Emmanuel Giboulot est vigneron en Côte d’Or (Bourgogne). Dans sa famille, ils sont bio de père en fils depuis 45 ans. Il y a quelques mois, il a refusé d’épandre des pesticides sur ses vignes pour contrer un parasite qui n’est même pas présent chez lui. Il va être jugé ce lundi 24 février au tribunal correctionnel de Dijon. Il risque six mois de prison et 30 000 euros d’amende.
Une pétition pour le soutenir a déjà réuni plus de 400 000 signatures.
Chez Emmanuel Giboulot, les vignes ressemblent à un jardin naturel : tout pousse comme ça vient autour des pieds de vigne. Pour lui, adepte de la biodynamie, il est crucial de respecter les équilibres naturels pour que les cultures se développent avec un minimum de problèmes. Dans ce cas précis, les fleurs attirent des prédateurs des parasites, ce qui rend le recours aux pesticides inutile.
« L’idée, c’est de mettre en œuvre un ensemble de choses pour éviter que la maladie ne se développe. C’est la base de notre travail, ça s’appuie sur des équilibres biologiques. Par exemple, on laisse les contours [des vignes] enherbés, on ne les tond plus. Ce sont des idées qui sont véhiculées par la biodynamie, où on parle souvent de rythmes, d’aller au bout d’un cycle. On dit notamment que c’est important qu’il y ait des fleurs dans l’environnement. […]
Cette année, je n’ai pas tondu du tout les contours, pour avoir des plantes. Tu as des fleurs jusqu’en août dans ton environnement de vignes, et même au-delà dans les rangs, où il y a des fleurs de fin de cycle. Les fleurs contribuent à un équilibre global en maintenant certains prédateurs dans les vignes. »
Fort heureusement, l’été dernier, l’AFP entend parler très vite du fait qu’Emmanuel Giboulot va être traîné en justice et en parle. Les médias relaient et les soutiens affluent.
Pour Emmanuel Giboulot, la décision préfectorale d’imposer des pesticides sur la région sans motif avéré relève d’une politique de la peur : on ne se pose pas de question, on traite, même si c’est pour rien, même si tout le monde sait désormais que les pesticides sont dangereux pour les agriculteurs en premier (ils y sont surexposés), pour les consommateurs ensuite.
« C’est irresponsable au possible. Qui va assumer les responsabilités dans cinq, dix ans ? Qui va payer demain ? Le directeur du Sral (Service régional de l’alimentation), le sous-directeur, le préfet ? Ils vont laisser une part de leur salaire pour indemniser les victimes des pesticides, de ces traitements obligatoires même quand ils ne sont pas nécessaires ? »
Le plus surréaliste, c’est que le ministre de l’Agriculture est, lui, en faveur d’une approche résolument écologique.
« On a un ministre qui a une vision courageuse sur l’agriculture, mais derrière rien n’est mis en place sérieusement. Les services de l’Etat, l’administration, restent campés sur leurs positions. Il est où le blocage ? Je ne sais pas. Ou on considère que le ministre est fourbe et sait très bien ce qui se passe derrière, ou effectivement il n’arrive pas à faire passer le message. »
Emmanuel Giboulot souligne, à juste titre, que son procès dépasse largement son cas personnel. Ce qui est en jeu, c’est l’avenir même de tout un secteur qui lui semble largement noyauté par des lobbies peu soucieux de santé publique. Cela, le grand public l’a largement compris puisque plus de 400 000 personnes ont déjà signé la pétition de soutien, auxquelles s’ajoutent 80 000 autres sur Facebook. Une telle mobilisation spontanée est sans précédent pour ce genre de sujet.
« Quel que soit le résultat lundi, je ferai pression. Je ferai référence à l’image que ça donne de la région, à la mobilisation citoyenne. »
Le Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne en est bien conscient : il vient d’annoncer qu’en 2014 « les traitements seront plus ciblés ». Reste à savoir si ces intentions seront suivies d’effets.
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Le contenu de cette note s’appuie largement sur un article publié par Rue89 : Une journée avec le vigneron qui dit non aux pesticides, par Antonin Iommi-Amunategui.
Le 24 février, Emmanuel Giboulot a été condamné. Il a fait appel et… il vient d’être relaxé !
http://www.20minutes.fr/societe/1494655-20141204-dijon-relaxe-appel-viticulteur-refuse-traiter-vignes
Je n’avais pas lu cette note et je suis très heureuse d’apprendre la relaxe d’Emmanuel Giboulot. Très courageux ce Monsieur. Je ne savais pas que l’on pouvait être condamné pour refus d’arroser sa vigne de pesticides.
Monsanto est passé par là. J’ai vu le documentaire tourné dans la région. La plupart des vignerons ont cédé aux chants des sirènes.
J’habite une région de vignobles et je connais un viticulteur (je crois bien qu’il est le seul dans la région) qui fait dans le bio depuis très longtemps. Et il faut beaucoup donner pour avoir un terrain qui commence à être dépolluer. Mais à force de pugnacité, le rendement est là, la qualité aussi.
Ailleurs, c’est juste hallucinant. Quand on voit ces magnifiques vignobles au-dessus du lac, on n’imagine pas que les gens qui habitent les alentours ne peuvent même pas boire l’eau du robinet tant elle est chargée en pesticides. Sans parler du reste….