Alexandre Romanès dit en souriant :
« Dans les tribus gitanes, toutes les femmes sont reines »
Envie d’ambiance ? De fêtes ? De musique ? Prêts pour embarquer ? C’est parti ! Ta dam !!!
Le cirque Romanes présente son spectacle Paradis Tzigane encore jusqu’à fin janvier à Paris !
Profitez-en !
« Ma famille fait du cirque avec un chapiteau depuis la première guerre mondiale. Avant, mon arrière grand-père donnait un spectacle en plein air sur la place du village. Il allait de village en village avec ses trois femmes, ses enfants et un ours. « L’embêtant, disait-il, c’est l’ours. »
A 25 ans, j’ai quitté le cirque familial, le cirque de mes parents ressemblait de plus en plus à un hangar pour avions, j’ai jeté l’éponge, je suis parti. Pendant quelques années j’ai fait mon numéro d’équilibre dans la rue. J’étais depuis longtemps attiré par la poésie, je me suis lié d’amitié avec des poètes : Jean Genet, Jean Grosjean, Dominique Pagnier, Jean-Marie Kerwich, Thierry Metz, Christian Bobin.
J’ai travaillé à l’élaboration d’un spectacle de cirque avec Jean Genet. Il y avait assez de matériel pour faire 4 heures de spectacle. Quand il a fallu passer à la réalisation, j’ai pris ma voiture et je suis parti sur les bords de la Loire faire des paniers en osier…
Dix ans plus tard, je redécouvre le cirque dans le campement tsigane de Nanterre. J’ai rencontré Délia que j’ai épousé, j’ai acheté un petit chapiteau, un vieux camion, quelques caravanes, et nous avons pris la route. Quelques gitans dans une piste, Délia au chant, entourée d’un violon, d’une contrebasse et d’un accordéon.
Même dans mes rêves les plus fous, je n’aurais jamais imaginé avoir autant de succès avec un spectacle aussi dépouillé. Le violonniste Yehudi Menuhin m’a dit : « Jusqu’à mon dernier jour je penserai à vous. »
La vie n’est jamais comme on croit. » Alexandre Romanès.
Le Ciel, Donner et Dieu, dans la langue tzigane, c’est le même mot .
Depuis longtemps les tziganes savaient le vieux proverbe : « Pour vivre heureux, vivons cachés ». Par crainte des conventions et des pouvoirs, les tziganes n’ont jamais permis aux autochtones de s’approcher de leurs campements .
D’un côté les habitants des villes inquiets et désireux de voir passer le plus vite possible une population jugée hostile à leur mode de vie, de l’autre côté des tribus gitanes méfiantes, repliées sur elles-mêmes ne dévoilant de leur culture que ce qu’elles voulaient bien montrer, c’est-à-dire très peu.
La culture tzigane étant ce qu’elle est, c’est-à-dire restreinte et orale, on pourrait dire une culture « de survie ». Et parce que les hommes et les femmes qui font des prévisions nous avertissent – et pour une fois ils pourraient bien avoir raison – que les cultures minoritaires vont disparaître une à une, j’ai la faiblesse de croire que les trois livres que j’ai écrit, n’iront pas ce noyer dans l’océan des livres. Ils pourraient avoir un intérêt qui va bien au-delà d’un chant qui je l’espère, est poétique. Grâce à la curiosité ils devraient continuer à vivre, ne serait-ce que pour témoigner d’un monde qui tôt ou tard disparaîtra.
Le monde m’a blessé, comme un animal vivant qu’on déchire avec les mains.
La neige, le vent, les étoiles, pour certains … ce n’est pas assez.
Avec le temps qui passe, j’ai élagué ma vie comme les branches d’un arbre. Maintenant, il n’y a plus que mes filles et Dieu.
La grandeur, ils connaissent : décider, inventer, construire. Leur chemin est sans fin. Moi, je ne suis pas de cette race. Alexandre Romanès.
« A l’instant de sa mort, le père d’Alexandre Romanès souffle : « J’ai eu une belle vie. » Ou encore : « Être gitan, c’est n’être dans rien : ni dans le sport, ni dans la mode, ni dans le spectacle, ni dans la politique. »
Alexandre Romanès fait jouer son cirque tsigane à Bègles (Gironde).
Du 30 décembre au 6 janvier 2008, même limonade, mais porte de Champerret à Paris. Noël se prête au cirque. Surtout au petit Cirque Romanès, son saint bazar, son entrain, la famille en piste et l’orchestre, sans animaux, sauf un vieux chat amateur. Alexandre Romanès est-il sérieux ? Le sérieux est-il gitan ? Le tragique et l’ironie, oui, mais le sérieux ? « Mon grand-père avait trois femmes et un ours. Celui qui faisait problème, c’était l’ours. »
Le cirque guérit, mais de quoi ? Dans les « sixties », une des plus terribles planches dessinées (dans Hara-Kiri), encre noire comme le sang et arbres sans feuilles, c’était Le Petit Cirque de Fred. Moitié Apollinaire, moitié exode, moitié fête perdue, moitié enterrement : quadrature gitane. Le petit Cirque Romanès ressemble à celui de Fred, sans la mélancolie. Un rêve de cirque.
