Découverte de ces derniers jours et vrai coup de cœur pour cette chanson, Ehn Deïss, très rock progressif à mes oreilles, interprétée divinement pars Christian Vander lors du dernier concert de Magma à l’Olympia le 3 février dernier.
L’occasion pour moi d’en apprendre un peu plus sur ce musicien qui a su traverser les époques, en lisant cet article : Offering, groupe mal aimé, signé Jérôme Schmidt.
« Nous sommes en 1983, et après déjà quatorze ans d’existence passionnée du mythique groupe Magma, son fondateur démiurge, Christian Vander, décide d’abandonner provisoirement sa formation électrique pour se tourner vers des expérimentations plus acoustiques, plus introspectives aussi, au sein d’un nouveau groupe à géométrie variable, OFFERING.
Cette formation au nom directement coltranien est née de la volonté d’expérimenter quelque chose de neuf, de mettre plus en avant les qualités indéniables de vocalistes de Christian Vander (chantant jusque là uniquement sur « Hhaï » avec MAGMA) et aussi de retourner vers une sorte de dépouillement acoustique, tout en laissant une part grande aux voix. Après la période « funky » de MAGMA qui a laissé peu de bons souvenirs, OFFERING s’attaque à ses premiers concerts en Octobre 1983 lors de soirées consécutives aux Forum des Halles à Paris. Selon Christian Vander, le résultat était désastreux car il devait chanter trois heures d’affilée, chose à laquelle il n’avait jamais été confronté auparavant. En effet, durant ces 180 minutes qui, au vu des bandes de ces concerts, semblent pourtant de la meilleure facture, on retrouve un nouveau répertoire qui avait été testé lors des tournées Magma précédentes : Joïa, Another Day (morceau de 45 minutes), etc… mais surtout des versions transcendées par cette formation incandescente qui rend bien pâles les concerts de 82 et 83 de Magma. On retrouve alors ainsi Ehn Deïss, Coltrane Sundïa, et la totalité des morceaux du premier album de Offering (« I & II »). S’ensuivent alors de longues tournées incessantes où le line up change (René Garber et Abdoul M’Boup partent, Pierre Marcault, Isabelle Feuillebois en 1987, Emmanuel Borghi, Pierre-Michel Sivadier et d’autres arrivent) et voit l’émergence de nouveaux talents comme Simon Goubert, tour à tour aux claviers dans Offering et à la batterie dans des contextes jazz – par exemple dans son quintet et en tant que sideman réputé, et dans le septet Welcome avec Vander (1995).
Après la sortie de MERCI, on ne donnait pourtant pas cher du noyau Magma, mais Christian Vander renoue avec un succès musical au moins avec Offering I & II. Les résultats seront moins concluants en 1990 avec la sortie de Offering III & IV, où la version de Another Day n’est pas de la même intensité que celles jouées en concert. Offering, groupe mal-aimé est né.
En effet, l’accueil de la presse musicale est plutôt froid quant à cette formation et le deuxième album ne fait qu’en rajouter : y aurait-il une panne créatrice après tant d’années de folle activité ? Pourtant, rétrospectivement, ce jugement semble bien sévère et on ne peut dénier les qualités rythmiques et vocales d’Offering, et ce de 1983 à 1995, année où le groupe cesse de se produire régulièrement. Le long de ces douze années, des concerts superbes, des longueurs aussi mais comme le dit Christian Vander lui-même, Offering est différent de Magma qui « déplace la musique de toute façon » car il laisse plus de place à l’improvisation et peut créer des moments magiques, et aussi des pertes de vitesse momentanées. A l’écoute des bandes de concerts, on s’énervera d’ailleurs qu’à chaque concert le public demande Magma ou « Mekanïk! » quand la musique d’Offering se fait plus douce, plus intimiste et introvertie aussi. L’inadéquation de cette musique à une partie du public de Magma est sans aucun doute la raison de ce relatif désintéressement pour ce groupe qui, une fois de plus, a dû « passer en force » et tourner des mois entiers à la reconquête d’un public. Dommage car c’est peut-être la formation où Vander semble le plus à l’aise, le plus épanoui aussi.
En 1993 paraît « A FIIEH », album clé de l’évolution harmonique de Vander qui le long de sept plages incandescentes remet les pendules à l’heure : des compositions magnifiques, une exécution des morceaux brillante, un son parfait (contrairement à « III & IV »), des trouvailles géniales. Cet album, résultat de morceaux joués sur scène depuis longtemps déjà, permet à Offering d’amorcer son public vers le tournant que doit être « Les Cygnes et Les Corbeaux », prévu pour 1996 puis 97, puis 98 ! A l’instar de pas mal de compositions tant attendues (« ZESS », « AETERNA », …), ce morceau a vu ses formes varier plusieurs fois, et d’une formation Offering pour l’enregistrer on est passé à une œuvre de Christian Vander en solo avec des musiciens intervenant ponctuellement. En tout cas c’est une œuvre très attendue tant les extraits déjà entendus sont puissants et rappellent le Magma de la meilleure époque, celui de Köhntarkösz. D’ailleurs, cette composition de 40 à 50 minutes est planifiée pour être jouée sur scène avec la nouvelle formation Magma.
Pour faire attendre son public, Seventh Records vient d’exhumer de ses coffres riches en bandes inédites un concert de 1987 d’Offering, au théâtre du Déjazet. A la seule lecture de la pochette on aura compris que l’on n’a pas affaire à un de ces énièmes enregistrements des mêmes titres : ici pas de redite et si l’on a quand même des versions de titres déjà connus (Joïa, Another Day, A Fïieh), ces titres sont littéralement transcendés par l’instant, par le feu tout puissant de ces concerts aux ambiances improbables et parfaites. Après une introduction sous la forme du Lohengrin de Wagner, la reprise d’un titre de Coltrane avec la voix de Stella Vander place d’emblée la barre très haut. Retour ensuite à l’intimisme magique de A Fïieh puis peut-être le plus beau titre de ces deux Cds, « Les Anges », un inédit de 8 minutes où le dialogue vocal de Christian et Stella Vander prend toute sa dimension et nous démontre – si l’on n’en était pas encore convaincu – que l’on a devant nous deux des plus belles voix de la scène française, des voix personnelles, humaines, pleines d’émotions. S’ensuivent d’autres inédits (« Antra », « Les Cygnes », « Solitude », un chorus de batterie) et pour tout finir une reprise, là aussi très personnelle, d’un titre de Pharoah Sanders. En tout, 155 minutes de musique folle, sans aucune longueur, avec un Pierre Marcault dont le travail aux percussions – fortement teintées de sonorités africaines – laisse rêveur, des voix fluides et épurées (Christian & Stella Vander, Isabelle Feuillebois, Sandrine Fougères), des pianos coltraniens (Emmanuel Borghi, Simon Goubert) et des rythmiques foisonnantes et ternaires (JC Buire, Jean-Marc Jafet, Fréderic Briet, Marc Delouya). Alors laissez-vous conquérir par cette musique intacte, préservée des imperfections et des impuretés, fruit de ce moment magique d’un soir, d’un lieu, d’un public et d’un groupe en pleine forme.
En prélude au disque, on peut lire : « nous n’avons pas oublié ces belles années passées, présentes et à venir ». Nous non plus. »
Excellente journée à tous,
Anti
J’ai vu une fois un concert Offering, à Toulouse il me semble. C’était un très beau moment.
Offering a toute sa place dans la galaxie de Monsieur Vander, je l’avoue je ne peux être complétement objectif.
Les longues plages d’improvisation sont une douce vague de bien être pour celui qui sait s’étendre sur le sable musical.