Le parc Yasuni se trouve en Équateur, là où commence l’Amazonie. Il est l’une des plus riches réserves naturelles de la planète et un territoire protégé des Indiens Waorani. Il est aussi situé sur un gisement de pétrole estimé à 850 millions de baril.
Pour le gouvernement équatorien, cela pourrait représenter 7 milliards de dollars. Pourtant, il propose au reste du monde de préserver le parc, alors que 20% des ressources de ce pays en plein développement dépendent du pétrole.
Le président Rafael Correa a lancé l’idée d’obtenir une contrepartie financière internationale en échange de cette « non-exploitation ».
« Le principal avantage comparatif de l’Équateur est sa biodiversité. Nous ne savons pas encore la convertir en valeur ajoutée, et c’est là l’enjeu du projet Yasuni : protéger la biodiversité, apprendre à la connaître et en faire un axe important d’une future économie post-pétrolière. »
Le prix de la biodiversité
Concrètement, la proposition est la suivante : laisser sous terre le pétrole du Yasuni en échange d’une contribution financière des pays industrialisés, estimée à 350 millions de dollars par an pendant dix ans, et correspondant au manque à gagner.
Cet argent, placé dans un fonds dont les intérêts reviendraient au pays, financerait des activité clés : reforestation et protection de l’Amazonie, développement d’énergies alternatives, soutien aux populations amazoniennes et approfondissement de la connaissance scientifique. Si le projet aboutit, il créera un précédent symbolique et pourrait faire jurisprudence.
Doutes et questions
L’initiative, séduisante, soulève toutefois des questions. Comment s’assurer que la réserve naturelle soit respectée par les futurs gouvernements ? René Ramirez est convaincu :
« La meilleure garantie que le Yasuni ne sera pas exploité ? Ce serait de prouver que l’Équateur peut profiter de ses richesses et se transformer en société de connaissance biologique, leader en biochimie, pharmacie, biomédecine ou dans le domaine des énergies alternatives. »
Cela ne veut pas dire pour autant que l’Équateur renonce à toute exploitation pétrolière. A quelques kilomètres de la réserve, un site de forage tourne à plein régime. Selon Matthieu Le Quang, collaborateur de l’équipe Yasuni :
« Pour le moment, l’Équateur ne peut pas se passer des revenus du pétrole, mais doit préparer le terrain pour cette économie post-pétrolière. »
Quant à Alberto Acosta, ancien ministre des Mines, il se méfie :
« Le risque est que le gouvernement utilise le projet Yasuni comme grand prétexte pour continuer à faire ce qu’il veut à côté, attention ! »
Il n’empêche. Avec cette idée, l’Équateur rappelle à la communauté internationale que le débat écologique va au-delà de la seule question du réchauffement climatique. A suivre, donc.
Note écrite à partir d’un article de Julie Banos paru sur Rue89 : Projet Yasuni, une idée (un peu) folle pour sauver la biodiversité
Photo : Guillermo Granja (Reuters)
Excellente initiative et complètement en synchronicité avec la présence de notre ami équatorien Atawallpa à Nîmes aujourd’hui 😉
A suivre donc, avec beaucoup d’intérêt.
anti
Oui, tout à fait. A l’occasion de cette note sur la fin du pétrole, j’ai créé un tag « Pic pétrolier », le sujet (et l’expression) étant en passe de devenir de plus en plus fréquent. J’en ai profité pour taguer des notes antérieures qui évoquaient déjà la question.
http://www.annagaloreleblog.com/archives/tag/pic+p%C3%A9trolier.html
Le projet est séduisant, mais il ne présente aucune garantie à long terme…
C’est comme si l’Iran demandait 20 milliards $ contre un engagement de ne pas fabriquer de bombe atomique…
« Les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent » (J. Chirac, Le Monde, 22 février 1998).
Ça se confirme. C’est aujourd’hui que l’accord doit être signé avec le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) pour la création du Fonds Yasuni ITT, du nom des trois gisements pétroliers : Ishpingo, Tiputini et Tambococha.
Administré par le PNUD sous contrôle équatorien, le Fonds est appelé à recueillir et à gérer les apports des pays, des entreprises et des individus qui souhaitent soutenir ce projet innovant. L’Allemagne, l’Espagne, la Belgique, la France et la Suède ont notamment annoncé leur soutien.
La non-exploitation des gisements ITT représente, pour la planète, une économie de 407 millions de tonnes de dioxyde de carbone (CO2), l’équivalent des émissions annuelles d’un pays comme la France.
L’accord et les documents annexes font au total 200 pages. Energies renouvelables, reforestation, réserves naturelles, développement social de l’Amazonie, sciences et technologie : cinq domaines prioritaires d’investissement ont été définis pour l’utilisation des fonds.
De l’avis de Roque Sevilla, un des auteurs de l’initiative Yasuni, « la création du Fonds et sa gestion par le PNUD institutionnalisent le projet et le blindent contre les aléas politiques ».
« Le drame de BP dans le golfe du Mexique montre que la technologie la plus perfectionnée ne supprime pas le danger potentiel de l’extraction pétrolière », a déclaré la ministre du patrimoine (en faisant allusion à la pollution causée par l’explosion de la plateforme BP au large de la Floride).
De fait, le gouvernement de Barack Obama a récemment manifesté son « intérêt » pour l’initiative Yasuni. Plusieurs pays – l’Indonésie, le Vietnam, le Guatemala – envisagent d’emboîter le pas à l’Equateur. Et de « yasuniser » certaines de leurs ressources non renouvelables.
Source : Le Monde
http://www.lemonde.fr/planete/article/2010/08/03/l-equateur-renonce-a-son-petrole-amazonien_1395072_3244.html
Ah ! Ben j’aime mieux lire ça que l’histoire des OGM. Il faut vraiment se battre sur tous les fronts, c’est pas croyable !
anti
Finalement, l’exploitation du pétrole a été autorisée par le gouvernement, faute de soutien financier suffisant…
« M. Correa avait annoncé le 15 août son intention d’exploiter ces ressources, après l’échec d’une campagne mondiale visant à faire compenser par des aides extérieures la non-exploitation du gisement au nom de la protection de l’environnement et des limitations des émissions des gaz à effet de serre.
Les autorités tablent sur 19 milliards de dollars de revenus additionnels au cours des 20 prochaines années – 58% du budget 2013 – dont la majeure partie seront destinés, selon le président, à la lutte contre la pauvreté, principalement en Amazonie. »
(source AFP)