« Mais on se croirait dans une maison de fous! », lance Harding, un des personnages de « Vol au-dessus d’un nid de coucou »: sur la scène du centre psychiatrique de Montfavet, où l’on répète la pièce tous les jeudis pour le Festival d’Avignon, la tirade fait mouche.
C’est la première fois que cette histoire de rébellion contre l’institution psychiatrique est jouée dans un tel cadre, par des acteurs-patients. Le texte, signé Dale Wasserman et tiré d’un roman de Ken Kesey, a inspiré le film « Vol au-dessus d’un nid de coucou » de Milos Forman, avec Jack Nicholson.
Sur scène, 14 comédiens, dont quatre membres du personnel soignant de l’hôpital. Avec beaucoup de justesse, l’infirmier Pierre Camille Alezina joue le timide Billy, une personnalité étouffée par sa mère qui finit par se suicider après une première nuit d’amour.
Les autres acteurs ne sont pas hospitalisés mais participent au spectacle à des fins thérapeutiques. « Le but est de soigner les patients en leur permettant de s’inscrire dans un processus de création. Mais pour que ça marche, il faut que la production soit de qualité. On ne se positionne pas comme une troupe de malades », explique le Dr René Pandelon, directeur artistique du Théâtre de l’Autre Scène, fondé en 1989 à Montfavet.
Certains débutent, tel Vincent Chrétien, un physique à la Nicolas Cage dans le rôle de Scanlon, qui passe son temps à fabriquer une bombe pour faire sauter l’hôpital. D’autres sont des habitués, comme Pierre Chalaron dans le rôle principal de Mc Murphy dont l’affrontement avec la sadique infirmière en chef, Miss Ratched, incarnée par Simone Hiely, tourne au drame.
« Ils sont tous amoureux fous de la pièce. Chacun joue son rôle à fond, mais attention: leur personnage, ce n’est pas eux, même si parfois cela peut faire miroir. On demande toujours aux comédiens professionnels de jouer avec leur vécu: là, qui peut avoir un meilleur vécu qu’eux ? », souligne Pascal Joumier, le metteur en scène.
Un vécu parfois délicat à aborder: la séance d’électrochocs que l’on voit dans le film de Forman est ici suggérée derrière le rideau, la bande-son reproduisant le son des décharges électriques.
La scène de la mort de Mc Murphy, étouffé sous un oreiller après avoir subi une lobotomie, n’a pas été facile non plus pour le saisissant Marc Rapp qui joue Chief Bromden dans la pièce. « Il prend à chaque fois une grande respiration, confie le metteur en scène. Il y a de l’émotion. Beaucoup d’émotion ».
Audacieux, le choix de « Vol au-dessus d’un nid de coucou » qui sera joué trois fois par semaine, du 9 au 31 juillet à la Fabrik’Théâtre, durant le Festival Off d’Avignon, n’a pas été anodin.
« On a voulu marquer le coup pour les vingt ans de l’atelier », reconnaît le Dr Pandelon pour qui la pièce a aussi une dimension militante face au renforcement des conditions d’enfermement en milieu psychiatrique, déclenché par le meurtre commis en novembre à Grenoble par un patient diagnostiqué comme schizophrène.
Même si le texte date des années 1960, « on est en plein dans l’actualité », renchérit Pascal Joumier. « Certains acteurs ont des passés très lourds et pourtant, ils sont là, avec des idées, des gueules, des regards extraordinaires. J’en apprends tous les jours », confie le metteur en scène.
Source : La chaîne Santé, AFP
Le théâtre comme moyen thérapeutique je connaissais, mais là, le choix de la pièce : wahou !
Il y a des pièces qui traitent de la maladie mentale, je pense à « L’homme qui prenait sa femme pour un chapeau » de Oliver Shacks ( http://abimopectore.over-blog.com/article-19143243.html ) et d’autres classiques qui sont jouées par des personnes malades ou handicapées mentales mais là ! Les deux ensemble c’est… incroyable !
A lire aussi, cet article de « Lien social » : Le théâtre fait des handicapés mentaux des personnes comme les autres.
http://archive.lien-social.com/dossiers2001/558a560/559-1.htm
anti
Oui, renversant, comme idée. Quand j’ai lu ça, j’étais bouche bée. Il a dû y avoir des moments très forts pendant certaines répétitions.
J’imagine le moment où l’idée de jouer cette pièce-là a été présentée devant les responsables de l’hôpital…