Jill Bolte Taylor, née en 1959, est une scientifique américaine, spécialisée en neuroanatomie qui a la particularité d’avoir elle-même vécu un accident vasculaire cérébral.
Les hypothèses sur le fonctionnement cérébral qu’elle en a tirées ont eu un fort retentissement et Time l’a classée comme 41e personne la plus influente du monde dans son Time 100 de mai 2008. (Source Wikipédia).
Voici un article du Figaro relayé chez LungTa :
Pour une chance, c’est une fameuse chance ! « Combien de chercheurs en neurosciences ont l’opportunité de vivre par eux-mêmes un accident vasculaire cérébral ? » Jill Bolte Taylor exulte. Elle a deux ou trois messages à faire passer, et les vingt-deux langues dans lesquelles son livre est traduit, son passage aux États-Unis dans le show d’Oprah Winfrey et le projet de film pour lequel Jodie Foster est déjà partante ne lui semblent pas de trop.
Parce que des bonnes nouvelles, il y en a. Déjà celle-ci, et c’est une neuro-anatomiste qui le dit : « L’hémisphère droit de notre cerveau est programmé pour le bonheur, la paix, la compassion. » Et celle-ci encore : « Le circuit neuronal de la colère est mobilisé durant exactement une minute et demi, après quoi la tension retombe. Libre à nous de ne pas donner suite. » Et cette autre : « La plasticité des neurones donne à chacun la possibilité de “virer à droite” et de choisir la paix et l’amour plutôt que l’affrontement. » Il ne s’agit pas là d’une déclaration de foi politique, mais d’un constat scientifique rendu possible il y a environ neuf ans, lorsque la neurobiologie s’est rendu compte que les transmetteurs du cerveau étaient en constant renouvellement.
Une synapse n’y retrouverait pas ses petits. Quel rapport avec le grave accident vasculaire cérébral (AVC) dont fut victime Jill il y a douze ans ?
Comment une longue et pénible convalescence qui l’a obligée à un corps à corps de tous les instants avec son hémisphère gauche a-t-elle pu rendre le professeur de l’Université de l’Indiana et porte-parole de la Banque des cerveaux de Harvard quasiment bouddhiste ?
Nous avons ici le fruit d’un long cheminement entre souffrance et émerveillement.
C’est le 10 décembre 1996, à 7 heures du matin, que la scientifique s’est réveillée avec une terrible douleur derrière l’œil gauche. Une bonne douche et il n’y paraîtra plus, s’est-elle dit. Oui, mais cette grande admiratrice du cerveau sentait que les cinquante milliers de milliards de cellules constituant son corps ne répondaient plus. Ses mouvements étaient saccadés, les sons déformés, l’équilibre lui manquait. Puis elle perdit peu à peu la perception en trois dimensions. Puis les informations qui étaient sa vie : s’habiller, aller au travail. Mais où se trouve ce travail ? Et comment conduit-on une voiture ? Tout cela en tentant d’analyser ce qui était en train de lui arriver. Plus tard, elle sut que son cortex moteur était atteint lorsque son bras droit refusa tout office. Mais nulle peur : en même temps, une douce euphorie la gagnait. Ce n’est qu’au terme d’un effort surhumain et au milieu d’un écroulement de neurones – son hémisphère gauche était en pleine hémorragie, mais elle l’ignorait encore – qu’elle comprit l’urgence d’appeler des secours. Mais les chiffres n’avaient plus de signification pour elle. Elle chercha, toujours en luttant contre le sentiment de béatitude qui l’envahissait, un nom qu’elle connaissait bien. Dans un éclair, elle comprit qu’elle avait un AVC. Elle compose comme un enfant le numéro de son bureau à la Banque des cerveaux. Son ami, le Dr Vincent, est au bout du fil. Jill essaie alors de bredouiller quelque chose. Mais c’est un borborygme qui sort. « Mince, on dirait un chien qui aboie », songe-t-elle, réalisant que le centre de la parole est atteint.
Le Dr Vincent comprend quand même. Quand on la transporte enfin à l’hôpital, chaque geste la fait sombrer dans un épuisement qui l’emporte dans le sommeil. Mais alors là, quelle merveille ! « Mon énergie spirituelle flottait en suspension autour de moi, telle une baleine géante dans un océan d’euphorie muette. » L’anatomiste aurait diagnostiqué : perte du cerveau gauche, qui baignait dans son sang, et donc report de toutes les sensations à travers le crible du cerveau droit.
Mais elle n’en était pas là. Commença une longue convalescence avec sa mère, qui comprenait le besoin frénétique de sa fille de dormir. Entre deux sommes, séances de rééducation. Se dresser sur son séant, tenter de comprendre ce qu’on vous dit, retrouver les mots disparus. Puis ce fut le tour des lettres. Jill dut réapprendre à lire. À conduire. À réussir un puzzle. À monter des escaliers…
Au fur et à mesure que sa vie se remettait en place – elle recommença ses conférences six mois après l’AVC – le Dr Bolte Taylor réalisa qu’elle avait une nouvelle mission à mener auprès de tout individu doté d’un cerveau : « Si mon odyssée intérieure m’a appris une chose, c’est que la quiétude est à notre portée. Il nous suffit, pour y parvenir, de faire taire la voix de notre hémisphère gauche dominant. » Cette voix compte, bavarde, évalue, suppute. Elle est capable de vous souffler les pires idées : découragement, fureur, peur. Elle nous structure aussi par le langage, la raison, la connaissance. Comment utilise-t-on alors son hémisphère droit ? Nul manuel ne nous a jamais appris le bonheur par mobilisation latéralisée de la matière grise. Jill Bolte Taylor suggère des pistes : la méditation, la création artistique, la prière.
A voir aussi : Site officiel du Dr. Jill Bolte Taylor. Voyage au-delà de mon cerveau.
anti
C’est vraiment passionnant ! Et un double merci à toi, Anti !
Merci pour cet article et merci pour le lien vers le blog de Lung Ta Zen. J’avais découvert son blog il y a un long moment, quand je cherchais certaines réponses et je n’avais pas gardé le lien ! Hop ! Dans mes flux RSS !!!
Ce qui est « rigolo » mais, finalement, n’est-ce pas un peu logique…? C’est que je retrouve dans ses commentateurs un certain nombre de bloggeurs que je lis régulièrement. La blogosphère n’est pas si grande, finalement !
Alors là, pour une experience, c’en est une ! Passionnant en effet !
une minute et demi pour la Paix. Génial§
Les effets irréversibles d’un AVC sont plus ou moins importants, selon le temps qui s’écoule avant l’intervention chirurgicale. Mon frère en a été victime, alors qu’il se trouvait en vacances à l’île d’Elbe… Il a été transporté en hélicoptère à l’Hôpital de Sienne, est resté 3 mois dans un coma profond, puis rapatrié en France en avion sanitaire. Malgré une longue rééducation, il n’a survécu que 5 ans à cette terrible épreuve, qui l’avait paralysé.