Suite à la surprise qu’a faite Valentine au chef pour son anniversaire, à savoir une journée d’initiation à la forge de La Sarraz chez Jean-Marie Corona qui va lui apprendre à créer son propre couteau, j’ai déniché un documentaire suisse passionnant sur les couteaux de cuisine : CLIQUEZ ICI POUR LE VOIR (c’est vraiment passionnant !)
Couteaux de cuisine : ABE tranche dans le vif !
Fabrications artisanale et industrielle
De Vallorbe à Delémont, de l’artisanat à l’industrie, le mode de fabrication d’un bon couteau ne change pas vraiment, même si la matière a changé au fil du temps. Aujourd’hui encore, en Suisse romande, on trouve des couteliers qui travaillent à la forge et à la pièce.
[DR] Les artisans de Vallorbe
A Vallorbe, plusieurs artisans utilisent le musée du fer pour fabriquer leurs couteaux. On y travaille le métal depuis 5 siècles. Désormais le lieu sert à la démonstration et au travail des couteliers, grâce à des machines actionnées à la force de l’eau. Tout commence par le forgeage d’une barre d’acier. Le coutelier surveille de près la couleur du métal, car elle indique la température de chauffe. Jean-Marie Corona, coutelier : « On doit absolument surveiller [les fers]. La surchauffe est très vite arrivée. » A l’aide d’un marteau mécanique, le coutelier dégage d’abord le manche, Le couteau apparaît peu à peu, affiné par touches successives. Puis le coutelier lui donne ses premières formes, dégageant le tranchant tout en évitant des coups de froid. Ces opérations permettent de tasser le grain du métal, et d’obtenir un acier plus résistant, avec plus de nerf. Il doit ensuite passer au recuit : de la cendre de bois va ramener le couteau chauffé aux environs de 900 degrés à température ambiante. « Cette étape va permettre au métal de se recristalliser tranquillement, cela permet d’éliminer les tensions qu’on a pu donner lors du forgeage. » Ensuite vient l’émouture, qui permet de donner son profil au tranchant. L’opération est délicate, elle va déterminer la fonction du couteau. Avec des flancs plats, ils seront très tranchants mais fragiles. Bombés, ils serviront au contraire pour du gros œuvre. Puis le coutelier ajoute sa signature, le coup de poinçon.
Le coutelier trempe ensuite le bas du tranchant dans un bain d’huile pour qu’il gagne en dureté, ce qui nécessaire à la coupe. Du coup, il devient cassant. Pour redonner de la souplesse à la lame, il faut la réchauffer aux environs de 250 degrés. Une différence d’une dizaine de degrés – que le coutelier détermine à la couleur – peut rendre un tranchant plus ou moins dur. Les dernières finitions se font à la meule, la lame est affilée au millimètre près. Au final, il faut une journée pour extraire un couteau d’une simple barre d’acier, et une dizaine d’étapes que l’on retrouve en partie dans le secteur industriel.
[DR] Secret de fabrication
Chez Wenger à Delémont, secret d’entreprise oblige, on ne nous montre pas tout, loin de là. Le processus de fabrication des couteaux de cuisine est l’objet des plus grandes précautions, l’entreprise dit craindre la concurrence chinoise. Pas question de filmer les stocks d’acier, qui compte pour beaucoup dans la qualité des couteaux. L’alliage de fer, de carbone, de chrome décide de la dureté des lames et de leur résistance à la corrosion. Quand il arrive ici, il est déjà moulé en fonction de l’appareillage Wenger. Les lames ne sont donc pas forgées mais découpées avant le traitement thermique, qui va les rendre plus dures, plus solides. La température de cette réchauffe n’est pas dévoilée, c’est recette d’entreprise. A leur sortie, les lames sont ensuite redressées à la main. Un travail de précision effectué par des ouvriers dont les gestes et les regards sont quasi -identiques à ceux de l’artisan coutelier.
[DR] La renommée grâce à des couteaux jaunes
D’étranges couteaux jaunes ont fait le renom de Wenger auprès des bouchers et des cuisiniers. Peter Hug, directeur, Wenger : « Cette couleur permet aux personnes qui travaillent sous stress de mieux voir les couteaux. Dans les cuisines industrielles, les couteaux noirs sont moins visibles que les jaunes. » Autre particularité, « Wenger était effectivement le premier à injecter directement les manches sur les lames. » Une technique que l’entreprise jurassienne utilise toujours aujourd’hui, et qui a été adoptée par l’industrie coutelière. Cela permet d’éviter que des restes d’aliments ou des bactéries viennent se nicher dans les jointures. Aujourd’hui, la production de couteaux de cuisine tous modèles inclus atteint chez Wenger les 100’000 pièces par mois. L’entreprise reste leader mondial auprès des boucheries et abattoirs, et elle commence à se faire une place plus importante dans le très concurrentiel marché ménager.
