Depuis maintenant six ans, on assiste à un accroissement de la fonte de la banquise autour du pôle Nord bien plus important que ce que les prévisions les plus pessimistes avaient annoncé. Les effets sont devenus visibles sur notre propre climat, un aspect dont nous parlons souvent sur le blog.
Une équipe d’océanographes et de climatologues spécialisés dans l’Arctique s’est demandé ce qui pouvait bien expliquer cette accélération de la fonte polaire depuis 2007. Pour James Overland, ces six derniers étés exceptionnellement marqués méritaient une analyse qui aille au-delà de la constatation évidente selon laquelle le réchauffement climatique se traduit par une augmentation de la température en Arctique.
Lui et son équipe ont pu déterminer que deux évènements météorologiques majeurs se sont superposés pour aboutir au retrait de surfaces de plus en plus imposantes de glace, été après été (le record étant détenu par celui de 2012, qui a battu celui précédemment détenu par 2011).
Il s’agit d’une part d’un changement dans les vents qui parcourent les régions polaires, et d’autre part d’une accumulation anormale de hautes pressions réparties entre le pôle et le Groenland.
La première carte montre la direction et l’intensité moyennes des vents au mois de juin, en orange pour la période 2007-2012 et en blanc pour la période 1981-2000.
Il apparait que les vents dominants se sont mis à ne plus souffler d’ouest en est, tournant ainsi de façon quasi parfaite autour du pôle comme c’était le cas auparavant, mais du sud vers le nord en s’engouffrant à travers le détroit de Bering qui sépare l’Alaska de la Russie.
La seconde carte représente la pression atmosphérique. Plus la couleur va vers l’orange foncé, plus la pression est haute pour la période 2007-2012 par comparaison avec la moyenne de 1981-2000. Plus elle va vers le bleu, plus elle est basse.
On voit nettement deux énormes zones de haute pression qui se sont formées, l’une près du pôle et l’autre au-dessus du Groenland. Ces zones se comportent comme des gros rochers dans une rivière, qui modifient l’écoulement de l’eau par rapport à sa direction naturelle. Là, il s’agit des vents, obligés de contourner les hautes pressions en faisant de larges détours par le nord ou le sud.
Overland et ses collègues pensent que ces « obstacles » le long du nord du continent américain sont la cause d’un flux anormalement fort venu du sud qui apporte de l’air chaud jusqu’au centre de l’Arctique et au-dessus du Groenland. Ces vents du sud persistants sont probablement l’explication à la fois des records de fonte de la banquise et de la fonte qui s’est produite sur toute la surface du Groenland en juillet dernier.
D’après Overland, la probabilité que ces changements de pressions et de vents pendant six ans de suite soient dus à une simple variabilité naturelle de l’atmosphère est de 1 sur 1000. C’est pourquoi il conclut que leur cause initiale est bien le réchauffement climatique global, dont l’un des effets nettement visible a été la diminution sans précédent des surfaces enneigées au Canada au mois de juin ces dernières années.
Cela a résulté en ce qu’il nomme une « amplification de changement climatique » (le réchauffement déclenche des changements qui augmentent encore plus le réchauffement) à même d’expliquer pourquoi la banquise fond beaucoup plus vite que les pires prévisions. Et aussi pourquoi cela ne va faire qu’empirer dans les années à venir.
Source : « June wind shift a little something extra behind recent Arctic ice losses‘, un article de Rebecca Lindsey (NOAA)
Vue satellite : la banquise le 26 août 2012 (NASA)
Cartes : Dan Pisut, NOAA Environmental Visualization Lab