Pendant notre séjour en Bretagne cette semaine, je vous propose en mot d’accueil du matin « Tjukurpa », un petit conte initiatique, que j’ai découpé en plusieurs épisodes, un par jour. « Tjukurpa », mot aborigène qui signifie le Temps du Rêve, est le 13e chapitre de « La femme primordiale » (troisième volet de la trilogie « Reflets inachevés »).
Les Aborigènes se nomment entre eux les Anangu, ce qui signifie les êtres humains. C’est également ce que veut dire le mot Rom en romani, le mot Hopi en hopi ou le mot Adam en hébreu – et il existe de très nombreux autres exemples.
Le Temps du Rêve : « Le temps du rêve désigne l’ère qui précède le temps, avant que la Terre ne soit créée, une période où tout n’était que spirituel et immatériel. Selon les aborigènes le temps du rêve existe toujours et peut être atteint pour des besoins spirituels. Au travers du temps du rêve, il est possible de communiquer avec les esprits et de déchiffrer le sens des mauvais présages, maladies et autres infortunes. »
A lire également, pour en savoir plus sur les Aborigènes, la note d’Anti sur le livre « Message des hommes vrais au monde mutant ».
Voici maintenant le premier épisode de Tjukurpa.
Il est un être formé dans le chaos
Né avant ciel et terre, silence, vacuité.
Il se tient seul, inaltérable
Circulant partout sans s’épuiser
On peut y voir la Mère du Monde
Ne connaissant pas son nom
Je l’appelle la Voie.Lao Tseu
Les dieux, eux, étaient occupés à se déguiser en arbres et en animaux, la forme sous laquelle nous les voyons toujours quand nous parcourons les étendues sauvages.
Martin Prechtel
Kuniya sentait le lien.
Elle regarda longuement la masse oblongue d’Uluru, face à elle. L’immense roc rouge se détachait sur le ciel bleu métallique comme une île aux parois quasi verticales, posée sur l’océan minéral du bush australien. Il était là depuis le Temps du Rêve, quand Serpent Arc-en-ciel avait façonné le monde avec les Hommes Eclairs.
Elle contempla les alignements des plantes, des cours d’eau et des pierres qui convergeaient vers Uluru. Visibles uniquement des Anangu, ils lui murmuraient le chant immémorial de Tjukurpa, inscrit tout au long des âges depuis l’aube de l’humanité. Chaque lieu correspondait à un rêve précis. Le rêve Kangourou, le rêve Émeu, le rêve Pierre Ronde, le rêve Eau Souterraine, le rêve Branche Fendue, le rêve Bivouac du Premier Clan, tous les rêves étaient là et Kuniya les connaissait tous, même ceux qui remontaient à l’arrivée des premiers Anangu sur cette terre.
Tjukurpa… l’histoire du Temps du Rêve, la signification de toutes choses, la loi qui régit la vie et la mort, la vraie nature de l’Univers.
Tjukurpa, le passé, le présent, le futur.
Tjukurpa, le lien.
Kuniya vit défiler devant ses yeux chacun de ses ancêtres, depuis sa mère jusqu’à la lointaine aïeule qui, cinquante mille ans plus tôt, s’était arrêtée au pied d’Uluru pour la première fois. Elle vit aussi tous ses descendants. Elle vit où étaient et où seraient dispersés chacun des fragments de leurs corps, traçant de nouvelles pistes sur le sol, glissant dans les ruisseaux, croissant au cœur des feuilles et des branches, dansant dans les corps d’autres humains ou d’animaux, passant de rêve en rêve pour transmettre leur savoir.
(à suivre…)
« Tjukurpa, le lien. »
Quel plaisir de retrouver ce temps du rêve, ce temps du lien, tellement, mais tellement signifiant et significatif.
Quel étrange lien encore une fois, d’avoir choisi de reprendre ce chapitre en feuilleton pendant toute cette semaine où encore une fois, la magie – autre mot pour dire lien – a été si présente. Anna ou/et moi avons des choses merveilleuses à vous raconter dans les jours à venir.
Très heureuse de vous retrouver vous aussi,
anti, éternel retour.