En marge du concert de Youssou à Nîmes, nous avons fait la connaissance de Jules qui nous a raconté un souvenir d’enfance renversant.
Comme nous étions au pied des arènes et un jour de féria, en plus, Jules a lancé la conversation sur les corridas en précisant qu’il n’aimait pas ça du tout. Nous lui avons répondu que nous non plus et que nous étions même actifs auprès d’associations pour obtenir son abolition.
Jules nous a alors dit pour quelle raison hors du commun il n’avait jamais aimé la corrida. Âgé aujourd’hui d’une cinquantaine d’années, il est d’origine espagnole. En pleine montée du franquisme à la fin des années 30, son grand-père était républicain. Il a été arrêté puis torturé et exécuté d’une façon dont nous n’avions jamais entendu parler : au cours d’une corrida privée où il s’est retrouvé à la place du taureau.
Les tortionnaires franquistes pratiquaient des corridas humaines.
Le prisonnier était poussé dans une petite arène et, face à lui, des picadors et un torero venaient le torturer en suivant exactement le rituel sinistre de la corrida – coups de piques pour lui faire perdre du sang, banderilles plantées dans le corps et au bout, mise à mort transpercé par l’épée du matador.
Si vous avez lu mon livre Le soleil sous la Terre, vous vous doutez de ce qu’ont pu être nos pensées à l’écoute de ce souvenir sinistre. La réalité dépasse toujours la fiction, surtout lorsqu’on croit imaginer le pire.
Le père de Jules, républicain également, a fini par fuir l’Espagne et à se réfugier en France à Bourges, comme beaucoup d’autres. C’est ainsi que Jules est né en France.
De temps en temps, il revient en Espagne pour retrouver ceux de sa famille restés au pays et il essaie de passer par dessus le fait que certains d’entre eux, dans les années noires, ont aussi été des franquistes et des délateurs.
Devenu adulte, il a voulu une fois assister quand même à une corrida. Il était tout au bord de l’arène. Il nous a raconté que ça a été un vrai massacre, une agonie interminable avec du sang qui giclait et un taureau refusant de mourir qu’il a fallu achever, à quelques mètres de lui, à coups de poignard.
Depuis, Jules n’a plus aucun doute sur le fait que la corrida est une horreur injustifiable, en plus d’être une torture franquiste.
Photo : Jules pendant le concert de Youssou
Je n’ai rien trouvé sur ces pratiques de corrida humaine sous Franco sur internet mais je veux bien le croire sur parole ; la folie des hommes bien souvent dépasse la fiction.
La rencontre de Jules a été un des très beaux moments de la soirée de dimanche dernier, beau parce que Jules à ce désir d’aller à la rencontre de l’autre et cette ouverture sans fausse pudeur.
anti
Sur cette histoire de corrida humaine, j’ai cherché aussi en préparant ma note mais rien non plus, comme tu sais.
Le problème, c’est que l’association des mots-clés « corrida » + « torture » mène vers tous les sites anti-corrida, que « corrida » + « Franco » ne donne rien non plus puisque Franco était un fervent afficionado et que même « corrida » + « Franco » + « torture » ne donne rien puisque « Franco » et « torture » sont très liés pour des raisons évidentes.
La seule chose que cela confirme est que la corrida est une torture, même aux yeux des aficionados.
Oui ! je pense qu’il y a une réalité, car en lisant cet article, je me suis souvenue que quelqu’un m’en avait déjà parlé, il y a de nombreuses années, et cela m’avait horrifiée ! Hélas ! en même temps rien d’étonnant, ce que l’homme fait subir comme souffrances aux animaux il peut également le faire à ses semblables !
Comme au temps des gladiateurs !
Je suis en état de choc ; il n’y a pas de limite à la barbarie.
Je suis d’origine Espagnole par mon père et j’ai des cousins en Espagne qui on fait des recherches généalogique.
Je savais que mes arrière-grands parents avaient été exécutés en Andalousie, mais ce que je ne savais pas c’était de quelle manière ! Mes cousins m’ont rapporté que dans les arènes de Badajoz des corrida humaines avaient été organisées et que mes arrières-grands parents faisaient parti des victimes de Manolito. Grand toréador proche de Franco mais ça personne n’en parle !!!
J’ai été horrifiée par cette histoire mais comme vous je n’ai rien trouvé sur le sujet sur la toile à par les propres de Jules.
Merci pour votre témoignage qui vient confirmer l’existence de ces horreurs.
