Des rencontres extraordinaires, on peut tous en faire n’importe quand. Je vous raconte les miennes de temps en temps ici. Hier, j’en ai fait une nouvelle, dans le train minuscule qui reliait Rodez à Toulouse.
J’étais avec deux collègues. Le tortillard était bondé quand nous sommes montés à bord, à la gare de Gaillac. Nous sommes chacun allés nous assoir où nous pouvions. Nous n’en avions que pour une quarantaine de minutes de trajet jusqu’à Toulouse.
J’ai remonté la moitié de la voiture et j’ai vu une place libre en face d’un homme en short et chemisette. Il était mince, visage sympathique, souriant. Je lui ai demandé si je pouvais prendre la place où il avait posé son sac et il m’a dégagé le siège aussitôt. Puis il s’est replongé dans ce qu’il était en train de faire.
Avec application, comme un enfant, il coloriait un dessin.
Pas n’importe quel dessin. Combien de personnes dans ce train à trois wagons au milieu de nulle part auraient pu reconnaître ce qu’il représentait, en dehors de moi ? Probablement personne d’autre. Il s’agissait d’une figure majeure du bouddhisme tibétain : le bouddha de médecine.
Je me penche vers lui et je lui dis : « Sangye Menla ». Le nom tibétain de ce bouddha. Il me regarde avec un sourire immense : « Vous connaissez ? Comment ça se fait ? »
Je lui raconte en quelques mots mon passé, lointain et beaucoup plus proche, depuis la création du centre tibétain de Toulouse en 1976 (« J’avais quatre ans ! » me coupe-t-il) jusqu’à la tournée des moines de l’été dernier. Il me parle de son admiration pour les lamas, leur compassion sans limite pour tous les êtres vivants, la profondeur de leur enseignement. Il fréquente un centre bouddhiste à Lavaur. Il me demande ce que je pense du fait qu’il y a actuellement deux Karmapas. Il veut aussi comprendre ce que représente le Karmapa par rapport au Dalaï Lama. Je lui parle de la naissance du bouddhisme tibétain et de Ole Nydhal, de Dhagpo Kagyu Ling et de Pawo Rimpoché.
Il me parle de lui. « Quand j’étais petit, je savais quand je rêvais. Du coup, je pouvais décider de faire arriver ce qui me plaisait. Je voyais une plage, des jolies filles qui m’aimaient, tout ce que je voulais. Et puis on m’a fait prendre plein de médicaments et depuis, je ne sais plus faire ça. Je ne sais pas quand je rêve. »
Il a eu une vie dure, il parle un peu comme un ado le ferait et pourtant il a près de quarante ans. Il me dit que lorsqu’il avait huit ou neuf ans, c’est lui qui faisait vivre sa famille, en s’occupant du potager. Vers quatorze ans, il commence à s’intéresser au bouddhisme après avoir eu une éducation protestante. Son père rejette violemment son choix. Un jour, ils étaient tous les deux devant la télé et, alors que son père regardait une émission, lui a pris un petit livre de pensées bouddhistes et l’a entrouvert. Son père lui a hurlé de refermer le livre, lui disant qu’il ne fallait pas lire ça, que c’était mauvais.
Il me raconte la mort de son père il y a quelques mois. Il l’a accompagné jusqu’au bout et jamais ils n’ont été aussi proches. En sentant la fin arriver, le père a demandé à son fils de lui lire des mantras. Il s’est éteint avec leur son dans les oreilles.
Il ajoute : « Rien n’a été facile pour moi. Mon père était alcoolique, ma mère prostituée. Oh il faut que je vous montre ! » Il a une pochette autour du cou. Il en tire deux photos de femmes assez âgées, visiblement indiennes. « Je les parraine depuis des années. J’espère que je pourrai aller les voir un jour en Inde. Le mois dernier, c’était dur de payer pour elle. Je n’avais plus d’argent, pas de chauffage, rien à manger. Mais j’ai payé pour elles. »
Le train ralentit, il se lève. « Je descends ici, je continue sur Lavaur ». Je me lève pour le saluer, on se donne l’accolade comme si on se connaissait depuis toujours, on est heureux de ce qu’on vient de partager, on se dit qu’on se reverra sûrement un jour. Je ne sais pas comment il s’appelle.
