La FLAC (Fédération des Luttes pour l’Abolition des Corridas) vient de diffuser une lettre du professeur Hubert Montagner adressée au Président de l’UNICEF. Son but: le sensibiliser au sujet du scandale des enfants par rapport à la corrida. Le professeur Montagner, qui participait au colloque sur les maltraitances animales qui s’est tenu à Lyon le 13 décembre dernier, vient également de rejoindre le Comité d’Honneur de la FLAC. Voici de très larges extraits de sa lettre.
BORDEAUX, le 6 janvier 2012
Monsieur Jacques HINTZY
Président de UNICEF France,
3 rue Duguay Trouin,
75282 Paris Cedex 06
Monsieur le Président,
Ayant eu l’honneur, le plaisir et le privilège de diriger pendant plus de trente ans des recherches scientifiques sur le développement de l’enfant dans ses différents lieux de vie, je reste très attentif à la reconnaissance effective de ses besoins et droits, dans le respect de ses particularités, mais aussi de la pluralité des familles et cultures ainsi que de la diversité des peuples, dans l’esprit notamment de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant […]. Étant donné l’objet de la présente lettre, il me paraît nécessaire de préciser que certaines recherches ont porté sur les interactions et relations des enfants avec ces “partenaires” que l’on nomme animaux familiers ou de compagnie […].
En lien avec mes activités scientifiques, je me sens évidemment et naturellement concerné par les principes, réflexions, propositions, décisions et actions de l’UNICEF dont la mission officielle est “de défendre les droits des enfants, d’aider à répondre à leurs besoins essentiels et de leur donner davantage d’opportunités de s’épanouir pleinement”, dans le cadre des dispositions et principes de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant.
Les quatre principes fondamentaux de cette Convention étant “la non-discrimination, la priorité donnée à l’intérêt supérieur de l’enfant, le droit de vivre, de survivre et de se développer, et le respect des opinions de l’enfant”, je ne peux qu’adhérer aux droits fondamentaux de tous les enfants du monde, définis à partir de ces principes, c’est-à-dire :
– le droit à la survie
– le droit de se développer dans toute la mesure du possible
– le droit d’être protégé contre les influences nocives, les mauvais traitements et l’exploitation
– le droit de participer à part entière à la vie familiale, culturelle et sociale
J’observe que, très logiquement et avec force, le nouveau Directeur de l’UNICEF, Monsieur Anthony LAKE a souligné dans son discours du 11 octobre 2011 au cours de la table ronde sur la violence à l’encontre des enfants que “Protéger les enfants de la violence, de l’exploitation et des abus est un impératif moral. Un impératif urgent car, dans le monde, des millions d’enfants sont les victimes d’inexcusables actes de cruauté”. Parmi les violences subies par les enfants, il évoque notamment “la violence psychologique”. Dans son discours, Monsieur Anthony LAKE précise que, “indépendamment de l’endroit”… “le résultat final” (de ces violences) “peut être le même” : un enfant paralysé par la peur, ou même diminué par le manque d’assurance”…
La conclusion est claire : “Prévenir la violence contre les enfants est essentielle, non seulement pour leur propre bien-être, mais pour la santé et le progrès de notre communauté mondiale”.
S’agissant de la France, et aussi, bien évidemment, de l’Espagne et de l’Amérique latine, l’une des violences subies par les enfants est sans aucun doute le « spectacle » de la corrida, “forme de course de taureaux consistant en un combat à l’issue duquel le taureau est mis à mort”… même quand l’enfant paraît fasciné (voir plus loin). On ne peut que souscrire aux effets négatifs qui ont été énumérés par le collectif de 75 psychiatres et psychologues créé autour des pédopsychiatres J.P. RICHIER et J. LEQUESNE, et recensés par Dimitri MIEUSSENS dans VegMag/Regard Animal de mai-juin 2011 et juillet-août 2011 :
– effets traumatiques
– accoutumance à la violence
– fragilisation du sens moral
– perturbations des valeurs.
