Notre soirée au pont du Gard lundi nous a valu une très belle découverte et une grosse déconvenue.

La découverte, c’était celle de Yom and the Wonder Rabbis, groupe absolument génial. Excellents musiciens, inspirés, d’une précision parfaite, ils nous ont aussitôt rappelé les plus belles heures de King Crimson, que nous adorons.

Pourtant, les instruments sont sensiblement différents – la guitare de Robert Fripp étant « remplacée » par la clarinette de Yom – et les sources d’inspiration également – rock alternatif des années 70 pour Crimson et musique traditionnelle juive des pays de l’est pour Yom. Mais le son, le style, la maîtrise des montées en puissance, les jeux de batterie et de basse saturée et même les harmonies les rapprochent de façon incroyable.

Cela dit, pas si incroyable que ça : Yom et sa bande se réclament de la mouvance psychédélique – l’adjectif peut sembler daté et pourtant, entre leurs mains, rien n’est plus moderne ; quant à Fripp, en musicien particulièrement cultivé qu’il a toujours été, il écoutait beaucoup Bela Bartok. Tout cela concourt à faire des convergences aussi étonnantes que jouissives.

Une chose est sûre, leurs morceaux sont superbes, gais, inventifs, entraînants, depuis les ambiances orientalisantes jusqu’aux rythmiques techno-lounge puissantes genre Buddha’s Bar. A peine leur prestation terminée, nous avons couru à la petite tente près de la scène pour acheter leur dernier CD, avec une bonne surprise : Yom en personne était assis là pour le dédicacer aux heureux acquéreurs. Depuis, il tourne en boucle chez nous (pas Yom, le CD).

Un autre détail qui montre la qualité et la beauté de leur musique : pendant leur show, sur le côté de la scène, une bonne quinzaine de Roms – les musiciens du groupe qui allait suivre – étaient là et n’en perdaient pas une miette.

Les musiques slaves, qu’elles soient arrangées à la tsigane ou à l’électro-jazz, restent des musiques slaves. De toute évidence, tous ces artistes parlaient un langage commun. Yom a d’ailleurs rendu un hommage aux Roms en ironisant sur le fait qu’on les appelait des voleurs de poules alors que c’était surtout nous qui leur avions volé beaucoup.

Voilà pour le meilleur. Le pire, c’était le concert de Band of Gypsies, un méga-groupe d’environ 25 musiciens et chanteurs rassemblés autour du Taraf de Haidouks qui fêtait son vingtième anniversaire. Et ce n’était pas de la faute des musiciens.

Cela aurait dû être un moment mémorable, mais il a été saccagé par un sonorisateur d’une incompétence rare. Certes, les conditions météo dans l’après-midi ont fait qu’il n’a pas été possible de réaliser une balance avant que les artistes ne montent sur scène. Elle s’est faite à l’arrache sous nos yeux.

Il n’empêche, un ingénieur du son digne de ce nom et connaissant bien son groupe aurait pu, même dans ces conditions, tirer mille fois mieux que ce que nous avons entendu, surtout dans des conditions aussi favorables à une bonne sonorisation que le lieu en plein air où nous nous trouvions, sans aucun écho parasite. Le résultat était un mélange inconsistant, brouillon et désespérément anémique malgré toute l’énergie déployée sur scène par les musiciens. Nous avons préféré partir au bout de quelques morceaux tellement l’ensemble était indigent, surtout quand on a eu le bonheur d’entendre les Taraf jouer comme ils l’ont fait à Marseille.

Caliu, son fils et quelques autres, conscients du désastre, tentaient de faire bonne figure mais envoyaient régulièrement des regards furieux vers l’ectoplasme qui était censé veiller au mixage et qui a foutu la célébration en l’air. Honte à lui.

Très belle journée à vous