Benoit Faraco, porte-parole de la Fondation pour la Nature et l’Homme créée par Nicolas Hulot, a mis ce matin en ligne sur le blog de la fondation le discours qu’il rêverait entendre prononcer par Nathalie Kosciusko-Morizet au sommet de Durban qui va se terminer dans deux jours. Chiche ? Ben non, pas cap…
Monsieur le Président, Messieurs et Mesdames les Ministres, chers délégués,
Nous ne pouvons pas nous permettre ici à Durban de revivre l’échec de Copenhague !
Dix jours de négociations, des centaines de tonnes de CO2 émises pour organiser cette 17e rencontre, pour rien ou presque ! Nous n’en avons pas le droit. Nous ne pouvons pas jeter ainsi en pâture notre crédibilité aux yeux du monde entier. Il ne nous reste que deux jours pour finaliser un accord sur l’avenir du régime climatique.
Mettons de côté nos intérêts nationaux qui ne feront de toute façon pas long feu vu la situation. Faut-il encore ressassez les derniers chiffres, répéter sans cesse les derniers cris d’alarme des scientifiques pour daigner enfin bouger. Et bien allons y ! Commençons par le rapport de l’AIE qui indique que nous avons jusqu’à 2017 au plus tard pour enfin réduire significativement les émissions mondiales de gaz à effet de serre, si nous voulons avoir une infime chance de rester en dessous des 2°C. Vous avez bien entendu : une infime chance ! 2017 ! Même pas 6 ans !
Et dire que, malgré la crise et le ralentissement économique, nous n’arrivons pas à inverser la tendance. Pire, les scientifiques disent qu’avec les engagements pris à ce jour nous nous situons sur une trajectoire de réchauffement de 3°C à 4°C minimum d’ici la fin du siècle.
Nous sommes ici 190 pays réunis. Depuis des années, l’opinion publique nous regarde discuter. Prouvons que notre venue n’est pas juste une énième réunion ! Montrons à ceux qui doutent encore que nous pouvons nous engager avec force à réduire nos émissions, car personne, je dis bien personne, pays riche ou pauvre, ne sera épargné par les conséquences de ce dérèglement. Il est irresponsable de refuser la transition énergétique et agricole sans laquelle, dans les années à venir, les plus pauvres seront encore affaiblis, au Nord comme au Sud.
Cela fait maintenant plus de 5 ans que nous négocions l’avenir du Protocole de Kyoto, sans grand succès. Est-ce une bonne raison pour laisser mourir ce traité ici à Durban ? Je ne le crois pas, la France ne le souhaite pas, la France ne l’acceptera pas ! Monsieur le Président, Messieurs et Mesdames les Ministres, chers délégués, j’ai le plaisir de vous annoncer que la France est prête, ici et maintenant à s’engager dans une deuxième période du Protocole de Kyoto. Nous ne sommes pas là pour négocier, mais pour affirmer notre ambition et agir !
J’irai plus loin : une deuxième période d’engagement de Kyoto n’est pas suffisante. Nous sommes encore loin de notre objectif de rester en dessous de 2°C. L’Union Européenne s’est engagée à réduire ses émissions de 20% d’ici 2020, et de porter cet engagement à 30% en cas d’accord international. Soit, la France est aujourd’hui prête à aller plus loin. Nous avons étudié avec l’ensemble de la société française, ce que signifierait pour la France une hausse de l’engagement Européen à 30%. Compte tenu de nos émissions et de notre situation économique, la France devrait alors réduire ses émissions d’environ 25% en 2020, contre environ 17% aujourd’hui.
Monsieur le Président, Messieurs et Mesdames les Ministres, chers délégués, je vous demande solennellement de prendre note de l’engagement de la France de réduire, sans condition, ses émissions de 25%. Bien sûr, si les autres pays industrialisés s’engagent plus en avant, et si les grands pays émergents renforcent leurs ambitions, nous sommes prêts à aller plus loin encore. Nous en reparlerons à la prochaine conférence des parties.
