En ce moment, une guerre civile menace d’ensanglanter le Sénégal. La raison, vous en avez probablement entendu parler : le président actuel Abdoulaye Wade, 86 ans, se représente pour un troisième mandat et pour y parvenir a fait modifier la Constitution qui lui interdisait de le faire. Ce n’est pas le Conseil Constitutionnel qui va s’y opposer, il est formé de cinq membres tous nommés par le président.
Ce même Conseil a annoncé également que la candidature de Youssou N’Dour, pourtant déposée en respect parfait avec la Constitution, a été invalidée. Les 13 000 signatures que le chanteur mondialement connu avait déposées ont été réduites mystérieusement à 8 000. Cela, c’est la raison officielle, celle à laquelle personne ne peut croire au Sénégal.
L’élimination truquée sur ordre de Wade de son adversaire le plus dangereux ajoutée à la candidature validée du président sortant qui s’accroche au pouvoir a mis le feu à la rue à Dakar et probablement dans d’autres lieux du Sénégal moins médiatisés.
Youssou n’est pas qu’un chanteur. Au Sénégal, il a lancé un organisme de micro-crédit, créé un studio d’enregistrement de très haut niveau, monté un groupe de presse complet (télévision, radio, quotidien). Tout le monde dans son pays se réjouit de sa gloire et de ses actions au profit de son pays.
Pourtant, aucun Sénégalais n’a jamais cru que Youssou pourrait vraiment se présenter aux élections, quelle que soit sa popularité. Un article dans le Huffington Post révèle aujourd’hui le sale petit secret qui le leur faisait penser.
Youssou N’Dour est un casté. Ce mot est le contraire de « homme libre ».
Oui, il existe des castes au Sénégal qui se veut un pays africain moderne et démocratique. Elles touchent deux catégories de personnes : les forgerons et les griots. Youssou est casté parce qu’il est né d’une mère griotte. Et même si on attribue aux castés des pouvoirs positifs, un certain nombre de choses leur sont totalement interdites. Un casté ne peut pas être élu – il peut être ministre, il peut être riche, il peut être aimé de tous, mais pas élu. Il ne peut pas non plus être le gendre d’un « homme libre ».
Et c’est ainsi qu’un vieux président trop accroché au pouvoir élimine son plus sérieux adversaire et tombe dans les pires travers d’un Ben Ali ou d’un Moubarak au risque de finir comme eux.
Et c’est ainsi qu’au Sénégal, son pays pour lequel il fait tant, Youssou est victime d’un racisme plus fort que sa gloire, plus fort que l’amour que les Sénégalais lui portent, plus fort que ses actions dont tout le pays se glorifie, plus fort que tout.
Sauf que cette fois, la rue s’enflamme. Plus personne ne veut de Wade. Et Youssou a annoncé qu’il ne renoncerait pas. Le Sénégal aura-t-il l’honneur de se libérer d’un dictateur en puissance et d’élire à sa place un « casté » qui pourrait lui donner une réelle renommée mondiale ?
Live again, Africa live again
Start to smile again
Africa dream again
Wake up, stand up Africa
Vis à nouveau, Afrique, vis à nouveau
Recommence à sourire
Afrique, rêve à nouveau
Réveille-toi, mets-toi debout Afrique
Photos : Montreuil 2005 (1), Nîmes 2011 (2)
C’est vraiment étonnant cette caste des griots… Enfin je veux dire les castes c’est une chose, ce qui me surprend c’est qu’on leur interdise des droits qu’on les autres dans le même pays…
Enfin bon, allez Youssou !!! Never give up !
J’espère que, si révolution il y a, ça ne fera pas trop de victimes innocentes..
« les castes c’est une chose, ce qui me surprend c’est qu’on leur interdise des droits »
En fait, c’est très similaire au système de castes qui existe en Inde, avec en base de l’échelle les pariahs, c’est à dire les intouchables qui n’ont quasiment aucun droit. La différence ici, c’est que les griots sont respectés, voire adulés, mais ils supportent quand même des interdits, dont celui d’être élu.
Ce n’est pas très différent non plus des pays où se côtoient plusieurs ethnies, dont l’une en général a tous les pouvoirs et la ou les autres, toutes les galères…
Cet article ne parle que de Youssou mais la situation au Sénégal est beaucoup plus compliquée. Plusieurs autres opposants souhaitent se présenter contre Wade et ce dernier fait tout pour les mettre hors-jeu. L’un d’entre eux a passé le weeek-end en prison, trois autres (des ex-ministres à lui) ont leur candidature contestée pour des prétextes divers.