J’ajoute que le “spectacle” de la corrida avec les banderilles plantées par le torero et les picadors dans le corps de l’animal, le sang qui coule, les tentatives “désespérées” du taureau pour échapper à des tortures et souffrances qu’il ne peut fuir, et la mise à mort sanglante du taureau, a une forte probabilité de nourrir et renforcer l’insécurité affective des enfants, surtout les plus fragiles et vulnérables. En particulier, quand ils sont émotifs, anxieux et angoissés, et aussi quand ils ont noué des interactions accordées (ajustements et partages des comportements, des émotions des affects et des rythmes d’action) avec un animal qu’ils considèrent comme un ami et un confident. […]
Parallèlement, j’ai souvent constaté la détresse des enfants devant un chien, un chat, un lapin blessés ou tués par un véhicule, ou encore par un chasseur, un voisin irascible, un parent.
Il m’est arrivé aussi de voir en milieu rural des enfants en larmes, prostrés ou agités, parfois inconsolables, devant la souffrance d’un mouton, d’une vache, d’un cheval, d’un chevreuil… blessés et ensanglantés. Le mal-être et le chagrin des uns et des autres se retrouvent dans leurs discours, leurs dessins et leurs écrits également “ensanglantés”, à la maison et à l’école. Ils génèrent souvent des peurs, blocages affectifs et/ou inhibitions plus ou moins invalidants, ainsi que des troubles du sommeil et du rythme veille-sommeil (difficultés d’endormissement, insomnies, réveils “accompagnés” de cauchemars et, chez les plus jeunes, de terreurs).
On peut faire l’hypothèse forte que le “spectacle” sanglant et morbide de la corrida entraîne des perturbations comparables […]. C’est en tout cas ce que disent des parents qui ont assisté occasionnellement à une corrida avec leur(s) enfant(s), qui ont visionné ensemble un film mettant en scène une corrida, ou encore dans le cadre d’une narration ou d’une lecture. |..]
Enfin, pour répondre aux Français qui mettent en avant les traditions et la culture, la corrida n’est pas ancrée dans l’histoire et la culture de la France. Elle a été codifiée et pratiquée en Espagne dans sa forme actuelle depuis le XVIIIème siècle, avec à cette époque une mise à mort effectuée par le matador à pied et armé de sa seule épée…. et non pas en France. “Elle est d’autant plus espagnole qu’elle est l’œuvre lente d’un peuple et de ses gouvernants” (voir les encyclopédies), même si, au cours de l’antiquité, les « jeux taurins » et le culte du taureau ont eu une grande importance dans tous les pays du bassin méditerranéen. L’allégation selon laquelle la tauromachie est d’origine romaine est fréquemment réfutée par les historiens. Faut-il rappeler que les 3/4 des Français sont défavorables aux corridas et que 2/3 souhaitent leur interdiction pure et simple, y compris dans les régions concernées.
Il est donc consternant, incompréhensible, indigne et honteux que, sous la pression de la Fédération des Sociétés Taurines de France (FSTF), et avec la complicité du Ministre de la culture, la France soit le premier pays qui ait inscrit le 22 avril 2011 la tauromachie dans le Patrimoine immatériel français. Selon la FSTF “c’est un premier pas vers l’inscription au patrimoine de l’UNESCO, l’Espagne et les autres pays taurins ne vont pas manquer de suivre l’exemple de la France”.
En attendant que la France annule cette inscription infamante de la tauromachie dans son Patrimoine immatériel, je n’ose penser que l’UNESCO et donc l’UNICEF puissent se prêter à un tel déni d’humanisme.
Pourtant, je suis troublé que l’UNICEF France ait accordé le label “villes amies des enfants” à Nîmes et Arles. En effet, ces deux villes ont créé des écoles de tauromachie espagnole, donc de “spectacles” avec mise à mort de taureaux dans les arènes (centre de tauromachie et centre français de tauromachie de Nîmes ; école taurine d’Arles).
Dès l’âge de dix ans, on y fait courir aux enfants de gros risques en les mettant en présence de veaux et vachettes plus lourds et souvent plus grands (on peut se demander pourquoi nous ne disposons pas de statistiques sur les accidents et blessures des enfants heurtés, renversés ou piétinés… ce qui doit logiquement arriver).
On leur apprend à manier le poignard, une arme sacrificielle… Ils baignent forcément dans l’illusion narcissique de “l’habit de lumières” du matador et du statut de star qui en découle. Mais, que deviennent les jeunes après la perte de ce statut éphémère, et après les blessures plus ou moins graves et invalidantes dont ils ont été les victimes au “combat” ?