Sujet tabou : Suite à votre article au mois de juin, j’ai essayé d’aborder le sujet sur Midi Libre avec un commentaire qui bien entendu a été censuré !Ces témoignages seraient intéressants à être divulgués, cela ternirait d’avantage l’image de la corrida.
Hier en passant à Générac (petite bourgade à 2 Km de mon village (Beauvoisin) j’ai aperçu la gendarmerie devant les arènes. Je me suis fait un plaisir de rouler doucement -pour une fois j’étais en règle avec mon C.T.) ils n’étaient pas là pour les automobilistes, mais parce que les arènes avait été taguées par les anti-corrida. J’étais ravie, cela m’a ramenée 20 ans en arrière. N’empêche que le soir en revenant de Nimes, ils avaient concrétisé leur IGNOMINIE (terme que j’adore, emprunté à Anti). Ils étaient trois pelés et un tondu à fêter leur forfaiture. Je n’avais qu’une envie, c’est de revenir 20 ans en arrière…N’empêche que le mot « torture » tagué en rouge se voit quand même sous les couches de peinture repassées à la va vite !!!
Merci pour votre témoignage « d’origine Espagnole ». Il serait intéressant que d’autres personnes puissent apporter des informations, y compris votre famille qui a découvert ces faits.
Sylvana ;-)) Allez, on continue !!! Droit devant !!! Je t’ai mis une petite note qui devrait te réjouir !
anti
« N’empêche que le soir en revenant de Nimes, ils avaient concrétisé leur IGNOMINIE (terme que j’adore, emprunté à Anti). » reprend Sylvana;
C’en en est même arrivé à de « L’IgnoNIMIE »
Excellent !
Décidément, pendant des années, on n’entend jamais parler de certains sujets et puis il suffit que ces sujets soient une fois abordés, après ils arrivent à vous sans que vous n’ayez rien provoqué. Hier après-midi, un couple d’un certain âge -77 et 80 ans originaire de Redessan (village à une quinzaine de Km de Nîmes), m’apporte deux chatons que des personnes avaient déposé chez des voisins. La gentille dame, très touchante a pris ces chatons, mais avec l’intention de pouvoir les caser, elle a deux chats mais étant donné son âge, ne voulait absolument pas les garder. Donc une bonne discussion s’engage sur les animaux. Ces personnes habitent près des arènes, et bien entendu le sujet de la corrida et ses atrocités se sont imposés tout naturellement. Tous les deux m’ont dit très spontanément : « Madame, savez-vous que sous Franco, certains condamnés à mort étaient tués par Manolete (célèbre toréro des années 40) avec les mêmes règles qu’une corrida ? Je leur ai demandé comment ils avaient appris cela ! Là les souvenirs sont plus flous, ils ne savent plus si on leur avait raconté ou s’ils l’avaient vu dans les journaux. La seule chose dont ils se souviennent c’est d’avoir vu une photo. Mais il semblerait que les réfugiés espagnols en ont fait mention au début, et peut être voyant l’intérêt que les gens du sud accordaient à cette pratique barbare, et déjà traumatisés, ils ont préféré se taire. Peut-être assiste-t-on à l’effet inverse !!! Tant mieux !!!
Bonsoir,
Une amie m’a envoyé le lien de cette page de votre blog ( blog que je connais puisque nous luttons pour les mêmes causes ) à propos des « supposés » corridas humaines qui se seraient déroulées durant cette guerre. Je viens de trouver ceci sur un blog dont je vous joins le lien. En premier le copier/coller où il est écrit que des hommes auraient été toréés :
« Le massacre de Badajoz
« Les faits de Badajoz sont uns des événements les plus controversés de la guerre civile espagnole. Il n’y jamais eu d’enquête officielle sur cet épisode. Les estimations concernant les exécutions sommaires dans cette ville d’Estrémadure varient entre 2 000 et 4 000 personnes.
La bataille de Badajoz prend fin le 14 août 1936 lorsqu’un assaut des insurgés ouvre une brèche dans les murailles qui entourent la ville. Ces troupes, composées de légionnaires et de Maures, sont dirigées par le colonel Juan Yagüe, l’un des officiers impliqués dans le coup d’état de 1936 à l’origine de la guerre civile.
Les vainqueurs se rendront en cette occasion coupables de nombreuses atrocités dirigées aussi bien à l’encontre de miliciens de gauche que de citoyens ordinaires de tous âges. À la suite de ce massacre, Yagüe sera populairement connu sous le sobriquet du « boucher de Badajoz ».
