Le vieux qui lisait des romans d’amour… En voilà un titre. Un petit roman de 120 pages, un conte plutôt, que j’ai dans ma liste à lire depuis des années et que je viens de lire ce matin.
Il y est question d’un vieux donc, qui lit des romans d’amour. Cela se passe en Amazonie. Il en a été tiré un film :
ses romans parlaient d’amour avec des mots si beaux que, parfois, ils lui faisaient oublier la barbarie des hommes.
120 pages intenses, mêlant le rire aux larmes.
Il y a du Hemingway dans cette histoire. L’affrontement plein de respect du vieil homme et de l’animal a évoqué forcément l’image d’un Santiago (« Le Vieil homme et la mer« ).
Il y a de l’émotion quand on tombe sur un passage magnifique dans lequel ces hommes rustres perdus dans la forêt se font faire la lecture d’une histoire d’amour, évoquent Venise et s’interrogent sur ce que bien être une gondole ? De l’émotion aussi, avec ce vieil homme qui restera toujours un blanc, et ne pourra jamais être un Shuars. On pense au don de Qâ de Jean-Marc Pasquet quand l’homme devient forêt. On pense à Colère de Denis Marquet quand on lit la stupide vénalité des chasseurs, leur non respect de la Nature…
photo Wikipédia
Roman écologique évoquant la vie des Indiens Shuars dans la forêt amazonienne de l’Équateur, entre l’Équateur et le Pérou. Ce premier roman de Luis Sepúlveda est dédié à Chico Mendez, dont Sepúlveda a partagé la lutte. Paru en 1992, Un viejo que leia novelas de amor (son titre original) est aussitôt un succès commercial. Traduit en 35 langues, il est à l’origine de la renommée mondiale de l’auteur. Sa traduction française sauva de la faillite les éditions Métailié.
Présentation de l’éditeur
« Lorsque les habitants d’El Idilio découvrent dans une pirogue le cadavre d’un homme blond assassiné, ils n’hésitent pas à accuser les Indiens de meurtre. Seul Antonio José Bolivar déchiffre dans l’étrange blessure la marque d’un félin. Il a longuement vécu avec les Shuars, connaît, respecte la forêt amazonienne et a une passion pour les romans d’amour. En se lançant à la poursuite du fauve, Antonio José Bolivar nous entraîne dans un conte magique, un hymne aux hommes d’Amazonie dont la survie même est aujourd’hui menacée. »
Antonio José Bolivar, qui poursuit seul le fauve, un ocelot, est aussi un grand lecteur de roman d’amour.
Comme son personnage, Luis Sepúlveda a vécu plusieurs mois chez les indiens Shuars dans le cadre d’un programme de recherche de l’UNESCO sur « l’impact de la colonisation sur les populations amazoniennes ».« J’ai appris le shuar, les méthodes de chasse des Indiens, j’ai participé à leurs rituels. Ça a changé ma vision du monde. Toute la théorie révolutionnaire d’Amérique latine est la pire répétition du discours du conquistador. Ma génération a toujours pensé qu’on ne parle que deux langues en Amérique latine, l’espagnol et le portugais, alors qu’il en existe près de quatre-vingt-dix. L’indien n’est pas seulement l’image touristique du joueur de flûte des Andes. J’ai découvert un monde inconnu qui vit des réalités plus intéressantes et plus profondes que la théorie communiste. »
L’auteur, Luis Sepúlveda, je l’ai connu par l’un de ses romans/contes « Histoire de la mouette et du chat qui lui apprit à voler« , une autre pure merveille qui existe aussi en dessin animé (avis aux amateurs qui auraient des cadeaux à faire pour des petits enfants).
Luis est né le 4 octobre 1949 à Ovalle, dans le nord du Chili. Il milite très jeune au sein des Jeunesses communistes. Étudiant, il est emprisonné en 1979 sous le régime de Pinochet.
« Des deux ans et demi d’incarcération qui suivirent, il garde une douleur que vient adoucir le souvenir de « la grande solidarité » dont faisaient preuve les prisonniers. « J’ai beaucoup appris à Temuco, la prison où l’on enfermait les opposants politiques. Il y avait là-bas près de trois cents professeurs d’université, incarcérés eux aussi, qui nous faisaient partager leur savoir.
Libéré contre huit ans d’exil en Suède, grâce à l’intervention d’Amnesty International, le jeune homme descend de l’avion à Buenos Aires et entreprend de sillonner le continent. Ce voyage clandestin, jamais vraiment interrompu par la suite, le détache un peu de la « vision unidimensionnelle de l’histoire » professée par l’extrême gauche d’alors. Pas assez, cependant, pour le dégoûter de la lutte, dans un coin du monde où fleurissent les dictatures. Il s’en va donc au Nicaragua, prêter main-forte aux sandinistes dans les rangs de la brigade Simon-Bolivar, mais en revient « déçu qu’une belle révolution ait fini en enfer à cause des infirmités de toujours : le dogmatisme, l’uniformisation et le manque de générosité créative ».(extrait d’un article de Raphaelle Rerolle, Le Monde, 2 janvier 1998).
