Bonaparte et l'Egypte. Feu et Lumières.

1001800077.jpg
Le livre de l’historien Abd-al-Rahman Al-Jabarti, qui a enquêté à l’époque de la campagne d’Egypte auprès des troupes de Bonaparte. © Prod
Voir le documentaire Bonaparte vu d’Egypte

.

Chez les amis qui me logent, je suis tombée sur une plaquette concernant une exposition se tient à l’Institut du monde Arabe jusqu’au 29 mars prochain, tout à fait dans l’air du temps du blog : Bonaparte et l’Egypte. Feu et lumières.

1599339966.jpg

En Egypte, je me trouvais débarrassé du frein d’une civilisation gênante.

Je rêvais toutes choses et je voyais les moyens d’éxécuter tout ce que j’avais rêvé…

J’aurais réuni dans mes entreprises les expériences des deux mondes…

Ce temps que j’avais passé en Egypte a été le plus beau de ma vie, car il en a été le plus idéal.

Napoléon Bonaparte, 1803.

1465252240.jpg

Présentation de l’exposition par l’Institut :

Avec Bonaparte et l’Egypte, l’Institut du monde arabe fait choix de présenter à son public une exposition qui associe deux mythes parmi ceux qui sont les plus profondément gravés dans notre inconscient collectif : celui de Napoléon et celui de l’Egypte pharaonique.

La campagne d’Egypte de 1798, menée par le général Bonaparte entouré de quelque cent soixante savants et de certains des plus brillants officiers de son temps, constitue un épisode célèbre de l’Histoire, même s’il a représenté un échec du point de vue militaire.

Centrée sur l’« Expédition », l’exposition a pour sujet tout un siècle de relations entre l’Egypte et la France, symboliquement encadré par deux dates : les naissances de Napoléon Bonaparte et de Muhammad Ali – le premier souverain « moderniste » de l’Egypte –, en 1769, et l’inauguration du canal de Suez, en 1869.

Naissance de l’égyptologie, style « retour d’Egypte », publication de la Description de l’Egypte , essor de l’orientalisme : l’influence de l’Egypte en France a été prépondérante pendant toute cette période, de même que le rôle de la France a été déterminant dans l’accession de l’Egypte à la modernité.

Pour les besoins de l’exposition, l’Institut du monde arabe a mis en place un comité scientifique paritaire franco-égyptien réunissant les meilleurs spécialistes des deux pays. C’est au travers de ce double regard, donc, que le public pourra découvrir quelque 400 œuvres et objets d’art prêtés par les plus grands musées égyptiens, américains et européens, qui viennent témoigner de cette fascination réciproque.

1766506223.jpg

Bataille de Aboukir, 25 juillet 1799, Le Jeune.

Cette exposition se propose de jeter un regard neuf sur les rapports entre la France et l’Égypte au XIXe siècle, notamment à la suite de l’expédition de Bonaparte en Égypte entre 1798 et 1801. Ce point de départ historique sera l’occasion d’avoir un regard croisé sur les échanges artistiques.

Les limites chronologiques ont été fixées à la période 1770-1870, avec un glissement jusqu’à la fin du XIXe siècle pour quelques représentations de la campagne d’Égypte par des artistes français.

La confrontation des troupes de Bonaparte avec la civilisation égyptienne, tant antique que moderne, a constitué un véritable choc culturel. Le parcours chronologique confrontera alors tour à tour les visions françaises et égyptiennes sur un moment fort de l’histoire de ces deux pays en pleine mutation culturelle, politique et économique.

Dans la mesure où il existe peu de représentations iconographiques égyptiennes permettant de constituer des pendants aux illustrations françaises, la Description de l’Égypte servira de fil conducteur tout au long de l’exposition, et des textes égyptiens constitueront le pendant, l’autre regard indispensable.

L’Égypte vue de France à la fin du XVIIIe siècle

Il est apparu plus probant de commencer l’exposition par le choc culturel en montrant en préambule la vision que pouvaient avoir les Français de l’Égypte. Des cartes et les ouvrages de voyageurs comme Pococke, Lucas, Norden, Savary ou Volney nourrissent l’imaginaire des Français tout comme celui de Bonaparte, à travers des informations parfois fantaisistes mais imprégnées de l’idéologie des Lumières. De là va naître une première mode égyptienne en France où des meubles, gravures et tableaux montrent l’Egypte à travers ses mythes et ses vérités parfois déformées.

