Les premiers mots de Juan Mamatacan face à la salle comble ont été : « Nous sommes ici avec vous pour partager. » A ses côtés, se tenaient le mamo (chaman) Jose Gabriel Alimaco, puis Éric Julien et la préhistorienne Marylène Patou-Mathis.
Éric Julien a raconté en préambule son parcours – son accident respiratoire alors qu’il tentait de gravir la Sierra Nevada de Santa Marta, la façon dont les Kogis l’ont soigné, la promesse qu’il leur a faite de les aider pour les remercier – celle de racheter leurs propres terres. Depuis des décennies, ils en étaient graduellement expropriés par les FARC, les guérilleros, les narcotrafiquants, les pilleurs de tombes, les exploitants forestiers et même le gouvernement colombien qui, jusqu’à la nouvelle constitution promulguée en 1991, considérait juridiquement les Amérindiens comme des mineurs sans droits, sous tutelle de l’Église catholique.
En 15 ans, ce sont 1500 hectares qui ont été ainsi reconquis. Une goutte d’eau mais tellement précieuse à leurs yeux. Sur les terres qu’ils ont reprises, ils ont construit des habitations et redonné vie à la forêt primitive qui avait été éradiquée. Le nouveau projet d’Éric Julien et de l’association Tchendukua est d’acheter 1000 hectares de plus en trois ans.
Marylène Patou-Mathis a remarquablement bien parlé du racisme ancestral qui semble rivé chez les humains, les faisant considérer, depuis que l’Homme existe, l’Autre comme un inférieur. Elle a rappelé que les Néandertaliens étaient perçus comme une sous-espèce jusqu’à récemment et a affirmé son refus de qualifier les peuplades qui ne sont pas allées vers la technologie de primitives, sous-développées, sauvages ou autres termes de ce genre.
Juan Mamatacan a raconté la vision du monde qu’ont les Kogis. En un mot, c’est celle de l’écologie. La Terre est pour eux, comme pour bien d’autres, la Mère Terre. Lui faire du mal, c’est nous mettre en danger. La surexploiter, la polluer, modifier son climat, c’est nous pousser nous-mêmes à la disparition.
« Nous avons fait redémarrer la forêt autour de nous. Les oiseaux sont revenus. Il faut protéger et conserver la nature. Arrêtez de penser sans cesse à l’exploitation, à la destruction, c’est nous qui allons le payer. Si on soigne une femme en lui retirant son utérus, elle devient infertile. C’est pareil pour la Mère Terre. »
La base de la philosophie kogi est la suivante : rien n’est personnel, tout est collectif. On n’agit pas pour soi-même mais pour les autres. Un point que Marylène Patou-Mathis a développé. A l’aube de l’humanité, les hommes s’entraidaient pour survivre. Puis, la population augmentant, ils se sont mis à cueillir et chasser au-dessus de leurs besoins pour faire des réserves. L’excédent dont bénéficiaient certaines communautés a suscité l’envie d’autres. L’envie a résulté en agressivité, en vols, en guerres, en domination. L’humanité est née de l’altruisme, du collectif. Elle se détruit à cause de l’excédent.
Éric Julien a proposé une pause originale : que chacun dans la salle se mette à discuter avec l’un de ses voisins qu’il ne connaissait pas. Pendant plusieurs minutes, mille conversations se sont entremêlées dans la joie. Éric Julien a eu du mal à reprendre la parole !
Jose Gabriel a dit des choses profondes et parsemées d’humour. Il m’a rappelé les lamas et leur facétie à chaque détour de phrase. Un mamo est formé dès son enfance, pendant 18 ans dans le noir. Une dame dans le public a fait le rapprochement avec la culture Dogon, très similaire, y compris dans la pratique et la symbolique du tissage. Chez les Kogis, tisser ses vêtements signifie établir un lien entre soi et le monde, entre le féminin et le masculin, entre les membres de la communauté. Chez les Dogons, tisser est associé à parler, transmettre le savoir. Et les marabouts – équivalents des mamos – sont également formés pendant une vingtaine d’années dans le noir.
Une autre personne dans le public a demandé aux deux Kogis quelle est, selon eux, la solution pour que le monde aille mieux. Juan Mamatacan a répondu : agir en être humain.