Couteaux : le test des experts
ABE a testé 12 couteaux, dont les prix varient de 9.95 fr. à 279 fr. Trois personnes constituent le jury :
Joseph Currat, maître forgeron de Vallorbe, coutelier à ses heures.
Henri Paul Grédy, boucher à Porrentruy et grand prêtre des saucisses d’Ajoie.
Le chef Gérard Praud, du Château de Pleujouse en Ajoie, coté 14 sur 20 au Gault et Millau.
Chacun a reçu un set de 12 couteaux neufs, dit de chef, dont la lame est d’environ 20 cm, achetés en Suisse romande et dont la marque a été masquée. La plupart des couteaux testés sont vendus sans que leur usage soit spécifié sur l’emballage. Nous avons voulu tester leur polyvalence, comme le ferait tout consommateur. Pour les experts, nous avons donc préparé divers aliments à couper : fines herbes, légumes, mais aussi poulet et lard séché.
Les testeurs ont noté les couteaux sur une échelle de 1 à 5.
JUGÉS BONS
[DR] Couteau Wenger, le préféré de nos experts.
Henri-Paul Grédy, boucher : « Il n’est pas trop flexible, la lame n’est pas trop lourde ni trop épaisse, on l’a bien en main et il coupe bien. »
[DR] Zwilling, apprécié pour la férocité de sa lame.
[DR] Mivit, convainc par son équilibre.
JUGÉS MOYENS
[DR] Jamie Oliver, critiqué à cause de la forme de sa lame.
Gérard Praud, chef, restaurant Château de Pleujouse (JU) : « La lame est arrondie, on va mettre plus de temps à faire le même travail car on ne peut pas aller jusqu’au bout. »
[DR] KAI. Son manche jugé glissant et inconfortable l’a fait baisser dans ce classement, malgré son pouvoir de coupe. Au test du poil, il rase en effet au plus près
Henri-Paul Grédy, boucher : « c’est le monstre, le top de la coupe. »
[DR] Victorinox, jugé trop léger en main, comparé aux autres.
[DR] M-Sélection. La lame est jugée correcte, contrairement au manche.
Henri-Paul Grédy : « Il est tout en métal et j’ai un peu peur quand le métal devient mouillé cela glisse. Je le déconseillerai fortement à ma belle mère. »
JUGÉS INSATISFAISANTS
[DR] Home. Ce modèle pose un problème de coupe.
Gérard Praud : « C’est vraiment difficile et avec la pointe c’est encore pire. »
[DR] Sola.
[DR] WMF.
Gérard Praud : « La chair est plus déchirée que coupée, c’est moyen moyen. »
[DR] IKEA.
Gérard Praud : « Les manches ressoudés, ça ne dure pas longtemps. La lame est beaucoup trop fine et on sent qu’on a pas la matière pour avoir toujours un bon tranchant. »
[DR] Richardson Sheffield. Nos experts sont quasi unanimes : son pouvoir de coupe est mauvais, et son manche inconfortable et glissant.
Joseph Currat : « Il y a très peu de matière, il donne l’impression d’avoir été fait à l’emporte pièce dans une tôle. »
Couteaux : avis d’experts + test en laboratoire
Pour compléter notre évaluation, nous avons confié nos douze couteaux au laboratoire Eurofins d’Aix en Provence.
Les ingénieurs ont fait analyser la composition chimique de l’acier, et mesurer sa dureté. Selon l’alliage choisi par le fabricant, la lame sera plus ou moins tranchante et résistante.
Le labo a ensuite procédé à un test d’usure. Pendant 8 heures, à raison d’environ 70 va-et-vient par minute, les couteaux ont passé par ce dispositif d’usure simulée. Une macrographie permet ensuite de juger de l’état de la lame.
Au final, nous obtenons donc un classement basé à la fois sur ces tests techniques et sur les notes de notre test pratique, sur une échelle de 1 à 5.