L’Égypte à l’arrivée des Français

L’Egypte, province de l’Empire Ottoman, est ensuite montrée dans sa réalité, telle que les Français vont la découvrir. Le pays lui-même est présenté par sa géographie, son architecture et son mobilier afin de recréer cet environnement égyptien bien éloigné de l’imaginaire occidental. Des vues du Caire, de ses maisons et décors ainsi que la présentation d’objets du quotidien datant du XVIIIe siècle permettront d’illustrer ce premier point. A travers ses dirigeants, le sultan Selim III, les Mamelouks, le gouvernement du diwan et sa population, dans sa diversité, c’est une vision politique et sociale de l’Egypte qui apparait ensuite. Enfin, l’économie du pays est évoquée à travers l’artisanat et les savoir-faire locaux, ainsi qu’avec le commerce, vecteur des premiers échanges directs et prolongés entre la France et l’Egypte.

L’expédition d’Égypte

En 1798, Bonaparte débarque à Alexandrie avec à ses côtés des militaires et des scientifiques de toutes les disciplines pour faire de cette conquête de l’Egypte une aventure exploratrice aussi bien que militaire. Après une brève introduction sur les origines de cette campagne, l’exposition présentera les Mamelouks, corps de l’armée égyptienne qui affronte l’armée française.

En parallèle, l’armée française sera rapidement évoquée à travers quelques personnages marquants comme les généraux Kléber ou Menou. Des tableaux, gravures et dessins reprendront les faits historiques de la campagne, avec les batailles des Pyramides et d’Aboukir ou la révolte du Caire. Quelques caricatures anglaises et allemandes donneront également une autre vision de l’expédition de Bonaparte.

Enfin, c’est tout le travail scientifique qui sera mis en valeur. Bonaparte a voulu connaitre ce pays et recenser ses richesses à l’aide d’une armée de savants, les meilleurs spécialistes de l’époque (géographes, architectes, botanistes, ingénieurs). Cette frénésie d’études aboutira à la création de l’Institut d’Egypte. C’est aussi l’arrivée de l’imprimerie en Egypte.

Les origines de l’égyptologie

La France aussi bien que l’Egypte prend conscience de la valeur historique, culturelle et artistique du patrimoine pharaonique. C’est l’époque des premiers relevés scientifiques dans les temples et les tombeaux.

397185519.gif
Meuble pour la « Description de l’Egypte » haumont, ébénisterie à Paris, 1837.

Dominique Vivant Denon va, dès 1802, publier ces découvertes dans son Voyage dans la Haute et Basse Egypte. Suivra l’oeuvre inégalée, commande impériale, qu’est la Description de l’Egypte. Composée de 974 planches et 47 cartes géographiques, elle se découpe en trois thèmes, dont celui consacré aux « Antiquités » nous intéresse ici.

En parallèle, l’exposition présentera des oeuvres d’art pharaonique reproduites dans la Description ou bien ramenée en France par des membres de l’expédition. Enfin, la figure de Champollion, incontournable, qui fera de l’égyptologie une discipline à part entière grâce au déchiffrement des hiéroglyphes.

574340113.jpg

photo Obelisque de la Concorde offert par l’Égypte en reconnaissance du rôle du Français Champollion qui a été le premier à traduire les hiéroglyphes.

La fascination pour l’Egypte

Le développement d’une nouvelle mode égyptienne en France à partir du début du XIXe siècle va toucher tous les domaines artistiques.

L’exposition recréera un intérieur égyptisant idéal à l’époque de l’Empire avec un mobilier riche et varié. Paris va également se plier à cet engouement avec de nombreux projets de monuments d’inspiration égyptienne, réalisés ou non. L’arrivée de la girafe, puis de l’obélisque de Louxor sur la place de la Concorde, cadeau de Mehemet Ali à la France, constituent deux autres moments forts des relations diplomatiques entre les deux pays.

Dans le même temps, les études d’arabe et l’orientalisme scientifique se développent, avec notamment les publications de Sylvestre de Sacy, les dessins de Prisse d’Avennes et de Pascal Coste, qui commencent à fixer le patrimoine musulman, comme le feront les peintres Marilhat et Dauzats.

L’histoire revue par le regard des artistes au XIXe siècle

Le mythe formé autour de la campagne napoléonienne en Egypte va nourrir les artistes durant tout le XIXe siècle.