Tous tentent de faire invalider en retour la candidature de Wade. La tension est donc extrême.
« la différence ici, c’est que les griots sont respectés, voire adulés, mais ils supportent quand même des interdits » c’est ça qui m’étonne justement.. C’est courant que les griots dans les pays africains soient adulés, et c’est pourquoi je trouve ça paradoxal qu’ils soient du coup aussi limités par ceux qui les vénèrent.
Au Japon les castes militaires comme les samouraïs ou les vieux sages ne pouvaient de toutes façons pas se présenter comme nouvel Empereur, mais ils avaient plus de droits que le petit peuple.
Oui, c’est franchement, disons-le, stupide.
Mais au-delà de ce déni de démocratie qui frappe Youssou, ce qui est en train de transformer le Sénégal en poudrière, c’est le ras-le-bol de la population sur la validation par le Conseil Constitutionnel de la candidature de Wade qui se présente pour la 3e fois alors que les lois qu’il a fait voter disent qu’il n’a droit qu’à deux mandats, sous prétexte que le premier mandat « ne compte pas ».
Youssou vient de déclarer sur RFI :
« Le Sénégal a honte. Le Sénégal est meurtri. Le processus de coup d’État constitutionnel est consommé. 52 ans de construction démocratique viennent d’être balayés. Le Sénégal et son peuple ont mal. Nous avons été trahis par cette décision honteuse. J’ai bien dit honteuse… J’appelle, donc, toutes les forces vives de ce pays, nos frères africains, la communauté internationale à exprimer son désaccord face à ce coup d’État institutionnel et constitutionnel. »
C’est très surprenant tout ça, j’ignorais ce système de castes au Sénégal. Je trouve la démarche de Youssou N’Dour très belle : se présenter pour attirer l’attention des médias sur ce qui se passe dans son pays.
Déjà, on déplore des victimes :
SENEGAL-POLITIQUE-DIVERS Deux personnes tuées dans une manifestation à Podor
Dakar, 30 jan (APS) – Deux personnes ont été tuées lundi à Podor, dans la région de Saint-Louis (nord), lors des affrontements opposant des forces de sécurité à des manifestants, rapporte la Radio-Sénégal (officielle).
L’une des victimes a été tuée lors des affrontements, tandis que la seconde a succombé à des blessures, selon la radio.
Les manifestants, des militants du Mouvement du 23-Juin (M-23), protestaient contre la validation de la candidature d’Abdoulaye Wade à l’élection présidentielle du 26 février par le Conseil constitutionnel.
Le M-23, qui fédère des partis de l’opposition et des organisations civiles, a organisé une manifestation vendredi à Dakar pour dénoncer la candidature de Me Wade. Des affrontements opposant ses militants à la Police avaient fait un mort chez les policiers.
* * * * *
Sentant le danger, l’Union européenne envoie une mission très spéciale au Sénégal. – Source DAKARACTU.COM –
L’Union européenne (UE) est définitivement acquise à l’idée que le Sénégal est au bord d’une crise grave qui risque de le conduire vers une instabilité à très court terme. Voilà pourquoi elle a décidé d’observer de façon très particulière le processus électoral qui doit conduire à l’élection présidentielle de février. Ce sont pas moins de 70 observateurs qui seront déployés dans le pays, c’est à dire le même nombre que ceux que l’UE avait envoyés en Guinée-Bissau et en République démocratique du Congo. Dans les pays sans risques électoraux majeurs, ce ne sont qu’entre dix et vingt observateurs qui sont envoyés.
Cela démontre, pour ceux qui en doutaient encore, que le Sénégal s’enfonce de plus en plus dans le rouge, au vu du tableau de bord de la communauté internationale qui surveille le pays comme du lait sur le feu. Les Américains avaient été les premiers à sonner l’alerte, qui avaient demandé à leurs ressortissants d’éviter de venir au Sénégal durant cette période et avaient suggéré à ceux qui y résidaient déjà de prendre des mesures de sécurité draconiennes. Notre pays est sous surveillance diplomatique intense, et le monde nous observe au propre comme au figuré.
On peut écouter Youssou N’Dour parler des élections au Sénégal ici : http://lasenegalaise.com/?lasenegalaise=infos&infos=politique&politique=206511#.TyaJe4HUwhg.facebook