En tenant un stand à la féria des enfants de Nîmes qui précède la corrida de Pentecôte, l’UNICEF France cautionne implicitement la “corrida espagnole” qui prolonge cette manifestation, c’est-à-dire la mise à mort de taureaux dans les arènes.
Objectivement, on n’est plus dans “la priorité donnée à l’intérêt supérieur de l’enfant”, l’un des quatre principes fondamentaux de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant du 20 novembre 1989.
Objectivement, on bafoue “le droit de l’enfant d’être protégé contre les influences nocives”.
Objectivement, on ne tient pas compte de l’adresse exemplaire de Monsieur Anthony LAKE “Prévenir la violence contre les enfants est essentielle, non seulement pour leur propre bien-être, mais pour la santé et le progrès de notre communauté mondiale”.
Non inféodé à un pouvoir politique ou autre, mais fidèle à mes engagements pour améliorer le bien-être, l’épanouissement, les équilibres biopsychologiques, les ressources morales et humaines, le devenir et l’avenir des enfants dans leurs différents lieux de vie, à tous les âges et dans toutes les cultures, je vous demande, Monsieur le Président, de mettre fin à la présence de UNICEF France à la féria des enfants de Nîmes, et de reconsidérer l’attribution du label “villes amies des enfants” aux agglomérations qui soutiennent les écoles tauromachiques, incompatibles avec les principes éducatifs et humanistes de l’ONU, de l’UNESCO, de l„UNICEF, du Conseil de l’Europe et de bien d’autres organisations.
En vous remerciant, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’assurance de ma très haute considération et l’expression de mes sentiments respectueux.
Hubert MONTAGNER, docteur ès Sciences
Professeur des Universités en retraite
Ancien Directeur de Recherche à l’INSERM
Ancien directeur de l’unité “Enfance Inadaptée” de l’INSERM
Photo : source web
Voilà un discours clair.
Cette lettre de Hubert Montagner met bien en évidence les dangers auxquels sont confrontés les enfants lors des corridas, et explique bien les dommages graves que ceux-ci peuvent subir.
Il est plus que temps d’en prendre conscience.
J’espère que cette lettre trouvera un écho.
Oui, c’est clair et net.
Espérons que la réputation de Hubert Montagner donnera à son courrier le poids nécessaire pour que les choses bougent sur cette situation scandaleuse.
Moi, je pense toujours qu’il ne faut plus faire de don à l’UNICEF tant qu’elle participera à la féria des enfants.
Bravo à ce monsieur pour cette lettre que je vais relayer de ce pas.
« voilà un discours clair »
« Oui c’est clair et net »
Ce n’est hélas pas l’avis du pédopsychiatre Marcel Rufo, aficionado devant l’éternel !
« Ce n’est hélas pas l’avis du pédopsychiatre Marcel Rufo, aficionado devant l’éternel » ah bon ! et comment défend-il son point de vue !!! J’ai du mal à imaginer.
http://www.laprovence.com/articles/2008/03/24/356039-UNKNOWN-DrRufo-MisterRenaud-la-corrida-vous-en-pensez-quoi.php
Voici un des nombreux liens sur le sujet. En fait il prétend, que si l’on interdit l’entrée des arènes aux mineurs, il faut aussi leur interdire l’accès aux combats de boxe, au rugby etc … etc…et tous les sports violents.
Quel argument à deux balles… Alors si des jeunes aiment voir un match de rugby, il faut aussi forcément qu’ils aiment voir trucider des taureaux ? C’est quoi le rapport ? N’importe quoi !
C’est sidérant !
L’argumentation de Marcel Rufo me surprend en négatif. D’autre part, il n’approfondit pas le thème comme le fait Renaud. Et pour cause ! ça ne tient pas la route.
Rufo a chuté dans mon estime au degré minimum dès que j’ai appris la nouvelle via le Crac. C’est terrible de constater à quel point on peut être incohérent quand il s’agit de préserver une perversion personnelle.
Comment ne pas adhérer à ce qu’expose si bien monsieur Montagner. Il faut absolument que cessent ces soutiens indignes à ce qui doit être considéré comme une barbarie, et ne plus pousser des enfants à s’y adonner. Espérons que ce classement invraisemblable de la corrida comme patrimoine culturel sera annulé. C’est en effet une honte pour notre pays, et on se demande comment l’annulation ne s’est pas encore produite, lorsqu’on connaît le sentiment d’une majorité de Français vis-à-vis de la corrida.