Nous étions hier soir parmi les happy few qui ont pu assister à la projection en avant-première de La part des anges, le nouveau film de Ken Loach primé à l’unanimité par le Prix du Jury à Cannes en mai. Cela se passait au Sémaphone, le cinéma d’art et essai de Nîmes et la petite salle était, bien entendu, complète. Nous devons notre chance d’y avoir eu des places à notre amie Karine qui fait partie de l’organisation du festival Écrans Britanniques depuis quelques années.
Non seulement le film était un vrai régal, mais nous avions la chance d’avoir avec nous Paul Laverty, le scénariste, qui a écrit l’histoire et qui s’est prêté volontiers au jeu des questions et réponses après la projection.
Paul travaille avec Ken Loach depuis 1996. Né à Calcutta en 1957 d’un père écossais et d’une mère irlandaise, il a remporté le prix du scénario à Cannes en 2002 pour Sweet Sixteen et l’Osella du meilleur scénario à Venise en 2007 pour It’s a Free World.
Avant de se lancer dans sa carrière de scénariste, Paul était un militant des droits de l’homme, après un long séjour au Nicaragua où il a assisté aux horreurs qui ont accompagnées la contre-révolution contre les sandinistes. Se sentant en permanence barré par les médias et les politiques lorsqu’il a voulu en témoigner, il a décidé de passer par le cinéma pour s’exprimer.
Le film La part des anges est à la fois puissant et léger, grave et drôle. Comme dans d’autres films de Ken Loach, il montre la misère ordinaire d’une population désœuvrée et laissée pour compte en Grande-Bretagne. Ici, il s’agit de la jeunesse de Glasgow, qui n’est pas sans rappeler la toile de fond de Full Monty (de Peter Cattaneo, 1997) qui partait d’une situation comparable à Sheffield.
Paul nous a expliqué qu’il a conçu son histoire en s’immergeant pendant des mois dans la dureté incroyable de la vie de ces jeunes, qui sont non seulement sans travail mais sans espoir d’en avoir un un jour. Pour certains, ils sont chômeurs sur plusieurs générations d’affilée. D’où la désespérance, la frustration, l’alcool, les drogues, la colère, la violence.
En parallèle, on découvre le monde des grands whiskies et des riches frimeurs qui s’offrent des bouteilles rarissimes à plusieurs centaines de milliers d’euros chacune.
La rencontre des deux mondes va produire une intrigue beaucoup plus drôle qu’on ne pourrait le craindre (car Ken Loach et Paul Laverty sont à la fois des personnes engagées mais aussi des gens qui aiment l’humour).
A noter : les principaux acteurs sont amateurs. Certains sont chômeurs et ex-taulards (comme le personnage principal, extraordinaire de talent). L’un des acteurs est éboueur et, dès le lendemain de la projection à Cannes où il était invité, il vidait à nouveau des poubelles à Glasgow sous les rires de ses collègues qui lui montraient sa tête partout sur les affiches des bus.
Paul a rappelé que l’article 23 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 déclare : « Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage. » Un article complété en 1966 par cette précision : c’est aux gouvernements qu’incombe la responsabilité d’en fournir un à chaque personne. Pour Paul, le système dans lequel nous vivons est tout simplement incompatible avec cet engagement qu’aucun gouvernement ne tient.
Le film est en train de rencontrer un gros succès à Glasgow. Il devrait plaire à un très large public en France, où il va bénéficier d’une grosse distribution.
A voir absolument !
Photo 1 extraite du film, photo 2 de moi (Paul Laverty au Sémaphore), photos 3 et 4 de Écrans Britanniques (Paul et l’équipe de Écrans Britanniques, merci Karine)
Un film épatant ! Jusqu’à la fin on est tenu en haleine ! C’était passionnant d’entendre toutes les anecdotes de Paul Laverty. Un grand merci à Karine au passage pour le partage 😉
Karine nous a fait passer deux autres photos très sympa, une de Paul devant l’affiche du film et une en compagnie de l’équipe de Écrans Britanniques.
Je viens de les ajouter à la fin de la note. Merci Karine !
Trop, trop bien ! Une belle équipe de choc là encore 😉