Lors des trois débats organisés entre Barack Obama et Mitt Romney ces dernières semaines dans le cadre de la campagne présidentielle américaine, plusieurs commentateurs ont remarqué que pour la première fois depuis un quart de siècle, le sujet du dérèglement climatique mondial n’avait pas été abordé une seule fois par les différents animateurs des débats.
Pour le troisième, la modératrice était Candy Crowley de CNN. Interrogée sur la raison d’une telle omission, elle avait répondu : « Le changement climatique ? Ah oui, j’ai eu cette question. Mais bon, vous savez, vous autres qui ne vous intéressez qu’au changement climatique, nous pensons que le seul grand sujet, c’est l’économie. »
Et c’est ainsi que les organisateurs des débats présidentiels et les candidats eux-mêmes ont oublié le dérèglement climatique. Le dérèglement climatique, lui, n’a pas oublié les États-Unis.
Toute la côte Est de l’Amérique du Nord, de la Floride au Canada, a été dévastée. Les orgueilleuses mégalopoles se sont retrouvées sans électricité, inondées, ravagées. Sur les dix-huit états touchés, qui sont les plus densément peuplés des USA avec cinquante millions d’habitants, environ huit millions de foyers se sont retrouvés sans électricité (ce qui représente entre vingt et trente millions de personnes).
Des témoins ont raconté qu’ils s’étaient crus dans un film-catastrophe comme Le Jour d’Après. La ressemblance avec le début du film était en effet frappante. Le sud de New York s’est retrouvé sous plus de quatre mètres d’eau, huit des tunnels qui desservent Manhattan ont été submergés ainsi que plusieurs stations et tunnels de métro. Les autorités s’attendent à ce que les millions de rats qui vivent dans les égouts remontent à la surface, avec des risques épidémiques majeurs dont le typhus et la peste. Oui, la peste. Beau sujet pour un nouveau film-catastrophe, sauf que là, c’est vrai.
L’économie, sujet principal ? Alors parlons-en. Elle vient de s’en prendre un sacré coup et justement en raison du dérèglement climatique. Les dégâts sont estimés pour le moment entre vingt et cinquante milliards de dollars. Voilà qui rendra le concept de changement climatique plus concret pour ceux qui pensent que le seul grand sujet, c’est l’économie.
Ce n’est pourtant pas l’essentiel. Les oubliés sont, comme toujours, les pays les plus pauvres, touchés en premier par l’ouragan. Lorsque Sandy les a traversés, les médias en ont à peine parlé comme s’il s’agissait d’un évènement banal dans ces régions.
La ville de Santiago de Cuba est dévastée. La Jamaïque a durement souffert. Haïti, où la majorité des habitants sont toujours dans une précarité extrême depuis le tremblement de terre de 2010, a payé le plus lourd tribut avec plusieurs dizaines de morts et un nombre encore inconnu de disparus. Surtout, les maigres récoltes ayant survécu au cyclone précédent ont été totalement détruites par celui-ci. A cela s’ajoute la recrudescence probable de choléra que beaucoup d’observateurs annoncent déjà.
Les séismes ne peuvent pas être évités. L’aggravation des désastres climatiques, si.
Combien faudra-t-il d’autres catastrophes encore plus démesurées – car d’une année sur l’autre, elles empirent et continueront d’empirer, c’est une certitude – avant que le soi-disant plus puissant pays du monde par sa technologie omniprésente, ses moyens financiers immenses, ses industriels cyniques et son armée imbécile finisse par réaliser qu’il pèse aussi peu que le plus faible de tous, c’est-à-dire moins qu’un fétu de paille face à un tel adversaire ?
Combien d’autres cataclysmes climatiques avant que les plus grandes nations du monde ne se décident à agir enfin toutes ensemble pour tenter de remettre à l’équilibre notre atmosphère à la dérive, au lieu de donner la priorité à leurs balances commerciales ou à leurs intérêts géopolitiques ?