Lorsque tout-le-monde s’est levé, nous avons été plusieurs à rejoindre les Kogis sur la scène. Kathy avait apporté un exemplaire dédicacé de son livre, Tisserand du soleil, pour le leur offrir. Elle était très émue et son geste était typiquement kogi – faire un don en échange d’un don. Jose Gabriel Alimaco l’a remerciée. Notre Kathy planait bien au-dessus du septième ciel.
Elle travaille sur une nouvelle version de son livre. Dans la voiture, nous avons rêvé de partir leur offrir cette réédition chez eux.
Photos : Kogis devant le périphérique parisien par Éric Julien, la première et les deux dernières prises par moi, les autres par Anti
Magnifique ! Très émouvant…
La dernière photo où l’on voit le Kogi tenir entre ses mains mon livre qui fut écrit laborieusement pendant tant d’années et avec tant d’amour (hommage à ce peuple-racine), me comble.
Son sourire généreux, son regard tellement plein de tendresse, la tenue qu’il a tissée, les sacs colorés et le mystérieux rouleau dans un étui rouge qu’il a gardé précieusement dans sa main tout le temps de la conférence m’émerveillent.
Quel bonheur !
Je remercie infiniment Anna et Anti qui m’ont invitée dans leur déplacement et sans qui cette photo extraordinaire n’existerait pas.
Les Kogis sont venus à ma rencontre, je suis allée à leur rencontre. Et là, en ce lieu, nous nous sommes serré la main. Quelle joie !
Comme il est bon de revivre, de retrouver le temps (du rêve) de cette merveilleuse soirée ! Un immense merci à Sapotlle qui m’a parlé des Indiens Kogis pour la première fois il y a bien des années déjà. Merci à Kathy qui nous a informées de la tournée des Kogis en France et en particulier de leur passage à Montpellier. C’est amusant car c’est précisément grâce à son livre « Tisserand du soleil » que j’ai rencontré Kathy 😉 La boucle pourrait être bouclée, si la boucle n’était une spirale. En route pour de nouvelles aventures donc !
Merci bien sûr, à nos grands frères d’être venus jusqu’à nous. Merci à tous pour cette merveilleuse aventure !
Je viens de remplacer certaines de mes photos par d’autres superbes prises par Anti. Les crédits photos sont à la fin de la note comme d’hab 😉
Je suis si heureuse pour vous! Quelle magnfique rencontre :-)) Si c’est l ‘achèvementretour d’une boucle….la nouvellle s’amorce donc.. rendons-la splendide aussi 🙂
En effet, c’est boucle par boucle… pour monter la spirale.
En ce moment je me documente sur les nouvelles vidéos en espagnol et lis un autre livre que j’ai acheté tout en retapant le texte et en l’améliorant encore pour le soumettre à mon Éditrice.
Bonne inspiration Terrevive! Le meilleur pour toi 🙂
Merci et bravo Kathy pour ce partage, cela te ressemble tu es aux anges lorsque tu baignes dans cette énergie.
Ravie également de m’avoir permis de découvrir ce blog , je crois que je vais leur présenter mon livre !!!
Merci d’avoir pensé à moi chère Kathy pour ce partage exceptionnel. L’ignorance est le pire des maux ainsi en ouvrant la connaissance vers tous ces humains déracinés notre esprit s’enrichit. Il y a encore fort de progrès à faire mais BRAVO !!! Maithé
Merci Sapotille, merci Amanda; merci Maithé ; vos messages me touchent et m’encouragent dans ce cheminement en spirale.
Belle continuité dans l’action concrète. Se changer soi-même est l’essentiel pour que la planète retrouve la joie de vivre en communion avec tout et tous…
Merci Kathy de m’avoir permis de suivre, à travers ce reportage, le chemin kogi et leur belle conscience de la terre..
.Amitiés
.Marina
Je découvre ,six mois après, cette belle expérience et ces photos .
Merci à tous. j’ai voyagé par l’esprit vers les terres pansées par les Kogis et vers l’éther de vos pensées à toutes et tous.
Merci à toi Pachamama!
Oui, merci à Pachamama ! Et en route vers de nouvelles aventures !
Superbe ! Et quand je l écris, je pense : comme toujours ^^. Magnifique partage d eux à vous, de vous à nous ^^.