TRÈS SATISFAISANT
[DR] Wenger : note finale de 4,4.
SATISFAISANTS
[DR] Jamie Oliver : 4.
Victorinox : 3,9.
CORRECTS
[DR] Kai : 3,7.
M-Sélection : 3,5.
Le laboratoire a confirmé que ces 2 couteaux sont bien en acier damassé, à savoir constitué de plusieurs couches soudées.
[DR] Zwilling : 3,5. Ses performances techniques l’ont fait baisser malgré une bonne appréciation pratique. La dureté de la lame est jugée juste satisfaisante.
Mivit : 3,3. Sa lame a la dureté la plus faible du panel, et l’examen de sa composition chimique ne correspond pas aux indications du fabricant.
[DR] Home : 3,3.
INSATISFAISANTS
[DR] Sola : 3.
Ikea : 2,9.
[DR] Richardson Sheffield : 2,8. Il présente la teneur en chrome la plus faible du panel, le chrome étant important pour résister à la corrosion
WMF : 2,7. Le tranchant de la lame s’est nettement dégradé au cours du test d’usure.
Conseils d’utilisation et d’entretien
Les chefs George Wenger, du Noirmont, Gérard Praud, du Château de Pleujouse et le boucher Henri-Paul Grédy distillent leurs conseils d’experts pour une cuisine affutée.
Pour Georges Wenger, le nombre ne fait pas la force : « En principe, 3 à 4 couteaux suffisent : l’éplucheur traditionnel, le petit couteau d’office pour faire tous les taillages, le couteau à hacher et un couteau à trancher pour les légumes ou des choses un peu plus spécifiques, qui soit en même temps souple pour l’éfiletage de poisson. » Car l’essentiel ici n’est pas la multiplication des outils : « L’intérêt du marché est de multiplier l’offre, mais ce qui est important c’est l’habileté de l’utilisateur. »
Mais comment choisir son couteau dans un magasin ?
« Il faut prendre un couteau vraiment en main et ne pas le choisir derrière une vitrine. On a tous une morphologie différente, il faut voir s’il convient à votre main. »
[DR] Pour l’entretien, Henri-Paul Grédy, boucher, propose quelques conseils d’aiguisage : « Il y a plusieurs méthodes. Le plus simple est de prendre son aiguisoir, de le poser sur un plot, une table, un objet solide et du manche vers la pointe simplement glisser le couteau en ayant un angle le plus plat possible, simplement en appuyant un peu. Cinq à six passages suffisent mais il faut le faire assez souvent. »
[DR] Dernier conseil de pro : utiliser ses couteaux avec discernement, pour préserver leur lame et les faire durer plus longtemps. Gérard Praud : « Il est important de séparer les couteaux en deux catégories, ceux pour couper du dur comme les carottes, et ceux pour couper tout ce qui est tendre. Sinon il faut tout ré-aiguiser en permanence. »
Enfin, voici quelques conseils pratiques de base :
– Utiliser un couteau sur une surface trop dure cause le 70% de son usure. Mieux vaut une planche en bois ou synthétique qu’une surface vitrée ou en granit.
– Au rangement, séparer les couteaux des autres objets métalliques, au contact desquels la lame peut s’abîmer.
– Ne pas mettre au lave-vaisselle, le manche en souffre et la lame peut s’abîmer au contact des autres couverts.
– Ne jamais couper d’os.
– Pousser les herbes avec le dos, pas avec le tranchant.
– Aiguiser les couteaux usés, en gardant toujours le même angle et la même pression.
– Pour éviter les taches de rouille il est conseillé de laver le couteau immédiatement après avoir coupé des agrumes, tomates ou aliments salés.
Des lames japonaises pleins les yeux
La technique de forge traditionnelle au charbon des lames japonaises a près d’un millénaire. D’abord utilisée pour produire des sabres de samouraïs, elle sert aujourd’hui à fabriquer des lames de cuisine supérieures aux autres. Rencontre à Osaka avec Shigeaki Morinaga, grand maitre forgeur de couteaux de cuisine japonais, et Toshihiko Nagata, fils d’un des vendeurs de lames japonaises parmi les plus appréciés.