Des médailles et statuettes à sa gloire vont être réalisées mais surtout la peinture d’histoire qui va réinterpréter ces événements. La figure de Napoléon est alors magnifiée, dans des mises en scènes orientalistes souvent très éloignées de la réalité du pays et des faits historiques. Ceci mènera à l’exotisme, où l’artiste n’exprime plus qu’une vision fantasmée d’un orient lointain, à la fois fascinant et inquiétant.

L’affirmation de l’identité égyptienne après le départ des Français

A la suite du départ des Français, l’Egypte voit émerger des figures emblématiques de son histoire comme Mehmet Ali et Ibrahim Pacha.

Un grand mouvement d’ouverture et de modernité apparait alors. Ainsi, une mission égyptienne, avec Tahtawi, viendra en France en 1826.

Au début des années 1830, l’utopie des Saint-simoniens trouvera en Egypte un lieu d’exercice. Soliman Pacha, Clot Bey, Jomard, Mariette Bey participent à l’amélioration des domaines de l’armée, de la santé, de l’Institut égyptien et du patrimoine pharaonique. Ceci aboutira à la participation de l’Egypte à l’exposition universelle de 1867 à Paris où le pays s’affirme alors comme une grande nation indépendante, qui souhaite se positionner face aux grandes nations occidentales.
Mais c’est également l’inauguration du canal de Suez en 1869.

Enfin, l’exposition pourrait se terminer sur les prolongements artistiques de ce dialogue France – Egypte avec l’influence des objets d’art islamique sur les arts industriels français.

L’Expédition d’Egypte, Bibliographie sélective de la Bibliothèque de l’IMA.

Informations pratiques.

1246791077.jpg

A noter, la publication de La Nouvelle Description de l’Égypte.

Suite à la première réédition intégrale des planches de la Description de l’Égypte, de nouvelles explications sont en préparation.
Cent cinquante naturalistes, égyptologues, historiens, architectes, musicologues, etc., des deux rives de la Méditerranée coopèrent à ce projet.

Suite à la première réédition intégrale des planches de la Description de l’Égypte, nous en préparons de nouvelles explications. Cent cinquante naturalistes, égyptologues, historiens, architectes, musicologues, etc., des deux rives de la Méditerranée coopèrent à ce projet.

Parmi eux, trente spécialistes du Muséum national d’Histoire naturelle actualisent les noms et les classifications donnés à la flore, à la faune et aux minéraux égyptiens. Les espèces disparues ou en danger sont signalées. Des articles complémentaires mettent en évidence les apports et les limites des travaux de leurs prédécesseurs. Les représentations, croyances, coutumes, depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours sont indiquées. Le travail est ensuite parachevé par leurs homologues égyptiens. Des photographies idoines sont réalisées.

La diffusion de ces travaux, sous forme de publications préliminaires, est pour l’instant destinée aux membres de la communauté scientifique internationale, pour recueillir leurs suggestions.

Pour la partie « État moderne », les arts et métiers, la musique, la danse, etc., de l’Égypte d’il y a deux siècles sont comparés à ceux d’aujourd’hui. Enfin, la parole est redonnée aux « Antiquités ». Les sept cents scènes de temples égyptiens représentées retrouvent ainsi leur signification.

Après la reproduction scrupuleuse de l’ensemble des planches en respectant leur disposition, nous prenons cette fois davantage de liberté, tant dans la forme que dans le fond. Les nouvelles explications et des extraits des textes d’origine sont rapprochés de chacun des trois mille dessins, pour mieux valoriser les uns et les autres. Par des recoupements entre l’histoire naturelle, les antiquités et l’Égypte contemporaine, et en dégageant des perspectives d’actions pour protéger les diversités naturelles et culturelles, nous souhaitons ainsi prolonger la vie de cette œuvre. copyright © 2008 – 2009 Institut du Monde Arabe, Paris.

Émiko Iinuma & Naguib-Michel Sidhom
Institut d’Orient
51, rue Lacepède 75005 Paris
orient@club.fr

Un autre site intéressant sur l’Egypte : le site personnel du Dr ALY ABBARA.

anti

15 Replies to “Bonaparte et l'Egypte. Feu et Lumières.”

  1. voiedoree

    C’est drole les comm, c’est nouveau ?

    Le travail de l’armada scientifique emmenée par Napo en Egypte est remarquable, j’ai eu l’occasion d’en voir quelques pièces.

    Il reste également des traces de son passage sur les piliers et murs des monuments, pas ceux qu’on espère voir (grafitis) mais quii aujourd’hui malgré la dégradation ont une certaine valeur.

