Aujourd’hui, mon coup de coeur va au Bondy Blog.
Ce média en ligne a pour objectif de raconter les quartiers populaires et de faire entendre leur voix au niveau national.
Pour cela, il publie des articles écrits par une trentaine de jeunes femmes et hommes qui résident, pour la plupart, en Seine-Saint-Denis, lieu où le blog a été ouvert en novembre 2005.
Il s’agit de jeunes en formation, en début de carrière ou en recherche d’emploi.
Hébergé par 20 Minutes, le Bondy Blog reçoit plusieurs centaines de milliers de visiteurs par mois et des éditions ont été lancées dans d’autres villes de France.
Voici son article paru ce matin.
Sofia et Sabrina : « Nos frères font ce qu’ils veulent, pour nous, c’est la dictature »
(par Mimissa Barberis)
Ces deux sœurs ont l’impression que leur jeunesse leur a été volée. En cause, les traditions en vigueur au sein de familles maghrébines.
Chez certaines familles maghrébines, il n’est pas toujours facile d’être une femme à la maison. Le traitement y est différent selon que l’on est un homme ou une femme.
On peut parler de discrimination. Le papa et la maman ont un rapport plus affectif avec leurs garçons qu’avec leurs filles.
Les premiers bénéficient d’une tolérance bien souvent absolue. Ils n’ont pas de contraintes horaires, ils peuvent avoir des relations sexuelles comme bon leur semble et faire des bébés à droite et à gauche. Les cas de conscience ne se posent apparemment pas.
Sofia et Sabrina, elles, vivent sous un régime qui s’apparente à une dictature. La première en est sortie, mais cela a duré 28 ans. La seconde, 23 ans, est en plein dedans.
Sabrina regrette de ne pas avoir un peu plus de liberté et d’autonomie dans sa vie.
« Les parents ne nous imposent pas, à nous les filles, les mêmes règles qu’aux garçons. Je dois rentrer de préférence avant le coucher du soleil. Il paraît que j’ai plus de chances d’avoir des problèmes si je reste dehors au-delà. Mes frères, eux, sont comme immunisés contre tous risques. C’est le message qu’ils me transmettent : un jour, l’un d’eux ne comprenait pas ce que je faisais dehors à 20 heures.
« Il m’est déjà arrivé de sortir le soir pour aller voir des amies. Evidemment, j’ai droit à un interrogatoire avant de quitter la maison. J’ai l’impression d’être traitée comme une criminelle. Mais ce que je crains le plus, c’est le retour à la maison. Je suis pétrifiée à l’idée de voir les clefs volontairement laissées sur la porte. »
Lorsque Sabrina reçoit des appels téléphoniques ou des sms d’amis, elle a peur qu’on lui demande qui la contacte.
« Il m’arrive parfois de mettre mon téléphone en mode silencieux, raconte-t-elle. Sinon, je m’efforce d’être la plus transparente possible. Il m’est aussi difficile de dire à mes parents que j’ai des copines. Ils pensent qu’elles peuvent avoir une mauvaise influence sur moi. Pourtant, ils ne les connaissent pas et même si je les leur présentais, ils m’interdiraient de les voir, j’en suis sûre. »
Sabrina se dit attristée par une telle situation.
« Ma famille veut me protéger, mais elle le fait de manière arbitraire. Elle ne se rend pas compte qu’elle nuit à mon épanouissement personnel. Pourtant, je ne demande pas de sortir tous les jours ou à aller en boîte de nuit. Je demande un peu de liberté et de justice. Ma mère ne comprend pas, elle pense que me préparer à manger et me laver mes affaires est beaucoup plus important que ma liberté. »
Sofia, elle, a obtenu sa liberté. Mais à quel prix ! Il a fallu un mariage forcé puis un divorce après quatre mois de vie commune.
« Aujourd’hui, j’ai 29 ans et j’ai pris mon appartement. J’ai fait le choix de vivre en ville éloignée de mes parents. L’avantage, c’est que je ne risque pas d’être surveillée. Je rentre à l’heure que je veux, je reçois qui je veux et je vois qui je veux, je n’ai plus de comptes à rendre. »
Lorsqu’elle fait le bilan de sa jeunesse, elle regrette de ne pas être partie faire ses études dans une autre ville.
