La gestion de l’eau, un défi pour demain à traiter aujourd’hui
LE MONDE | 03.09.08 | 14h24 • Mis à jour le 03.09.08 | 17h21
Montpellier, envoyée spéciale.
Les sociétés humaines doivent réformer rapidement leur gestion des ressources en eau douce, sur lesquelles pèsent des pressions de plus en plus importantes. Sans changements, la sécurité hydrique, alimentaire et énergétique de certaines régions du monde serait compromise. Tel est, en substance, le message des organisateurs du 13e congrès mondial de l’eau, qui a lieu à Montpellier du lundi 1er au jeudi 4 septembre.
Réserves d’eau. En 2025, 8 milliards d’habitants devront se partager la même quantité d’eau douce qu’aujourd’hui. Les réserves s’élèveront en moyenne à 4 800 m3 par an et par habitant, contre 7 300 en 2000 et 16 800 en 1950.
Eau disponible. L’Amérique du Sud dispose du quart de l’eau disponible dans le monde, mais n’accueille que 6 % de la population. A l’opposé, 60 % des habitants de la planète vivent en Asie, qui ne détient qu’un tiers de l’eau disponible.
Pénurie d’eau. 30 % de la population mondiale dispose de moins de 2 000 m3 par an et par habitant. Les régions les plus exposées par la pénurie d’eau sont le Sahel, la Méditerranée, le Moyen-Orient, le sud des Etats-Unis et l’Asie.
« Pendant longtemps, la ressource en eau a été disponible, en grande quantité, et de bonne qualité. Elle était considérée comme inépuisable, résume Cecilia Tortajada, présidente de l’Association internationale des ressources en eau (IWRA), co-organisatrice du congrès. Ce n’est plus le cas, nous approchons maintenant des limites. Notre objectif est de générer de la connaissance sur ce sujet, et de pousser les décideurs à anticiper les défis à venir. »
Le congrès de Montpellier, à dominante scientifique, se tient quelques mois avant la réunion du Forum mondial de l’eau, fixé en mars 2009 à Istanbul, qui rassemblera politiques, industriels et organisations non gouvernementales. Quelque 260 communications sont prévues en Hérault : évolution du débit des fleuves ouest-africains, impact du réchauffement climatique sur l’irrigation du riz en Chine, gestion des conflits entre usagers en Espagne, etc.
Toutes explorent les multiples facettes d’une même réalité : au moment où la population mondiale s’accroît, l’eau se fait plus rare. Première cause de déséquilibre : le réchauffement climatique. La température augmentant, l’évaporation de l’eau des fleuves et des rivières est plus importante, donc la quantité d’eau disponible dans l’environnement moindre. Le régime des pluies étant aussi affecté, les disparités entre régions du monde, déjà considérables, devraient être accentuées.
SUREXPLOITATION
Le deuxième grand facteur de raréfaction est l’accroissement des pollutions d’origine urbaine, industrielle ou agricole. « Très peu de pays traitent correctement leurs eaux usées, remarque Cecilia Tortajada. A Mexico, le principal cours d’eau est tellement pollué que la ville doit aller prélever son eau potable à des kilomètres. »
La salinisation des eaux douces, due à la surexploitation des nappes phréatiques côtières ou des fleuves, les rend également impropres à la consommation sans de coûteux traitements préalables.
Or les besoins en eau augmentent. La croissance de la population mondiale, qui a lieu essentiellement dans des mégapoles, concentre la demande dans l’espace, ce qui complique l’approvisionnement en eau potable. Mais ce sont surtout les volumes nécessaires pour assurer l’alimentation de la population mondiale à l’avenir qui inquiètent. Aujourd’hui, 70 % en moyenne du volume d’eau douce prélevé dans le monde vont au secteur agricole.
« Les cultures irriguées ont un rendement deux à trois fois supérieur aux cultures pluviales, explique Michel Jarraud, secrétaire général de l’Organisation météorologique mondiale (OMM). L’irrigation devra être développée, mais son efficacité dans l’utilisation de l’eau devra s’accroître. » Le choix des plantes cultivées devra également tenir compte de la moindre disponibilité en eau, selon M. Jarraud.
De plus, l’augmentation du prix de l’énergie et la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre incitent les Etats à développer les ressources alternatives, comme l’hydroélectricité, mais aussi les centrales thermiques ou nucléaires, qui ont besoin de gros volumes d’eau pour leur refroidissement, ou les agrocarburants, eux aussi consommateurs d’eau.
Ces évolutions imposent des réponses tous azimuts : meilleure connaissance des ressources, création d’infrastructures de stockage et de traitement des eaux usées, maîtrise de la consommation et des pollutions, réexamen des politiques agricoles, nouvelles méthodes d’arbitrage entre des usagers qui entreront de plus en plus en conflit…
Les participants au congrès de Montpellier l’ont martelé : ces réponses doivent être élaborées par les Etats, les collectivités locales et les usagers concernés. « En matière d’eau, chaque situation est particulière. Et, contrairement au pétrole, l’eau ne peut pas être transportée sur de longues distances, rappelle Pierre Chevallier, directeur de l’Institut languedocien de recherche sur l’eau et l’environnement (IDEE) et président du comité d’organisation du congrès. La correspondance entre les quantités disponibles et les usages ne peut se trouver qu’au niveau local. »
Gaëlle Dupont (Le Monde)