Une ignoble cérémonie est organisée à la Plaza de Taureaux de Badajoz. De nombreuses personnes de toutes conditions supposées républicaines, sont entassées dans l’arène et mitraillées sous les yeux des nombreux invités au spectacle.
Le 27 octobre, le journal madrilène La Voz rend compte de cet événement et indique que certaines victimes ont été torées et mutilées. Dans son ouvrage, Causes de l’anticléricalisme espanyol , Domènec de Bellmunt précise que les deux victimes des pratiques tauromachiques seraient deux députés républicains : MM. Manso et Nicolas de Pablo, mais il semble que cette affirmation soit erronée.
Les milliers de cadavres résultant du massacre de Badajoz seront entassés dans des camions militaires et des bennes à ordures pour être lancés dans des charniers recouverts de chaux vives. »
Voici maintenant le lien de ce blog : http://margarida.over-blog.com.over-blog.com/article-franquisme-et-tauromachie-conference-de-joan-pere-pujol-49130202.html
Bonne soirée.
Fanny Pitrel.
ps : il faudrait maintenant faire des recherches sur ce massacre.
Un peu plus bas, voici ce qu’on peut lire Le 28 août 1947, le taureau « Islero » encorne Manolette dans les arènes de Linares, en Andalousie. Le matador décède dans les heures qui suivent son transfert à l’hôpital. Sa mort est une véritable tragédie nationale. Tous les dignitaires franquistes et ecclésiastiques participent à ses obsèques. Après son décès, certains franquistes accuseront les communistes de propager le mensonge selon lequel Manolette aurait utilisé des « rouges » pour s’entraîner à l’épée !
Par rouges, il faut bien sûr entendre républicains
Merci infiniment pour ces informations très détaillées !
Merci infiniment Fanny pour ces informations. Il est extrêmement difficile de trouver des indices via internet, en français en tout cas. Nous ne maîtrisons pas suffisamment l’espagnol pour d’autres recherches qui s’avèreraient peut-être plus riches en terme de résultat.
PS : je vais diffuser le lien que vous indiquez tout de suite 😉
J’ai trouve un article qui en parle , le voici (4 eme paragraphe ) : http://jeanmarcelbouguereau.blogs.nouvelobs.com/archive/2008/09/22/la-corrida-est-elle-de-droite-ou-de-gauche.html
Merci pour le lien. Ce paragraphe, cependant, dit juste que la corrida était très présente sous le franquisme (nous en avons plusieurs fois parlé ici) et non qu’elle a été pratiquée sur des humains pour les torturer.
Et malheureusement, la corrida a autant de soutiens à droite qu’à gauche – le présent gouvernement est l’un des plus aficionados de l’histoire, Manuel Valls et Jean-Marc Ayrault en tête.
Cela dit, le quatrième commentaire à l’article est absolument remarquable (celui qui commence par « La corrida, cette fausse tragédie ») et mérite d’être lu.
Encore un peu plus de doc trouvé aujourd’hui à ce sujet avec un autre extrait d’un blog : » Le massacre de Août 1936 à la Plaza de Toros de Badajoz est entouré de rumeurs et de spéculations (il a été question que certaines des victimes étaient des torejades avant l’exécution, et il ya des indications que les exécutions ont été rendues publiques avant nouvelles autorités, principalement le coup d’État et avec la musique banda inclus), mais, à part les nombreuses spéculations sur ce sujet, ce qui est indéniable, c’est que la ville frontalière considéré comme un crime de guerre qui a impliqué tuant environ 1.500 personnes (une estimation prudente qui pourrait parfaitement aux 3.000 victimes dans une ville d’un peu plus de 40.000 habitants en 1936), le simple fait d’être soupçonné de faire partie d’organisations républicaines ou de sympathiser avec les idées libérales ou progressistes » En voici la souce (4ème article de ce blog) : http://translate.google.fr/translate?hl=fr&sl=ca&u=http://blogs.sapiens.cat/blogdelcehi/page/5/&prev=/search%3Fq%3Dmassacre%2Bdans%2Bl%2527ar%25C3%25A8ne%2Bde%2Bbadajoz%2Ben%2B1936%26start%3D60%26hl%3Dfr%26sa%3DN%26tbo%3Dd%26biw%3D1440%26bih%3D705&sa=X&ei=c3EOUeqPLYqp0AXCo4CACA&ved=0CEQQ7gEwAzg8