Contrebasse, accordéon, clarinette, tapis des Mille et Une Nuits, bougies, accueil en fanfare et ce clown postmoderne au visage lassé qui assure sans un sourire les transitions géniales. Pas de numéros, chez Romanès, jamais d’exploit (la vulgarité même), simple syntaxe des entrées, des expressions et le plaisir de bien faire. Les garçons arborent des falzars rayés et des chemises à paillettes dont on se demande qui les fabrique. Où ils les dénichent. Quelque usine secrète ?
Les filles jouent leurs rôles : femme boa, femme du feu, trapéziste non conforme, contorsionniste au sourire inquiétant. Un petit bonhomme danse comme Fred Astaire eût tant aimé savoir le faire. On ne peut plus l’arrêter. Mais que font la police et la cellule psychologique ? Au final, l’orchestre passe la surmultipliée. Romanès s’agite toujours debout, calme, tendant une liane ici, un tapis là. Délia, sa chérie, chante des mélopées poignantes ou des airs du diable. Personne ne sait si l’on a démarré à l’heure, ni quand cela finira. Les numéros se précipitent devant l’ensemble de la troupe. La femme boa tricote, une imposante grand-mère tient sur ses genoux un enfant en bas âge. Beignets et vin chaud pour tous.
Alexandre Romanès avait fait une croix sur le cirque. Vingt ans après, il en monte un. Il rencontre Pipo, un ami d’enfance, qui l’embrasse et le regarde bizarrement : « Je suis vraiment étonné de te voir faire du cirque. – Pourquoi ? – J’avais toujours cru que tu étais intelligent. »
L’ours, les voleuses et des souvenirs de Jean Genet, vous trouverez de tout dans son livre de haïkus gitans, Un peuple de promeneurs (éditions Le Temps qu’il fait, 2000). Ou encore, chez Gallimard, dans ses Paroles perdues (poèmes, préface de Jean Grosjean, 2004) : « Je voulais garder Dieu pour moi, et j’en parle à toutes les pages. »
Romanès n’a pas lu des masses de livres, mais il sait en écrire.
Ce ne sont qu’histoires de Juliani si pauvres qu’ils se mettaient des beignes, le soir, pour garder le chien et sa chaleur au lit ; ou l’histoire de ce CRS de faction au camp de Nanterre, si amoureux d’une Gitane qu’il passait ses journées assis en hauteur sur un tas d’ordures, dans l’espoir de l’apercevoir ». Lydie se fâche avec Pipo, parce que Pipo lui a menti. Pipo : « Qu’est-ce que tu veux, je suis un gars comme Dieu : je laisse des doutes ! » Mais aussi bien : « Je demande à une vieille Gitane pourquoi elle ne parle jamais des camps de concentration, où pourtant elle a été. Elle me répond : « Parce que j’ai honte. » »
Trois cents personnes à Paris, dimanche, pour protester contre l’expulsion de trois cents Gitans bulgares et roumains (donc européens). Le cirque continue. »
Francis Marmande pour Le Monde du 5 décembre 2007
Pour les chanceuses et les chanceux qui seront sur Paris ce mois-ci, toutes les informations sont sur le site du Cirque Romanes.
Alexandre Romanes est l’auteur de « Un peuple de promeneurs », Le temps qu’il fait (2000), « Paroles perdues », Gallimard (mai 2004), « Les étoiles multicolores », Gallimard (2008) (plus d’info).
Vous pouvez aussi consulter tous les articles du blog concernant le peuple Rom en cliquant sur le TAG Roms.
Et bien sûr, télécharger gratuitement le roman de Anna, La Veuve Obscure dont l’action se situe aux Saintes-Maries-de-la-Mer et dont le héros Tony, Rom, nous plonge au cœur d’une communauté à découvrir en compagnie de sa Délia à lui 😉
anti
😉 Et oui, très beau passage de l’interview que j’ai eu la chance de voir aussi. Ce « demain » qui n’existe pas dans la langue, c’est toute une philosophie qui me fait penser qu’en vietnamien, c’est pareil, c’est le temps du futur qui n’existe pas. J’ai eu un mal fou à me faire une idée le jour où, ado, Binh tentait de m’expliquer çà !
anti, déjà r’partie !
« J’ai rencontré Délia que j’ai épousé »
Là, j’en suis restée baba : dans La Veuve Obscure, mon héroïne s’appelle Délia et Tony, le Rom qui vit aux Saintes en tombe amoureux fou.
Anna, écho logique
Ah, oui : superbe note, quelle vie passionnante que celle d’Alexandre Romanès (nom qui désigne la langue parlée par les Roms) ! Et quelles rencontres, quel destin !
« Là, j’en suis restée baba »
Je viens de le rajouter 😉
anti, pour sa baba aux roms.
« très beau passage de l’interview que j’ai eu la chance de voir aussi. »
Et que vous pouvez revoir ici : http://telematin.france2.fr/?page=chronique&id_article=13379
anti
« sa baba aux roms »
Jeu, set et match pour Anti.
Anna, quand t’es dans le dessert depuis trop longtemps
Le mot « demain » n’existe pas chez les Roms et chez les Indiens d’ Amérique le temps est inversé par rapport à nous. C’est toute une autre vision de la vie que ces peuplent nous proposent.
Merci.
Kikou Kathy 😉 Je suis en relecture des Voyageurs et j’écoutais cette musique en te lisant… un vrai moment de bonheur !
A bientôt m’dame !
anti