Il séjourne dans divers pays d’Amérique du Sud (Équateur, Pérou, Colombie, Nicaragua). En 1978, il passe un an chez les Indiens Shuars dans le cadre d’un programme de recherche de l’UNESCO.
Il part ensuite pour Europe et s’installe en 1982 à Hambourg où il passe 14 ans. « Les raisons pour lesquelles Luis Sepulveda, né en 1949, est venu se fixer à Hambourg sont plutôt diverses. Parmi elles un goût prononcé pour les romantiques allemands, l’envie de lire Marx et Engels dans le texte, un long séjour en prison qui lui a laissé des loisirs pour apprendre les langues étrangères, ou tout simplement le fait que c’est la section allemande d’Amnesty International qui a réussi à le faire sortir des geôles de Pinochet. Sans elle, il y serait encore puisque, après le putsch de 1973, Sepulveda a été condamné à vingt-huit ans de prison, peine commuée au bout de deux ans et demi en huit ans d’exil. Sepulveda passe d’abord quelques années en Equateur où il fonde, à Quito, une troupe de théâtre dans le cadre de l’Alliance française, puis au Nicaragua où il s’engage dans la brigade internationale Simon Bolivar, avant de venir s’établir en Europe. » (extrait d’un article de Gérard Meudal, Libération,1er mars1993)
En 1996, il s’installe dans les Asturies (au nord de l’Espagne) à Gijón à cause de la « tradition de lutte politique instaurée par les mineurs, du sens de la fraternité qui y règne ». Il a fondé et il anime le Salon du livre ibéro-américain de Gijón destiné à promouvoir la rencontre entre les auteurs, les éditeurs et les libraires latino-américains et leurs homologues européens.
Au talent d’écrivain s’ajoutent ses engagements politiques contre les séquelles laissées en Amérique du Sud par les dictatures militaires, en faveur de l’écologie militante, des peuples premiers. Il milite aussi contre le racisme et la xénophobie en Europe. Il écrit des chroniques régulières dans El País en Espagne et dans divers journaux italiens.
Parmi ses œuvres
Le Vieux qui lisait des romans d’amour (Métailié, 1992; Le Seuil, 1995) : Roman écologique évoquant la vie des Indiens Shuars dans la forêt amazonienne de l’Équateur, entre l’Équateur et le Pérou. Ce premier roman de l’auteur est dédié à Chico Mendez, dont Sepúlveda a partagé la lutte.
Le Monde du bout du monde (Métailié, 1993; Le Seuil, 1995) : Une sorte de polar écologiste où l’on voit un journaliste chilien de Hambourg revenir dans son pays pour enquêter sur le mystérieux naufrage d’un baleinier industriel japonais dans la région de la Terre de Feu.
Un Nom de torero (Métailié, 1994; Le Seuil, 1996) : Un polar austral mettant aux prises d’anciens agents secrets allemand et une compagnie d’assurance pour un trésor qui serait caché en Patagonie.
Histoire d’une mouette et du chat qui lui apprit à voler (Métailié-Le Seuil, 1996) : Une mouette empoisonnée par une nappe de pétrole, confie juste avant de mourir son œuf à un chat. Elle a toutefois le temps de lui faire promettre d’en prendre soin jusqu’à son éclosion et d’apprendre à voler au nouveau-né… Un livre pour enfants écrit par l’écrivain chilien en exil à Hambourg.
Le Neveu d’Amérique (Métailié , 1996; Le Seuil, 1998) : Un récit autobiographique romancé. L’auteur raconte comment, suite à une promesse faite enfant à son grand-père de retrouver la famille éparpillée et de revenir un jour sur la terre de ses ancêtres en Andalousie, il parcourra l’Amérique du Sud pendant plusieurs années, rencontrant des personnes aux destins singuliers avant d’atteindre son but.
Rendez-vous d’amour dans un pays en guerre (Métailié, 1997; Le Seuil, 1999) : Un recueil de 27 nouvelles relatant chacune un destin singulier, souvent désenchanté.
Journal d’un tueur sentimental (Métailié, 1998) : Parodie d’un roman noir, six journées de la vie d’un tueur, de la Turquie au Mexique, à la poursuite d’une cible fuyante. L’histoire sentimentale d’un tueur professionnel perturbé par la rencontre d’un Française.
Yacaré suivi de Hot Line (Métailié, 1999) : Deux nouvelles policières.
Les Roses d’Atacama (Métailié , 2001) :Une sorte de carnet de voyage où l’auteur fait les croquis de ses rencontres : 34 portraits se succèdent, autant de destinées singulières, en particulier ceux qui « se sont fait baiser, ceux qui perdent sans qu’on leur ait demandé s’ils voulaient perdre » (recueil de nouvelles).
Les pires contes des frères Grimm (Métaillé, 2005) : Un roman burlesque où deux professeurs tentent de reconstituer, à travers une correspondance assidue et faussement érudite, les aventures des « jumeaux légendaires », Abel et Caïn Grim dans l’Amérique de la première moitié du XXe siècle.
source article Bibliomonde.
Sur la Toile
Son témoignage pour Amnesty international qui l’a soutenu quand il était prisonier.