    A cette époque les monuments avaient encore des couleurs, quelle splendeur, malheureusement…..Personne ne s’en est inquiété par la suite

  2. startine

    Très intéressant article.

    Je trouvais l’affiche tellement belle que je l’avais photographiée dans le métro voici un mois ou deux.

    Et là je découvre toute l’histoire de l’expo – encore une que je n’aurai sûrement pas le temps de voir -j’ai loupé Emile Nodle alors qu’on m’avait donné des pass gratuits-. Il faudrait être en permanence en vacances pour profiter de tout ce que Paris offre en événements culturels…

    Heureusement votre blog permet de combler un peu la frustration.

  3. startine

    A propos des comm qui s’affichent en format géant, n’auriez-vous pas ajouté un widget quelconque hier ?
    Moi, j’ai eu l’effet inverse (fenêtre de comm minuscule) lorsque j’ai rajouté le widget »MyBlobLog » et dès que je l’ai enlevé, c’est redevenu normal.

  4. Anna Galore

    Non, rien n’a été ajouté depuis un bon moment. Le dernier, c’était Feedjit il y a plusieurs semaines.

    Je me demande si le bug d’affichage n’est pas lié à la longueur de l’article. Anti m’a dit qu’elle avait eu des affichages bizarres en le préparant (un double ascenseur). En tout cas, je n’ai repéré aucune anomalie dans la note côté admin (genre codes HTML mal refermés ou autre).

  5. ramses

    Excellent billet, qui me passionne, comme tu peux l’imaginer. La réédition des planches de la Description de l’Egypte est une excellente nouvelle. J’espère qu’elle sera réalisée dans une Edition accessible financièrement pour le grand public. C’est une manne d’informations scientifiques et culturelles. Curieusement, cette campagne, qui fut une déroute militaire de l’Armée napoléonienne, fut une occasion unique de révéler les trésors archéologiques de l’Egypte au monde entier.

    Les lithos de David Roberts constituent également un travail remarquable, presque des photographies, qui permettent de se rendre compte de l' »état des lieux » au début du 19ème siècle (cliquer sur les liens en jaune pour les voir) :

    http://209.85.135.102/translate_c?hl=fr&langpair=en%7Cfr&u=http://www.museum-tours.com/museum/roberts/roberts0.htm&prev=/translate_s%3Fhl%3Dfr%26q%3Ddavid%2Broberts%2BEgypte%26tq%3Ddavid%2Broberts%2BEgypt%26sl%3Dfr%26tl%3Den&usg=ALkJrhjuY47XA1M9rzgyXD4ddUoc7xNx-w

  6. Catherine

    Je n’ai pas encore lu l’article d’anti ! C’est prévu pour ce soir, à oreilles reposées 😉

    Mais je suis quand même allée rapidement faire un tour sur le lien vers les lithos de David Roberts ! :-)C’est… PFIOU !!! Je suis allée de découverte en découverte et je suis émerveillée à chaque fois ! Je suis fascinée… Merci Ramses pour ce lien…

  7. anti

    Startine : « Après l’immense succès de l’exposition « Pharaon, homme, roi, Dieu » ( 180 000 visiteurs), dans le cadre de Valenciennes, capitale régionale de la culture, la Région Nord-Pas de Calais renouvelle sa collaboration avec l’Institut du Monde arabe en organisant l’exposition « Bonaparte et l’Egypte, feu et lumières » à Arras, du 16 mai au 19 octobre 2009. »

    http://www.nordmag.info/agenda/?p=292

    Ca te laisse une chance de la voir 😉

    Merci pour les commentaires toujours aussi riches que vous apportez aux articles. Je vais esplorer le tout à mon tour !

    anti, explo Ra trice !

  8. ramses

    Harpocrate m’a confirmé que les 3 DVD étaient lisibles sous Windows Vista ou XP.

    Cette transcription est une reproduction fidèle des 20 volumes originaux, qui ne peut être comparée à l’éditions Taschen. Voici ce qu’en écrit l’éditeur :

    « Avec les 35 grammes de ce DVD, vous pourrez emporter la Description partout et la recopier sur votre ordinateur. Vous pourrez aussi l’interroger mot par mot, ce qui n’est pas un mince avantage, avec les 9.500 pages de texte des 20 volumes. On pourra également agrandir les planches jusqu’à 200%, voire plus, et ainsi découvrir des détails, des personnages, qui n’apparaissent qu’à peine à l’œil nu. »

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *