En biologie, un monstre est un individu dont la conformation s’écarte notablement des standards de son espèce. Une entreprise américaine nommée AquaBounty Technologies est sur le point de faire accepter comme un produit de consommation courante dans la nourriture d’un nouveau monstre obtenu à partir de modifications génétiques.
Il s’agit d’un saumon, dérivé de l’espèce la plus fréquemment utilisée en élevage industriel, et qui grâce à deux nouveaux gènes va, d’une part, grossir beaucoup plus vite et et beaucoup plus que ses congénères naturels et, d’autre part, poursuivre sa croissance tout au long de l’année sans la ralentir en période froide. Et AquaBounty ne compte pas en rester là : l’entreprise vient d’annoncer également de nouveaux types de carpes et de truites transgéniques.
Aux USA, la Food and Drug Administration pense donner son autorisation pour la commercialisation du saumon mutant d’ici peu. Il s’agira de la toute première fois qu’un animal transgénique sera proposé à l’alimentation humaine. Bien entendu, l’entreprise qui produit ces « saumonstres », comme les appelle Jean-Yves Nau (médecin et spécialiste de bioéthique), affirme que les manipulations génétiques en question n’ont aucune influence sur la chair de ces animaux.
Plusieurs associations américaines de défense des consommateurs et de l’environnement dénoncent l’insuffisance des données scientifiques disponibles et leur partialité. Sans parler du risque sur l’écosystème si certains de ces saumons s’échappaient des fermes piscicoles et rejoignaient leurs congénères naturels dans les océans.
Jean-Yves Nau précise : « Les transgéniques auraient-ils, comme on peut le craindre, un avantage reproductif sur leurs congénères «sauvages» ? Seraient-ils plus voraces ? Peut-on imaginer au contraire qu’ils seraient une proie facile pour des prédateurs ? » Quoi qu’il en soit, l’équilibre naturel en serait perturbé sans qu’on puisse vraiment en apprécier les conséquences futures.
Du côté européen, le saumon transgénique n’est pas près d’atteindre nos assiettes. Tout d’abord, les consommateurs y sont en très forte majorité opposés à de telles manipulations alimentaires. De plus, les grandes fermes aquacoles de Norvège n’en veulent à aucun prix. «Nous n’avons ni cochons monstrueux ni vaches monstrueuses en Europe et nous n’avons nul besoin d’un tel saumon», a ainsi expliqué Geir Isaksen, responsable de Cermaq, l’un des leaders dans ce domaine.
L’industrie aquacole norvégienne produit cinquante fois plus de saumons atlantiques d’élevage que les États-Unis. Surveillons quand même les étiquettes sur les emballages pour éviter d’acheter par mégarde des monstres venus d’outre-Atlantique qui prétendent être des saumons.
Les informations de cette note proviennent d’un article de Jean-Yves Nau dans Slate.
Photo : source web