Dans un article récent publié sur le site de la FLAC , David Joly analysait le bilan comptable 2015 de la SAS Plateau de Valras, la société dirigée par Robert Margé, organisatrice des corridas de Béziers. Il apparaissait que Margé, non seulement continuait à s’auto-appliquer en toute illégalité un taux de TVA réduit en dépit d’une condamnation précédente, mais n’avait versé qu’en 2014 la somme exigée par le fisc lors de son redressement de 2012. Margé avait à l’époque revendiqué cette fraude comme étant un acte militant. Pour lui, la corrida étant un fait culturel et un « spectacle vivant » (quoi qu’en pensent les taureaux qui y sont torturés et tués), elle relève d’une TVA à taux réduit (5,5%) et non à taux plein (19,6%, puis 20%).
Le prétexte invoqué par Margé – et d’autres, tels que Simon Casas ou les frères Jalabert – en était que la corrida était alors inscrite à l’inventaire du patrimoine culturel immatériel (PCI) de la France. Or, les services fiscaux, contactés dès 2011, ont toujours affirmé sans ambigüité que ce classement symbolique n’a jamais eu aucune incidence fiscale et que les courses de taureaux sont et restent soumises à la TVA à taux plein. Ils ont également toujours rejeté la qualification de « spectacle vivant » revendiquée pour les corridas.
Margé n’en avait tenu aucun compte, utilisant lors des années suivantes le même taux réduit, ce qui lui permettait de présenter des comptes faussement à l’équilibre, alors qu’ils dégageaient en réalité une perte croissante de plusieurs centaines de milliers d’euros qui auraient dû mettre son entreprise en liquidation. En 2015, Margé applique enfin le taux de TVA normal. Il ne rembourse pas pour autant le différentiel impayé des années précédentes. Le prétexte culturel a disparu, la corrida ayant été radiée du PCI en juin 2015, décision que le Conseil d’État a refusé de remettre en cause en juillet 2016 malgré un recours en cassation non suspensif de l’ONCT et de l’UVTF, qui ont été déboutés.
La stratégie de Margé pour repousser le plus loin possible les remboursements exigés par le fisc courant 2012 a été de déposer un recours devant le tribunal administratif de Montpellier (TAM). En octobre 2014, le TAM rejetait sa demande de « décharge des rappels de TVA » et la presse régionale annonçait peu après qu’il venait de faire un chèque de 240 000 euros au Trésor public. Comme l’a établi David Joly, Margé a cependant continué à s’octroyer une TVA réduite, dont il savait pertinemment qu’elle était illégale, de 2012 à 2014 inclus. Mieux (ou pire, si on a un minimum de sens moral), il a fait appel de la décision du tribunal. Précisons au passage que les jugements administratifs sont exécutoires de droit, ce qui veut dire que l’appel n’est pas suspensif, à la différence des appels devant la juridiction judiciaire. Le fait pour Margé de se pourvoir en appel ne le dispensait donc pas de payer tout ce qu’il devait. Ce qu’il a fait pour le redressement concernant 2009-2011, mais pas pour les années suivantes.
Selon une source proche du dossier, les différents maires de Béziers et députés des circonscriptions correspondantes ont été en permanence tenus informés de cette fraude, revendiquée puis renouvelée malgré le premier redressement et le rejet de son pourvoi devant le TAM, et toujours pas soldée à ce jour auprès des services fiscaux – ce qui représente plus de 600 000 euros cumulés, hors pénalités éventuelles. Notons à ce sujet que les arènes appartiennent à une société privée qui les loue à la ville, qui les sous-loue à l’organisateur (Margé) selon les termes d’une délégation de service public (DSP). Dans quelles autres conditions financières ? Il est, rappelons-le, très marginal pour une municipalité de pouvoir subventionner un délégataire, mais rien ne l’empêche d’alléger ses frais sous des formes plus occultes. Par exemple, en faisant apposer son logo sur les billets en échange d’une somme conséquente.
En conclusion, en dehors de son redressement pour la période 2009-2011, Margé reste devoir le différentiel de TVA non versé pour 2012, 2013 (années redressées, mais pas remboursées), et 2014 (cette dernière année n’ayant toujours pas été examinée par l’administration fiscale malgré le signalement fait par nos soins). Au total, cela représente une fraude de 607 000 euros qui n’a toujours pas été remboursée.
Qu’attendent donc les services fiscaux pour récupérer ce qui leur est dû ? Et qu’attendra donc ensuite le tribunal de commerce de Béziers pour mettre la société de Margé en liquidation en raison de son déficit abyssal cumulé depuis plus de 5 ans ?
Roger Lahana
Secrétaire fédéral de la FLAC