A notre retour de vacances, j’ai eu la joie de découvrir ce très bel article de Pascal Serre, consacré à « Lucienne » :
Lucienne : soumise, rebelle et rêveuse
Expatrié en République Dominicaine, l’ancien pharmacien Périgordin Jean-Michel Berardi nous entraîne dans un destin ordinaire qu’il élève en témoignage universel. Plus qu’un roman, « Lucienne » est un éloge du silence, des apparences toujours faussées par l’indifférence.
Jean-Michel Berardi © Droits Réservés
Le récit de Lucienne se situe là où vit le lecteur. Nulle part et partout à la fois. Pas de guerre, encore moins de révolution ou d’évènement qui font oublier le destin toujours unique d’un personnage clandestin. L’auteur se livre à une architecture littéraire pointilliste qui se fixe là où rien ne semble important.
Et pourtant, c’est au travers de cette apparente fadeur qu’il peut s’approcher au plus près d’une vérité authentique, celle d’une vie faite de gestes, de sensations et d’émotions aussi simples que rédemptrices.
Lucienne traverse son temps qui ne demande qu’à être le nôtre tout en étant exceptionnel et inédit. Veuve, elle assume une vie superficiellement monotone. Si, chaque jour, elle se rend sur la tombe de son défunt époux c’est pour prolonger, sous une autre forme, une existence à laquelle elle va donner un sens. Rien de médiocre dans ce rythme presque immuable des braves gens, rendus ordinaires par le regard de la société. Le récit de ce quotidien grisâtre refléte une geste mélancolique, nostalgique tout en éveillant doucement une conscience nouvelle. Ni jeune, ni vieille mais les deux à la fois. Passage initiatique de la soumission au salut.
L’arrivée d’Églantine, une parisienne comme on les dessine dans nos terroirs paysans trouble cette existence. De cette différence, Lucienne va faire sa compagne pour revisiter ses malles de souvenirs. Et puis, il y a Joseph, clochard, qui la déconcerte mais dont elle s’accoutume et accepte son existence afin de mieux digérer la sienne.
Petit à petit se dessine une Lucienne qui, comme beaucoup de femmes, s’est confortée aux règles, us et coutumes, au point de s’oublier. Il y a dans le regard de Jean-Michel Berardi un certain hommage à La femme, mère, épouse ou même sœur. Et puis, on glisse vers la nature humaine, les rapports au temps, à la société. Combien de destins étranglés ne demandent qu’à être interprétés, compris et aimés plus que jugés ?
Narratif et descriptif dans son approche, l’auteur présente une empathie et une solide connaissance de ce petit monde rural où l’être se dissout jusque dans la tombe, terriblement et cruellement anonyme. C’est aussi, pour le lecteur, une exploration sensible de son terroir avec une minutie de sociologue.
Il y a encore cette immersion dans le cheminement d’un couple que notre temps bouscule et qui, pourtant, recèle des trésors de générosité, d’épreuves et de bonheurs. Jean-Michel Berardi se présente comme un projecteur qui éclaire son sujet sans l’éblouir et encore moins l’illusionner. Tout est récité sans troubler. Les mots sont justes, simples et authentiques ; le style s’accordant à cette sobre sincérité. Lucienne se suffit à elle-même.
Alors, le livre refermé, j’écoute Lucienne me dire : « Je vais marcher un peu… la route, c’est mon amie. »
Auteur : Pascal SERRE
« Lucienne », Jean-Michel Berardi – Éditions du Puits de Roulle – 170 pages – 15 €
Bonne route à tous,
Belle journée,
anti
Une superbe critique, d’une grande richesse et qui donne encore plus envie de lire « Lucienne » !
« Jean-Michel Berardi se présente comme un projecteur qui éclaire son sujet sans l’éblouir et encore moins l’illusionner »
comme cela est bien dit! J’aime beaucoup la « lecture » de Pascal Serre.
Lucienne, pour qui j’ai une tendresse particulière, n’a pas fini de faire parler d’elle. Nous avons tous en nous quelque chose de cette Lulu-là!
Et j’ai encore à la découvrir!!! héhé l’année s’annnonce pleine de promesses..
Je suis en pleine lecture de « Lucienne », un vrai régal, j’y retourne !
Vous lire me procure un grand plaisir !
Bravo ! Quel bel article !
L’analyse est d’une justesse parfaite.
Cette écriture me rappelle quelqu’un!