Un article du Monde du 11 février dernier : Luis Sepulveda : « Le sarcasme est une lâcheté »
A lire aussi, la note consacrée à notre ami chilien : Hector le chilien et Victor Jara.
anti
J’ai lu avec délice « Le vieux qui lisait des romans d’amour » il y a pas mal d’années et tu m’as donné envie de le relire !
Je ne connaissais pas la vie mouvementée et passionnante de Luis Sepulveda, j’ai pris grand intérêt à la découvrir grâce à toi.
Ouaip ! Et puis, dans la foulée, on a revisionné « La mouette et le chat » ! Trop bien !
anti, encore un peu bouleversée par sa lecture du matin 😉
.. Alors parce que c’est aujoud’hui la saint Valetin et que j’ai ouvert au hasard une page du » Le vieux qui lisait des romans d’amours » et qu’Anti parle de boulversification je vous copie p 75 et 76:
« Après avoir mangé les crabes délicieux, le vieux nettoya méticuleusement son dentier et le rangea dans son mouchoir. Après quoi, il débarrassa la tale, jeta les restes par la fenêtre, ouvrit une bouteille de Frontera et choisit un roman. La pluie qui l’entourait de toutes parts lui ménageait une intimité sans pareille.
Le roman commençait bien.
» Paul lui donna un baiser ardent pendant que le gondolier complice des aventures de son ami faisait semblant de regarder ailleurs et que la gondole, garnie de coussins moelleux, glissait paisiblement sur les canaux vénitiens »
Il lut la phrase à voix haute et plusieurs fois.
— Qu’est-ce que ça peut bien être, des gondoles? ça glissait sur des canaux. Il devait s’agir de barques ou de pirogues. Quant à Paul, il était clair que ce n’était pas un individu recommandable, puisqu’il donnait un « baiser ardent » à la jeune fille en présence d’un ami, complice de surcroît.
Ce début lui plaisait.
Il était reconnaissant à l’auteur de désigner les méchants dès le départ. de cette manière, on évitait les malentendus et les sympathies non méritées.
Restait le baiser– Quoi déjà? –« ardent ». Comment est-ce qu’on pouvait faire çà?
Il se souvenait des rares fois où il avait donné un baiser à Dolorès Encarnacion del Santisimo Sacramento Estipinan Otavalo. Peut-être, sans qu’il s’en rende compte, l’un de ces baisers avait-il été ardent, comme celui de Paul dans le roman. En tout cas il n’y avait pas eu beaucoup de baisers, parceque sa femme répondait par des éclats de rires, ou alors elle disait que çà devait être un péché.
Un baiser ardent. Un baiser. Il avait découvert récemment qu’il n’en avait guère donné, et seulement à sa femme, car les Shuars ne connaissent pas le baiser.
Il existe chez eux, entre hommes et femmes, des caresses sur tout le corps, sans se préoccuper de la présence de tiers. Même quand ils font l’amour, il ne se donnent pas de baisers. La femme préfère s’accroupir sur l’homme, en affirmant que cette position lui fait mieux sentir l’amour et que les anents qui accompagnent l’acte en sont d’autant plus puissants.
Non, chez les Shuars, le baiser n’existe pas.
… »
Merci madame ! Tiens, j’ai rêvé de toi la nuit dernière, enfin, pas vraiment de toi, mais de ton grand-père qui voulait te faire passer un message… Ah ! Le téléphone des ancêtres 😉
anti, le téléphone est bleu…
« Merci madame ! Tiens, j’ai rêvé de toi la nuit dernière, enfin, pas vraiment de toi, mais de ton grand-père qui voulait te faire passer un message… Ah ! Le téléphone des ancêtres 😉
anti, le téléphone est bleu… »
Mci me voilà bien nAntie 😉
Pour ceux qui ne savent pas, j’ai « commis » un ready made détourné un jour, comme adieu définitif à ma contribution à l’art contemporain. C’était LE « téléphone bleu ».
Seule, Anti a su pressentir, par son enthousiasme, qu’il renfermait un sens . ( Qui, je vous rassure est encore fort heureusement quasi totalement à découvrir) Alors je le lui offert pour son (leur) mariage. Un grand moment de bonheur fut également quand Anna m’envoya la photo d’un moine bouddhiste entrain de « répondre » avec ce téléphone… Bleu.
Donc je me dis :
N’hésitons pas à envoyer nos rêves à l’Univers, ils finiront bien par nous revenir un jour… 😉
Il y a un proverbe à ce sujet, je crois que c’était: « Si ton cheval part au galop, laisse le faire, si c’est le tien, il reviendra toujours. »
Je me dis aussi que cette expérience est bien un apport à la validité de la psychologie transpersonnelle.. 😉
Pour le reste,
Je répond dans la note « bonjour » en survol et en privé pour les détails. Là, çà regarde pas le monde entier, quoi.
J’ai beau être une femme publique… 😀
« N’hésitons pas à envoyer nos rêves à l’Univers, ils finiront bien par nous revenir un jour »
Waow !!! Ca, c’est une phrase vraiment magnifique !