Dans mon mot d’accueil d’hier, j’évoquais l’existence d’une arme bien réelle, capable de traverser les murs sans même les fissurer mais fatale pour toute forme de vie qui pourrait se trouver sur son chemin, y compris derrière ces murs. On pourrait croire à une forme moderne des sorts mortels ou des malédictions que jetaient les sorciers à distance dans les légendes du passé.

Par association d’idées, j’ai repensé à un autre vieux mythe de contes de fées sur le point de devenir une réalité : l’invisibilité.

Tout le monde a lu, vu ou au minimum entendu parlé du chef d’œuvre de la littérature de science-fiction écrit par H.G. Wells, L’homme invisible. Dans le livre, le chercheur qui découvre comment devenir invisible s’en sert pour faire le mal, ainsi que dans Hollow man le film de Paul Verhoeven sorti en 2000 avec Kevin Bacon, qui s’en inspire directement. Par contre la série télé britannique des années 60, elle aussi tirée du livre de Wells, avait fait de l’Homme Invisible un héros positif qui a enchanté mes jeunes années.

Des chercheurs ont présenté il y a deux ou trois ans un matériau qui pourrait permettre un jour de concevoir une cape d’invisibilité aussi efficace que celle de Harry Potter. Son principe est assez simple à expliquer : les rayons lumineux sont légèrement déviés en touchant le matériau et, en quelque sorte, le contournent, ce qui fait que lorsqu’on regarde dans sa direction, nos yeux voient ce qui se trouve derrière comme si aucun obstacle ne s’interposait. Pour le moment, cela ne marche de façon efficace que sur des petits objets géométriques très simples comme des sphères ou des cylindres. C’est donc encore loin d’être aussi pratique que la cape de Harry.

Mais il y a plus fort et ça vient tout juste de sortir (synchronicité, quand tu nous tiens). Hier, la presse citait un article paru dans Nature qui décrit une nouvelle technique d’invisibilité. Attention, c’est beaucoup plus compliqué et encore très loin de devenir la fameuse cape mais c’est encore plus fascinant. Cette fois, ce dont il s’agit, c’est d’un camouflage temporel. Le processus permet de cacher un évènement très court en créant une faille temporelle. Autrement dit, il permet de faire disparaître une fraction du temps qui s’écoule, ce qui fait qu’on ne voit pas ce qui a bien pu se passer pendant le laps de temps en question.

Comment ça marche ? Une analogie très parlante a été proposée par les auteurs. Imaginez une file de voitures qui roulent sur une route traversée par un passage à niveau. Au moment où il se ferme, certaines voitures accélèrent, d’autres ralentissent et freinent. Quand il s’ouvre à nouveau, les voitures qui se sont arrêtées rattrapent les autres. Si une caméra de surveillance prend des vues espacées de la scène juste avant et juste après l’évènement « passage à niveau », elle n’enregistrera que des voitures qui roulent de façon continue, tout indice du fait qu’un train a perturbé leur flux ayant disparu. Le train n’était pas là avant, il n’est plus là après, bref il a été rendu invisible.

Ce n’est qu’une analogie, avec toutes ses limites. Dans l’expérience réelle, les « voitures » étaient un flux lumineux, le « train invisible » était un évènement qui a été glissé entre des photons qui avaient été ralentis par rapport au flux, puis accélérés à nouveau pour les rattraper, ce qui fait que, bien que cet évènement ait eu lieu, il est resté invisible.

Ces recherches ne sont pas des élucubrations de chercheurs qui se demandent quoi faire pour dépenser leurs crédits, elles sont financées par le Pentagone qui compte bien en tirer des applications concrètes un jour, en particulier pour rendre les télécommunications plus difficiles à intercepter.

D’autres inventions étonnantes sont sur le point de rattraper les plus anciens mythes de l’humanité : la commande d’actions par télépathie, la quête de l’immortalité (ou d’une incroyable longévité), la démultiplication de la force musculaire avec des exosquelettes comme dans le film Avatar, la lévitation, la télékinésie et bien d’autres font l’objet de recherches on ne peut plus rationnelles, dont certaines ont déjà débouché sur des applications concrètes comme les trains à lévitation magnétique utilisés en Allemagne et au Japon, par exemple.

Où sont les limites ?

La meilleure réponse que je puisse donner est dans l’une des toutes premières notes – très brève – mise en ligne sur ce blog le jour de sa création, il y a quasiment quatre ans. Elle était consacrée aux lois de Clarke, du nom de leur auteur, Arthur C. Clarke, un écrivain devenu mythique pour avoir écrit 2001 Odyssée de l’espace. Je les cite à nouveau ici :

– Première loi de Clarke : Lorsqu’un scientifique de haut niveau dit que quelque chose est possible, il a vraisemblablement raison. S’il affirme que quelque chose est impossible, il a très probablement tort.

– Deuxième loi de Clarke : La seule façon de découvrir les limites du possible est de s’aventurer un peu au-delà de ces limites vers l’impossible.

– Troisième loi de Clarke : Toute technologie suffisamment avancée ne peut se différencier de la magie.

Harry Potter n’a plus qu’à bien se tenir (à son balai). Non seulement la réalité le rattrape déjà mais bientôt, elle le dépassera.

Très belle journée à vous

Photos : (1) l’Homme Invisible, (2) mise en scène de Liu Bolin, (3) train allemand à lévitation électromagnétique, (4) Harry Potter.