« Je pense que j’aurais pu éviter beaucoup de déboires. Encore une fois, c’est pour ma maman que je suis restée. »
Sofia et Sabrina déplorent l’absence de dialogue avec les frères et les parents :
« Ils ne nous donnent aucun outil pour se préserver du danger de notre société. Ils nous imposent des pratiques médiévales, qui plus est, à géométrie variable. Rien à voir avec ce que nous, nous trouvons dans l’islam. »
Mimissa Barberis (Bondy-Le Mans), Bondy Blog
Photo: Ludovic Maillard
C’est d’une injustice crasse qu’à notre époque des femmes soient encore culpabilisées pour des choses qu’elles pourraient potentiellement faire contre l’avis de leur famille. Qu’elles soient tellement sous pression sous leur propre toit, au point d’être constamment sur le qui-vive. Tout ça me révulse et je vais finir par penser que « oui la liberté tangible est une utopie » car il y a tellement de femmes au monde qui ne sont libres que dans leurs têtes… Il en faut de l’obstination et du courage pour sortir de ces enfermements. Je leur tire mon chapeau…
PS : cette image m’a frappée d’abord parce que j’avais une tante qui habitait dans la grande tour de droite et j’allais jouer avec ma cousine sur le serpent géant en mosaique qui est dans le parc de ce quartier. La lecture de la suite m’a mit le feu au cerveau…
Bloody born in Nanterre, entre les bidonvilles et la cité des âmes perdues…
Bloody, la photo fait partie d’une série prise par Ludovic Maillard, un photographe amateur que j’ai déniché un peu par hasard sur le web. Ca vaut le coup de suivre le lien que j’ai mis à la fin de mon post, pour voir plein d’autres photos de lui, dont une série sur la banlieue.
Ces traditions sont connues, d’ailleurs les « contrevenantes » font souvent l’objet des « unes » des journaux car la punition peut aller jusqu’à la mort.
Quoi faire ????
Il y a toujours un côté du mur à l’ombre, disait Bécaud…
Contrairement aux idées reçues, ce machisme a peu de choses à voir avec l’islam. Ce sont les hommes, et en particulier les imams, qui ont détourné le Coran a leur profit, pour mieux asservir les femmes…
Le phénomène est connu des Autorités françaises, qui restent malheureusement très silencieuses sur cette « dictature des grands frères ».
Contraintes physiques et morales, mariages forcés, sont le lot de beaucoup de jeunes femmes musulmanes en France et c’est intolérable. Elles n’osent s’émanciper, non par crainte d’un châtiment, mais pour ne pas porter tort à leur famille.
Le plus révoltant étant que ces jeunes machos s’autorisent des relations sexuelles avec des non-musulmanes, qu’ls n’épouseront jamais… Ils les considèrent comme des voitures qui ne seraient plus « de première main »… Beurk !
Les photos de Ludovic Maillard sont très belles.
Merci pour ce très intéressant commentaire.
Il n’y a pas que chez eux que cela se passe de cette manière, j’ai été elevée de cette façon, j’ai toujours pensé qu’il y avait des ressemblances avec l’éducation des familles magrhébines et l’éducation de certaines familles sardes.
J’en ai souffert pas mal, pour ma mère si tu te mariais tu étais là pour servir l’homme et pas question de divorce, tu l’as voulu, tu l’as eu et bien tu le gardes même si rien ne va plus. Mes deux frères avaient tous les droits mais pas moi hélas.
Heureusement j’ai passé outre tout ça et je m’en suis pas mal tirée lol
Très intéressant que tu dises ça, Zaza. sur le blog d’où vient cet article, il y a des réactions de lecteurs et l’un d’entre eux relève exactement ce point-là.
Ca permet de ne pas y voir un aspect limité à un seul type de communauté (quelle qu’elle soit) mais bien à une mentalité rétrograde plus largement partagée – hélas! – aussi bien dans les cultures musulmanes, chrétiennes, juives et sans doute bien d’autres.