Très belle journée à vous
Waouh ! Belle et émouvante rencontre…!
Une bien belle et magnifique rencontre Anna ! merci de nous faire partager ces moments.
La Vie, comme je l’aime : pleine de surprises.
Toi, comme je t’aime : chaque instant, chaque rencontre, est une bénédiction.
anti
Une rencontre particulière, presque des retrouvailles sur un autre plan. Ces rencontres sont étonnantes et laissent longtemps dans l’esprit une sorte de marque qui fait songer.
A quand Anna un recueil de nouvelles de tes rencontres dans les trains et avions ?
Alors ça, c’est une excellente idée ! J’achète !
anti
Tiens, vraiment sympa, ça, comme idée… Je vais faire dès que possible une compilation des notes déjà en ligne pour voir ce que ça donne.
Merci à toi !
Ben voilà, on est d’accord et synchrones comme toujours 🙂
Je viens de jeter un coup d’œil en cliquant sur le tag « Rencontre ». Effectivement, il y a de la matière… Je vais mettre tout ça en forme durant le grand weekend qui s’annonce, je vous tiens au courant.
Pour la couverture, un tableau de Michel Rauscher me semblerait tout à fait approprié 😉
« Pour la couverture, un tableau de Michel Rauscher me semblerait tout à fait approprié 😉 »
CAR-RE-MENT !!!
Ce serait un grand plaisir d’illustrer une couv’ à ma chère Anna.
Mais il faudra se dépêcher, hier à sa conférence de Montpellier , le chef Raoni a prévenu qu’à force de couper tous les arbres, le ciel va tombé…
Une belle rencontre, un moment intense de partage et d’émotion, un de ces instants où le temps suspend son vol…
Georges Brassens avait très bien décrit ces rencontres éphémères dans « Les Passantes »…
Très beau, très émouvant.
La magie est partout. J’aime ces rencontres !
ouah anna, j’ai des frissons et envie de pleurer,c est incroyable,c’était donc vous dans le train, c’est ywan le gars du train en short au visage sympathique,j’en reviens pas car ça fait longtemps que je vais sur ton blog et c’est sur celui-ci que j ai été intéressé par la coiffe noire, c’est drôle quelle coïncidence ,ah c’était donc vous
C’est magnifique de te retrouver ! Dingue !
Je vais juste cacher ton numéro de tél pour t’éviter de recevoir des appels de n’importe qui…
Hé bien ! Quelles belles retrouvailles !
Au plaisir de vous lire Ywan.
bonjour anna,il me tardait de voir si tu repondrais,quel plaisir,et j ai encore le poil qui se herisse,et dire que j allais sur ton blog depuis longtemps,quel chance que tu as eu d assister a la cerémonie de la coiffe noire,il faut que je te dise un truc qui s est passé a l institut de vajra yogini avec guéshé loden et dagri rinpoché,le soir la veille de losar,dagri rinpoché a enseigné sur le soutra du coeur et j écoutait son enseignement,mais c est le lendemain qu il y a eu un truc difficille a exprimer avec des mots:il y avait pouja a l occasion de losar et a un moment quand guéshé loden chantait j ai eu l impression que le sol se derobait et qu un truc noir et mauvais est sortit au niveau de mon coeur,j ai meme flippé car je ne savais pas trop ce qui se passait et apres quand j ecoutait dagri rinpoché avec la main gauche posé dans son giron paume ouverte vers le ciel la main droite comme en fait se tient u souvent le dalai lama,et c etait apres qu on lui ai fait l offrande du mandala,je ne ressentai plus la meme chose,je voyais toujours le meme corps de dagri rinpoché mais c etait tchenrezig qui parlait par rapport a ce que subissait le peuple tibetain par les chinois,les immolations de moine etc…je ressentais la grace,j étais touché par la grace,j étais au paradis,et je sais maintenant qu il est toujours la avec moi,c était si beau,merci a toi et ton blogsuper
Merci pour ce témoignage.
émouvant de lire l’histoire de la rencontre avec Bouvet; je l’ai d’ailleurs probablement rencontré à l’Institut Vajra Yogini, à cette époque j’allai y apprendre à peindre le Thangka; et maintenant j’aimerai découvrir avec vous le https://www.tngcentre.org/ à 1 h de la maison à l’occasion de votre visite