périlleuse et à double tranchant : cela fait parler de la corrida dans les médias (thème souvent absent en dehors de quelques publications), et même en cas de succès, en terme d’image, l’action peut se retourner contre son auteur. Pour gagner la sympathie et le soutien de l’opinion, il vaut mieux avoir le statut de victime, et c’est le condamné qui peut récupérer ce statut.
C’est très maladroit de s’en prendre à un livre, dans l’imaginaire collectif, cela évoque la censure, les autodafés, les méthodes totalitaires. On refuse le débat et la confrontation des idées, on préfère la prohibition.
Il pourrait même être avantageux que la plaignante gagne. Avec un peu d’imagination, il y aurait moyen de rebondir avec une nouvelle couverture encore plus originale, encore plus politiquement incorrecte, tout en étant quasi inattaquable judiciairement. Bref, ce serait un moyen de faire encore plus de buzz autour du livre, de faire un nouvel évènement, de donner au livre une nouvelle naissance.
Exactement. D’ailleurs, si la couv actuelle est finalement interdite, on sait déjà ce qu’on mettra à la place et c’est tout-à-fait dans l’esprit de ce que tu suggères.
Et voilà, c’est le Midi Libre qui nous l’apprend : « Dans l’après-midi, Me Para indiquait avoir saisi le tribunal de Marseille. L’affaire pourrait y être examinée le 11 juin. »
http://www.midilibre.fr/2014/05/29/photo-de-la-statue-de-nimeno-ii-l-affaire-examinee-a-marseille,867371.php
Quand on accepte qu une de ses « oeuvres » soit en place publique, statue qui démontre encore une fois de plus que l Homme serait supérieur à l animal avec tout ce que cela comporte de dérives… on assume !
Il existe des colères qui se transforment en haine majeure…
avec comme but la censure ou la violence…
C est bien en fait, tu ne paies pas de pub pour ton livre, quelle chance, elle te la fait gratos ! Je suis certaine qu il y a plus de gens intéressés aujourd hui par le CRAC avec toutes ces couvertures de quotidiens qui en parlent. Bravo les filles 😉
Personnellement j’étais persuadé que la manoeuvre à quelques jours de la manif d’Alès avait pour simple but d’interdire l’ouvrage avec sa couverture actuelle et ne pas laisser le temps à la maison d’édition de réaliser une réédition avec une couverture différente d’ici le 31 mai.
Non seulement ça a complètement capoté, mais en plus le petit avocat de la plaignante a étalé au grand jour ses compétences professionnelles.
J’espère que ses honoraires ne sont pas trop élevés, sinon c’est l’arnaque du siècle…
Si j’ai bien compris, ce n’est pas la photo de la sculpture qui a été maculée de sang ou d’un produit rouge. Il ne s’agit pas d’une photo retouchée mais de la photo d’un fait divers, une statue maculée elle-même par un tiers sans lien particulier avec l’éditeur incriminé. Ne resterait donc à charge que la photographie d’un monument public. Est-ce répréhensible ? A mon avis, pas plus que de photographier la Tour Eiffel ou l’Arc de Triomphe.
Robert Notenboom
C’est très précisément ce que nous pensons.
Cette semaine dans le journal de ma région, il y au eu un long article sur le sujet du droit à l’image et sur l’utilisation publique de photos. A la lecture de cet article , je serais plutot très optimiste pour vous. Bon courage!!!!!
Le « statut » de la plaignante pour une statue hu hu hu ..
elle compte aussi faire retirer toutes les cartes postales Nîmoise ou figurent son tas d’cailloux ? 🙂
Intéressant Anthracite41. Pourriez-vous m’indiquer où je pourrais lire éventuellement cet article ?
Le « statut » de la plaignante pour une statue hu hu hu …
😉
Réponse pour ANTI : La Nouvelle République du Centre Ouest du 07 juin page 31. Voici la partie intéressante de l’article qui commence par les jugement jusqu’aux années 1990 qui donnait toujours raison aux photographe. La suite : « ….Après de nombreuses années défavorables aux photographes, les juges ont prononcé des décisions plus équilibrées. Dans un arret du 7 mai 2004, la Cour de Cassation est revenue sur la jurisprudence. Elle a considéré que le propriétaire d’une chose ne disposait pas d’un droit exclusif sur son image mais qu’il pouvait s’opposer à l’utilisation de celle-ci par un tiers lorsqu’elle lui causait un trouble anomal. Le propriétaire doit apporter la preuve de la nuisance occasionnée »
Si le tribunal de Marseille suit cette donnée, l’auteur peut tout juste espérer faire retirer la photo de la couverture, et encore si elle apporte la preuve demandée . Mais bon avec la justice, on ne sait jamais, les interprétations sont souvent très élastiques!!!!!
C’est effectivement ce que demande Serena Carone : le retrait de la couverture. Seul le Midi Libre a écrit par erreur qu’elle demandait l’interdiction du livre (quasiment impossible en France à moins de dépasser toutes les limites dans la violence, le racisme, etc.).
Il me semble (mais je peux me tromper n’étant pas juriste) que les deux seules questions sur lesquelles vont donc s’affronter les avocats sont :
– peut-elle prouver que la photo d’un fait public qui s’est produit en 2012 peut apporter un trouble anormal en 2014 ? Pour le moment, je n’ai pas remarqué que les rues de Nîmes soient à feu et à sang.
– plus généralement, a-t-elle quoi que ce soit à dire du fait que cette scène journalistique (un fait-divers sur la voie publique) soit utilisée en couverture d’un livre ?
De ses propres termes dans l’assignation, Serena Carone redoute que cette image devienne un symbole pour le combat anti-corrida. Pourquoi ne l’est-il pas devenu en 2012 quand une photo de la même scène a été publiée par le Midi Libre et vite oubliée ensuite ?
Je lis : « s’opposer à l’utilisation de celle-ci par un tiers lorsqu’elle lui causait un trouble anomal. Le propriétaire doit apporter la preuve de la nuisance occasionnée »
« lui causait » à qui ? à l’auteur? la nuisance est portée à lui ou en général ? ou est-ce un « lui » en trop dans la rédaction ?