Autre trouvaille de ce jour, il s’agit de la copie d’un journal français qui se fait l’écho de ce massacre. Pour retrouver l’article, il est en milieu de page sous le titre DES NOUVELLES DE MADRID en assez gros caractères (mais il ne s’agit peut-être que de mises en scène, ce que je veux signifier c’est que la forme de ces massacres ressemblaient à des corridas mais étaient en fait des fusillades ????) : » DANS LES ARENES DE BADAJOZ,
LES INSURGES AURAIENT
MASSACRE LEURS PRISONNIERS
Pana un article de presse, M. ïndaleclo
Prieto, leader de la fraction modérée
du parti socialiste, déclare que la
victoire de Medeltin est le succès le plus
Important remporté par les forces gouvernementales
depuis le début de ce
M. Indalecio Priete fait également le
récit d’atrocités qui ont été commises par
tes rebslles à sadajoz, où, écrit-Il,’ les
prisonniers républicains enfermés ttans
les torils des arènes de Badâjox, auraient
oté obligés de sortir dans l’arène, tendis
que les spectateurs installés sur les gradins
les mitraillaient, » source : http://www.memoireetactualite.org/presse/38PETITDAUPH/PDF/1936/38PETITDAUPH-19360820-P-0010.pdf
Je réponds à ANTI: pas grand chose en Espagnol par contre, je me suis apercue qu’il fallait bien cibler la recherche sur le moteur.
J’ai pataugé pas mal de temps et c’est en indiquant « Massacre dans les arènes de Badajoz 1936 » que j’ai eu ces liens, si on ôte la date, on nous donne des corridas récentes de ce lieu.
Il est peut-être possible de trouver d’autres témoignages mais pour aujourd’hui, j’en avais assez des recheches.
Bonne soirée.
Amicalement. fanny
Super intéressant ! Merci pour ces compléments !
Merci Fanny, ! Mon petit doigt me dit que nous avons bien des sujets de discussions et d’actions en commun, et même un lieu 😉
anti
Bonsoir,
Avec mon époux, nous avons continué nos recherches. Impossible de trouver La Voz d’octobre 1936, sans doute les archives ont elles été détruites.
Par contre, sur Wikipédia, il y a une page qui parle des exactions franquistes à Badajoz, et voici ce qu’on y trouve (traduction française effectuée par Wiki, je mets le texte anglais à la suite) :
… »Par la suite, le témoignage a été publié dans La Voz (20 Octobre 1936), à Madrid contrôlé par les Républicains, que les exécutions dans l’arène étaient comme une fête pour les bourreaux, en présence d’une foule, et que certaines des victimes ont même été tués à la manière d’corrida (coincé dans le dos avec bandillero lances) et mutilé. Cela n’a jamais été vérifiée, mais il existe des preuves que le sadisme a été livré pendant le massacre… »
« Afterwards, testimony was published in La Voz (October 20, 1936), in Republican-controlled Madrid, that the executions in the bull ring were like a party for the executioners, with a crowd present, and that some of the victims were even killed in the manner of bull fight (stuck in the back with bandillero lances) and mutilated. This has never been verified, however there is some evidence that sadism was indulged during the massacre… » http://en.wikipedia.org/wiki/Massacre_of_Badajoz
Bonne soirée. fanny
Merci pour tous vos efforts pour retrouver des traces écrites de ce qui s’est passé.
Je ne pense pas que le passage de Wikipedia soit une information nouvelle, elle provient vraisemblablement de la même source que celle que vous avez citée plus haut.
De mon côté, j’ai recontacté Jules (la personne qui nous a raconté l’histoire de son grand-père) pour lui demander s’il avait par hasard des preuves écrites (lettres, etc.). Il m’a répondu ceci :
« malheureusement je n’ai rien et plus personne dans la famille de mon père ou ma mère n’est en vie. Je suis certain que nous n’avions aucun document ou article ou quoi que ce soit témoignant de ces horreurs.
Vraiment désolé, je vais néanmoins poser quelques questions ».
votre article et vos recherches historiques sont inimaginables… Vivant en Andalousie, çà explique beaucoup et me parle,
heureuse de vous avoir lu.
Terrifiant mais guère étonnant.
Merci pour ces témoignages et recherches et cet article qui met la lumière sur cette partie de l’histoire des corridas… Sadisme pur
les corridas humaines sous Franco, je l’ai lu il y a quelques temps sur Wikipédia, et avec témoignages des gens de cette époques je vérifierai si cela est toujours là, mais pour moi çà ne fait aucun doute