Victor Démé est un artiste burkinabè que j’ai découvert grâce au remix de VSO, le petit groupe nîmois qui monte, qui monte, qui monte, dont notre Anli chéri fait partie et pour lequel Mouayadi chéri aussi à beaucoup dansé.
Pour en savoir un peu plus sur cet artiste malheureusement disparu en 2015, voici un article de Afrike.com daté de février 2008.
Victor Démé « Underground legend in Burkina Faso »
Jouer du Blues, c’est comme être doublement noir ! clamait John Lee Hooker. Le blues, Victor Démé l’a vécu autant qu’il l’a chanté. Agé de 45 ans, il est veuf depuis 2005. Il élève trois de ses six filles dans une cour commune sans eau ni électricité, dans un faubourg rupestre de Bobo-Dioulasso, la seconde ville du Burkina Faso, un endroit ou le blues peut aisément prendre racine. Démé ne s’en cache pas : « Je n’ai jamais eu que ma guitare pour m’en sortir, et ma machine à coudre. ». Il a grandi dans une famille de l’ethnie Marka, traditionnellement des couturiers mandingues comme son propre père. « Nous sommes tous des artistes » dit-t-il simplement pour signifier que comme la musique, la couture requiert de la technique et de l’inspiration.
Sa mère, Aminata Démé, était l’une des griottes les plus célèbres de la ville, elle lui a transmis ses talents vocaux. Enfant, Démé apprend le chant auprès d’elle avant de se rebeller, de s’exiler en Cote d’Ivoire et de quitter sa tradition musulmane pour se convertir au catholicisme. Il rejoint l’atelier de couture de son père à Abidjan, et se fait baptiser sous le nom de Saïbu « Victor » Démé. Il se forge ensuite une réputation en chantant dans les clubs ivoiriens au sein du fameux orchestre Super Mandé, mené par la star Abdoulaye Diabaté. Il enregistre un premier album pour un producteur notoire, dont il préfère aujourd’hui taire le nom puisque le disque n’est jamais sorti. Puis il rentre au Burkina vers 1988 pour profiter d’un nouvel élan national. Le pays jouit alors de la dynamique insufflée par le révolutionnaire rouge Thomas Sankara, qui avant d’être assassiné en 87, a grandement œuvré pour la création artistique. Démé a 26 ans, et sa fougue musicale déborde de vigueur. Il gagne plusieurs micro-crochets, dont le concours du Centre Culturel Français de Bobo-Dioulasso organisé en partenariat avec RFI en 1989, et le premier prix de la Semaine National de La Culture, en 90 et 94. Il se fait ensuite recruter successivement par de grands orchestres, dont l’Echo de l’Africa et surtout le célèbre Suprême Comenba qui rythme les nuits de Ouagadougou. Pour gagner sa vie, il doit parfois se plier aux exigences des propriétaires des clubs et maquis en interprétant des classiques de Salif Keita, de Mory Kanté, ou des standards salsa. L’Afrique de l’Ouest a toujours embrassé la musique latine, depuis le milieu du siècle dernier. « C’était le son de nos tantes et de nos tontons. On les voyait danser pendant les soirées, ces rythmes représentaient la fête, ils sont devenus naturels pour nous. Mais outre la salsa et le griottisme, ma base reste toujours l’afro-mandingue, le blues. ». Alors que Démé est devenu un chanteur de référence dans tous le pays, la poisse s’acharne encore sur son destin : Atteint d’un virus grave qui lui ronge les gencives (le « bamba demi »), il devra s’arrêter de chanter pendant deux ans, avant même d’avoir pu déposer sur un album les chansons ayant forgé sa réputation dans l’underground. « À l’époque, il existait un seul studio d’enregistrement professionnel au Burkina, le studio Seydoni à Ouagadougou qui appartient à l’état, et qui coûte plusieurs dizaines de milliers de CFA par jour. Je n’ai jamais rencontré les bonnes personnes pour m’y inviter. Ensuite, quand la maladie m’est tombée dessus, j’ai cru qu’il était trop tard, que ma chance était passée. Alors je me suis remis à la couture. »
En 2004, Démé se lie d’amitié avec Camille Louvel, le regisseur du OuagaJungle, un maquis associatif de Ouagadougou ou s’organise quelques concerts. Deux plus tard, ils décident ensemble d’enregistrer un album dans le modeste studio de la residence d’artistes a Ouagadougou. Il s’agit simplement de deux pièces séparées par un pare-brise de camion et équipées d’une vieille console 16 pistes. Mais le manque de moyen n’effraie pas les deux complices, qui se rappellent que certains de leurs disques préférés ont aussi été conçus dans des conditions rudimentaires, tel « Niafunké » d’Ali Farka Touré en Afrique ou « The Headphone Masterpiece » de Cody Chesnutt aux Etats-Unis. Démé enregistre donc un premier album, loin des modes coupé-décalés qui submergent actuellement les radios et les clubs au Burkina.
Son disque offre une mosaïque singulière de folk-blues poignant, de petites romances mandingues intimistes, et d’influences latines, salsa et flamenco. « Burkina Mousso » est un hommage à toutes les femmes burkinabés « ayant construit ce pays de leurs mains » comme le chante Démé. Ses textes appellent à la solidarité nationale (« Peuple burkinabé »), prônent la tolérance envers son prochain (« Djomaya »), et tissent des hymnes à la grâce féminine (« Sabu »). Le tracklisting s’achève avec deux titres de Djourou Bambara, la musique traditionnelle de la région. Après l’enregistrement du disque, ses récents concerts au Centre Culturel Français et dans les grands maquis de Ouagadougou ont prouvé que le public Burkinabé ne l’avait pas oublié. Démé déclare aujourd’hui : « Je ne pensais pas pouvoir renaître ainsi musicalement. ». Avec une partie de l’avance qu’il a reçue pour ce disque, il s’est acheté une nouvelle guitare. Et une nouvelle machine à coudre.
Très belle journée à toutes et à tous,
Anti
Tout ce que j’aime. On est loin du show bizz juste dans l’authenticité, essence même du blues.
Merci.
Croyez en vous les petits nîmois!
Oui, un magnifique artiste, dont j’aime également beaucoup les créations et leur interprétation.