Quand le climat devenu fou rendra toute activité humaine impossible, il sera trop tard. Pour tout-le-monde.
Illustrations: photos satellite de Sandy (Nasa)
Bon, il semble que le spectre de la peste a été largement exagéré par les médias… Une chercheuse de l’Institut Pasteur explique ce matin sur le site de Nouvel Obs que c’est impossible. En effet, il n’existe sur la côte Est des USA aucun foyer connu de la bactérie qui provoque cette maladie, donc aucun risque de transmission par les rats ou autres. Il y en a, en revanche, quelques-uns sur la côte Ouest mais cela se situe à plusieurs milliers de kilomètres du passage de Sandy.
Ne restent plus que le risque de typhus et de hantavirus…
« vous autres qui ne vous intéressez qu’au changement climatique, nous pensons que le seul grand sujet, c’est l’économie. »
Quelle bande de nazes ! On est mal barrés ! Effectivement, on se croirait dans le jour d’après avec des réflexions à la con comme celle-là…
Je lisais ce matin un intervenant qui écrivait quelque part :
« Nous ne sommes pas dans dans une crise économique ; nous sommes dans une crise humanitaire ».
Et humaniste aussi ; c’est ce que je pense.
Nous sommes dans l’autodestruction ; au secours ! on dirait que la pédale de frein ne fonctionne plus !
C’est pire que ça : il y a des malins qui appuient sur l’accélérateur !!!
Dans sa lettre d’information qui vient de sortir, le maire de New York a déclaré :
« Notre climat change. L’augmentation des phénomènes climatiques extrêmes que nous avons vécus à New York et dans le monde peut être, ou pas, le résultat de ce changement, mais le risque existe que ce soit le cas. Les dégâts de cette semaine devraient obliger les dirigeants élus à agir immédiatement ».
Tiens ? Est-ce qu’un minimum de bon sens va finir par résulter de ce désastre ?
Vu sur Slate, les analyses de deux climatologues américains sur Sandy :
Kerry Emanuel (MIT) : « L’une des prédictions les plus robustes de la recherche climatique, c’est que toutes les tempêtes, quelles qu’elles soient, vont produire à l’avenir davantage de précipitations, car il y aura tout simplement davantage de vapeur d’eau dans l’atmosphère, à mesure qu’elle se réchauffera. Et c’est très important, compte-tenu des inondations que la pluie peut provoquer.
Le deuxième ouragan le plus catastrophique survenu dans l’hémisphère occidental date de 1998 et il l’a été à cause de ses précipitations diluviennes. Le plus dévastateur, ce n’était pas les vents, ou même les marées de tempêtes, ce sont 11.000 personnes qui ont été emportées par des crues subites en Amérique Centrale. Ne sous-estimez pas le rôle des précipitations. »
Kevin Trenberthn (Centre national pour la recherche atmosphérique) : « Souvent, on donne cette image d’une augmentation lente et progressive du niveau de la mer, d’environ 3 mm par an. Vous pouvez rester là, à regarder l’eau arriver à vos pieds, puis à vos chevilles et vous dire, enfin, qu’il serait peut-être temps de faire quelque-chose. Mais ce n’est pas comme ça que ça marche. L’augmentation du niveau de la mer se fait de manière épisodique. A un moment donné, tout vous semble bénin, puis une semaine plus tard, c’est une tempête comme Sandy qui s’annonce, avec des vagues énormes, parfois de plus de 6 mètres de haut, des marées de tempêtes dévastatrices et des dégâts effroyables […].
Avec Sandy, la plupart des phénomènes sont météorologiques, donc largement aléatoires, mais ils se déroulent dans un environnement où l’océan est un peu plus chaud, où l’air au-dessus de l’océan est un peu plus chaud et humide… et c’est de là qu’une tempête tire son énergie. Ce qui augmente en particulier les risques de très fortes précipitations et d’inondations. »