Nous avons la conviction que notre avenir économique passe par un renforcement de nos objectifs de réduction d’émission. Cela est créateur d’emploi et d’innovation, mais aussi de réduction de la pauvreté. La France et l’Europe ont fait le choix d’un changement de modèle énergétique. Avec nos partenaires européens, nous avons décidé de lancer un grand plan d’investissements dans les énergies renouvelables et surtout de favoriser l’efficacité énergétique.
Avec nos partenaires des 27, autour d’un axe franco-allemand renforcé, nous allons lancer trois grands chantiers :
– Celui des investissements concertés dans les énergies renouvelables, avec plus de 15 milliards d’Euros par an sous forme de prêt de la Banque Européenne d’Investissements pour financer l’éolien, le solaire et le bois énergie ;
– Celui des transports, où nous avons demandé à un consortium de 5 grands constructeurs automobiles européens de s’allier pour développer une voiture consommant moins de 2 litres au 100 km d’ici 2020.
– Celui du logement enfin, où nous avons décidé d’éradiquer tous les logements consommant plus de 300 kWh par m2 et par an d’ici 2020, avec des travaux financés ici aussi par la BEI.
Ces trois chantiers nous permettrons de faire jouer à plein la solidarité au sein de l’UE, et d’amorcer un virage vers la fin des énergies fossiles. La France comme ses partenaires européens est convaincue que face au marasme économique, la seule solution est l’investissement dans la Green economy. Toutes ces mesures devraient faciliter la réalisation d’une réduction d’au moins 30% des émissions européennes en 2020.
Ces investissements sont nécessaires au Nord, ils sont indispensables au Sud. Nous avons pris, à Copenhague, l’engagement de débloquer d’ici 2020 plus de 100 milliards de dollars par an pour aider les plus vulnérables à mettre en place des stratégies de développement sobre en carbone et résiliantes. Sur les sources de financements, nous n’avons pas avancé assez vite. La France le regrette, et annonce qu’avec ses partenaires européens, elle mettra en place au 1er janvier 2014 une taxe sur les transactions financières européenne qui devrait permettre d’abonder le fonds verts d’environ 10 milliards de dollars par an.
D’ici là, et en accord avec les engagements du Président de la République en 2008 lors de l’adoption du paquet climat énergie, la France s’engage à verser au fonds vert 50% du revenu de la vente des quotas de CO2 aux entreprises. Ainsi, dès le 1er janvier 2012, ce sont près de 750 millions d’euros, additionnels aux engagements de l’aide publique au développement, que la France versera aux pays les plus vulnérables, en particulier pour financer l’adaptation, parent pauvre des financements climats.
Face au défi climatique, nous ne pouvons plus retarder sans cesse les échéances. Si certains pays refusent de s’engager, cela ne doit pas ralentir ceux qui ont fait le choix de l’action. Il faudra, d’ici 2015 finaliser un nouveau traité pour confirmer les engagements pris à Cancun, qu’ils proviennent des grands pays émergents ou de ceux des pays industrialisés comme le Canada ou les États-Unis qui n’ont pas encore amorcé leur transition énergétique.
Monsieur le Président, Messieurs et Mesdames les Ministres, chers délégués, nous fêterons dans 6 mois les 20 ans du sommet de la terre de Rio. Une génération s’est écoulée depuis ce premier sommet, et même si des progrès ont été accomplis, notre bilan est insuffisant. Il est plus que temps de changer la donne.
Benoît Faraco, Fondation pour la Nature et l’Homme
Photo 1 : « L’Afrique rugit », une manifestation organisée par Tck tck tck sur la plage de Durban hier, lors de laquelle plus de 2000 personnes ont formé le dessin d’une tête de lion (Shayne Robinson, Greenpeace)
Photo 2 : marionnettistes (P. Olivier, M6) lors de l’émission Incroyable Talent (montage AG)