[DR] Des couteaux précieux
Dans le quartier de la coutellerie de Sakai à Osaka, Toshihiko Nagata offre, depuis trois générations, certaines des lames les plus appréciées des grandes toques de la cuisine japonaise. Lesquelles n’hésitent pas à venir d’un bout à l’autre du Japon jusqu’ici pour se les procurer. Certaines des lames vendues par Toshihiko Nagata sont produites par Shigehaki Morinaga, l’un des plus grands maîtres forgeurs du Japon. Il a commencé à forger des lames a l’âge de 15 ans, remplaçant son père parti pour la guerre. Il a aujourd’hui 75 ans. Dominique Corby, restaurateur « Le 6ème Sens d’Oenon », Tokyo: « Quand j’ai franchi sa porte, j’ai eu l’impression d’entrer dans un autre monde. Je me suis dit que ça devait être un travail très artisanal et très très bien fait. »
[DR] Le savoir-faire ancien
Dans un bas fourneau fait d’argile et de paille humide, Shigeaki Morinaga transforme à 900 degrés un mélange de fer et de charbon de bois pour obtenir de l’acier en fusion. Il laisse reposer la pièce pendant 24 heures. L’acier rigidifié est réchauffé puis frappé avec de lourds marteaux pour éliminer les impuretés, étirer la matière, lui donner la forme d’une lame. Shigeaki Morinaga transmet à son fils Noboru son habileté à évaluer la qualité du métal, la température de l’eau pour la trempe, à respecter la virginité du métal, à former le tranchant et le dos d’une lame. A la marquer de leurs noms ont l’aide d’un poinçon. Shigeaki Morinaga, maître forgeron : « Chaque jour, je continue d’apprendre, mes couteaux contiennent l’énergie des éléments, c’est ce que je répète à mon fils. »
[DR] Affûtage des lames
Toshihiko Nagata s’occupe de l’affûtage des lames de Shigeaki Morinaga après un premier traitement avec des meules rotatives. Les lames sont poncées, polies à la main avec des pierres naturelles au grain de plus en plus fin dans un bain d’eau basique. Le montage du manche consiste, entre autres, à chauffer très rapidement la soie et l’introduire à chaud à l’intérieur avec la partie de la lame qui s’y prête. Le manche est fait d’un bois rare qui ne peut se putréfier. Ce bois importé d’Indonésie est menacé d’extinction sous l’effet du réchauffement climatique.
[DR] L’âme de la lame
Pour Toshihiko Nagata, on ne peut pas hériter d’un couteau, c’est un objet trop personnel. Les samouraïs étaient enterres avec leurs sabres cassés en deux. « Un couteau forgé à la main a une âme. Sa lame doit refléter l’esprit même de celui qui l’a forgée . C’est le cas de maitre Morinaga. La production industrielle n’a aucune âme. » Dans son restaurant de Tokyo, Dominique Corby essaie un couteau flambant neuf de Sakai que vient de lui offrir, en cadeau, Toshihiko Nagata. « On ne fait pas de bonne cuisine sans de bons couteaux » observe-t-il. Et on ne fait pas de bons couteaux sans que coule dans notre sang cet amour des lames, assure-t-on à Sakai.
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A lire aussi sur le blog : Kris, kriss ou keris
Très belle journée à tous !
anti
Trooooop bien, merci Anti ! Je fais suivre la note au chef qui va être ravi de te lire 🙂
J’ai vu travailler Jean-Marie Corona à la forge de Vallorbe : fascinant. L’alliance de l’eau et du feu plus la maîtrise du maître forgeron. C’est beau!
Et que dire du Japon… Hervé en parlera mieux que moi. Ce sont de grands artistes.
Si le couteau Wenger a tous les suffrages, je note que celui d’Ikea, là aussi le test est sans équivoque : c’est de la merde comme dirait Jean-Pierre Coffe.
Entre parenthèse, l’émission ABE ( A bon entendeur) est vraiment formidable et très exigeante sur les produits qu’elle présente et teste. Lorsqu’elle tape sur un produit vendu par Coop ou Migros, la rectification est immédiate. Et il y a un vrai suivi pour s’assurer que le produit incriminé a bien été mis en conformité rapport aux normes.
http://www.24heures.ch/vaud-regions/vaudois-trouve-morille-260-grammes/story/31021319
ça vous dit pour une petite omelette?
Un article passionnant ! Je me garde la vidéo pour un peu plus tard…
Et pour l’omelette, OUI !!!
Je me suis régalée avec ce documentaire que j’ai aussitôt transféré à Anghbor qui a adoré lui aussi ! Merci Valentine et Chef de m’avoir orientée par là 😉