Il y a quelques mois de cela, alors que j’étais à la recherche de la belle Lurette, j’ai croisé sur sa piste un moine et poète normand qui vivait au début du 12e siècle, pendant le règne d’Henri 1er.
Il se nommait Philippe de Thaon et il utilisait le mot « hurette » pour désigner une « petite heure ». De là est venu plus tard l’expression « belle lurette ».
Je m’étais dit qu’il faudrait un jour que je vous parle de son livre le plus extraordinaire, un bestiaire dédié à la seconde femme du roi, Adélaïde de Louvain.
J’y ai repensé très récemment en parcourant un article fascinant de Brian Palmer, mis en ligne par Slate. Il s’intitule : « Yeti, licorne… les animaux fantastiques existent-ils vraiment ? » et parle de cryptozoologie, cette branche récente des sciences qui tente d’étudier des animaux décrits d’une façon ou d’une autre mais dont la réalité n’a jamais été prouvée avec certitude. J’y avais consacré une note il y a un peu plus de deux ans alors que je lisais Le don de Qâ.
Car, oui, certains animaux qui nous sont désormais familiers ont été pendant longtemps considérés par les « gens sérieux » comme de pures affabulations. C’est le cas par exemple d’une mystérieuse créature dont pas grand monde ne croyait qu’elle fût réelle pendant tout le 19e siècle. Les Pygmées et les rares explorateurs occidentaux qui disaient l’avoir vue parlaient d’un animal aux pattes de zèbre, au corps de cheval et à la tête de giraffe, aperçu dans la forêt Ituri, au Congo.
Il s’agissait de l’okapi, devenu l’emblème vivant de la cryptozoologie.
Rêvons un peu avec le Bestiaire de Philippe de Thaon.
Il mêle des animaux qui nous sont devenus familiers et d’autres qui n’ont existé que dans l’imaginaire des hommes… ou qui se sont suffisamment bien cachés pour qu’on n’ait jamais eu la preuve de leur existence.
C’est ainsi qu’on croise par ordre d’apparition le lion, la panthère, le dorcon (appelé aujourd’hui bouquetin), le crocodile, le cerf, l’aptalon (devenu antilope), la fourmi, le beuvron (plus connu sous le nom de castor), la hyène, la mustelle (fouine), l’autruche, l’éléphant, l’aspic, le poisson-scie, le hérisson, le goupil (oui, c’est le renard), l’onagre, le singe, le mystérieux aspic-tortue décrit comme étant un énorme poisson (probablement la baleine), la perdrix, l’aigle, le pélican, la colombe, la tourterelle, la huppe, l’ibis, la foulque et le hibou.
Rien que de très normal.
Mais parmi eux, on découvre également le monosceros alias la licorne, le dragon, l’hydre, l’onocentaure (un centaure mi-homme mi-âne), la salamandre qui vit dans les flammes, la sirène, le caladrius (un oiseau chimérique capable de guérir les humains) et le phénix.
Pour Philippe de Thaon, toutes ces créatures étaient bien réelles.
Où sont passés les dragons, dont les représentations incroyablement identiques ont pullulé partout autour du monde des milliers d’années avant que des voyageurs aient pu en diffuser les images d’un continent à un autre ?
Le phénix a-t-il fini par se lasser de renaître indéfiniment de ses cendres trop souvent consumées ?
Qu’est devenue la licorne, si banale et si naturelle dans les contes et gravures du Moyen-âge ?
Le sasquatch livrera-t-il enfin son secret ? Certains disent qu’il pourrait s’agir d’un descendant ultime de l’homme de Neandertal. Des scientifiques de l’université d’Oxford et du musée de zoologie de Lausanne viennent d’annoncer qu’ils vont recourir à une analyse ADN pour savoir si Bigfoot, l’autre nom du sasquatch dont le musée possède des restes supposés, est une mystification, un ours, un humain ou autre chose qui reste à déterminer.
Nous le saurons bien un jour… ou pas.
Très belle journée à vous
Illustrations : Wikipedia
J’en connais d’autres comme l’okapi..
L’ornithorynque que tout le monde connait aujourd’hui mais qui au début était considéré comme une plaisanterie 😀
Le narval, considéré aussi au début comme un animal mythique, dont les cornes coupées et ramenées en Europe alimentèrent la légende des licornes.
Le nasique a inspiré des créatures mythiques en Asie aussi, certains « oni » au Japon par exemple.
Les varans et iguanes y sont pour beaucoup dans le mythe des dragons européens. D’ailleurs quand les hollandais ont découvert le fameux dragon de Komodo, c’est eux qui lui ont donné ce nom. A ce propose, une chose étonnante que j’ai appris il n’y a pas longtemps sur les dragons de Komodo, c’est un des très rares animaux capable de parthénogenèse.. Kezaco ? Le dragon de Komodo peut se reproduire de manière complètement asexuée. Une femelle peut donner une portée de mâles sans avoir été fécondée (et ainsi recréer à elle seule toute une population de varans en se reproduisant avec les jeunes mâles qu’elle a créé, pour pouvoir faire des femelles).
Pour en revenir aux dragons, il faut savoir que les premières représentations n’étaient pas si identique que ça à travers le monde… L’homme a toujours aimé créer des chimères, des mélanges d’animaux réels pour en créer de nouveaux mythiques. Ainsi le serpent, un animal à la fois inquiétant, froid, capable de muer, dangereux avec son venin (ça c’est ma théorie mais certains serpents peuvent projeter leur venin, et ce venin donne une sensation d’horrible brûlure, et ça pourrait expliquer le feu qui sort de la gueule des dragons), a été mélangé à des grands félins sauvages tout aussi dangereux qui étaient partout en Europe à l’époque des premiers hommes sur ces terres et étaient les prédateurs au sommet de la chaine alimentaire, et de grandes ailes pour qu’il puisse se déplacer partout, bref le pire cauchemar pour les gens dans tout l’occident qui vivaient parmi ces créatures bien réelles.
En Asie il faut savoir que des pays comme le Vietnam, la Corée, le Japon, etc, sont tous peuplés par les anciens chinois, du coup le folklore a été véhiculé en même temps. Les dragons là-bas sont fins, aériens, ils n’ont pas d’aile, ils ne sont pas hostiles mais sont craints et respectés, ce sont souvent des divinités au corps de serpent à nouveau et avec des crinières ou des têtes de tigres, et de longues moustaches de poissons-chats, même si certains ressemblent plus à des anguilles poilues, ou à des grandes chenilles pleines de pattes.. Plus tard les premiers « voyageurs » comme tu dis, parce que l’Homme a toujours été nomade jusqu’à peu, et le commerce, a fait que ces « dragons » se sont de plus en plus inspirés les uns des autres.
En Amérique centrale, le serpent était considéré aussi comme un (des) dieu(x) à cause de la mue essentiellement et du venin aussi surement.
Tout ça pour dire que les dragons, qui sont tous très différents, sont en fait juste une de ces chimères parmi des milliers d’autres, qui n’ont pour seul point commun que l’inspiration du danger du serpent, de certains lézards et salamandres qui possédaient du poison, de chenilles venimeuses et mortelles, et des grands carnivores prédateurs des hommes comme le lion, le tigre, l’ours, la panthère, les grands loups du nord, … Si on regarde bien on se rend compte que des créatures comme ça il y en a plein, et que si on y voit des similarités aujourd’hui c’est tout simplement que les animaux de ce genre étaient partout où était l’homme.
Je crois aussi que toutes ces chimères nous en apprennent beaucoup sur l’Homme dont elles reflètent l’imagination et les peurs 🙂