Il y a un an, jour pour jour, Will se faisait opérer et était sauvé. Aujourd’hui, c’est une histoire triste que je vais vous raconter, banalement triste.
8 h 40 – Jeudi matin, j’émerge doucement en buvant mon troisième café. Comme chaque matin, j’allume mon téléphone pour prendre connaissance de mes mails et commencer à organiser ma journée entre demande de devis, commandes, choses diverses en cours. Là, je vois un appel entrant. Je décroche : on me signale un chat, semble-t-il en difficulté, sur une route qui jouxte le CHU, autant dire pas loin de chez nous. La pauvre bête aurait « quelque chose » qui sort de son corps. Sur le coup, je pense à un prolapsus intestinal. Il faut agir sans tarder.
9 h 30 – Je saute dans mes fringues, prends le matériel nécessaire (dont une trappe) et file sur les lieux. Là, un petit chat est allongé sous les lauriers roses. Malgré une masse qui sort de son arrière-train, son regard est vif. En quelques minutes, il est dans le piège. L’odeur qui se dégage de ce petit corps est très forte, je prie pour qu’il n’y ait pas de nécrose. J’appelle une de nos vétérinaires qui, vu la description que je lui fais, me recommande deux cliniques. Je décide de l’emmener à Montpellier, ce n’est pas le plus proche, mais ils ont des vétérinaires spécialisés dans presque tous les domaines et je m’accroche à ce regard qui ne semble pas être celui d’un chat mourant. Dieu sait que parfois on sait qu’on emmène un animal chez le vétérinaire avec pour seule option celle d’abréger ses souffrances, mais là, j’y crois.
10 h – On prend la route pour la clinique. Une heure plus tard, on arrive enfin. Le chat est pris en charge. Il faut donner un nom pour le dossier et je trouve ça bien. Ces animaux qui vivent à la rue, dès lors qu’on les croise, il faut leur donner un nom pour qu’ils ne soient plus un des chats anonymes* dont tout le monde se fout et se contrefout ! Sur la route, il y avait un immeuble baptisé « Cathare ». C’est ce nom qui me vient en premier à l’esprit. « Cat are ». Oui, les chats sont. Ils existent ! Ce sont des êtres sensibles dont nous devons prendre soin !
On nous fait signer un devis. Tenter de sauver ce minou coûtera entre 400 et 500 €. Ben oui, je ne cesse de le répéter : « Sauver des vies, ça n’a pas de prix, ça a un coût. » On accepte, on verra plus tard comment trouver le financement, car je sais que l’association des Chats Libres de Nîmes Agglo est dans le rouge et peine déjà à régler les factures depuis quelque temps. On trouvera de l’aide, à commencer par la personne qui a fait le signalement, qui l’a promis. De toute façon, on n’a pas le temps, vu l’urgence, de chercher une solution avant d’intervenir.
11 h – Le minou est entre de bonnes mains. On reprend la route pour la maison. Ce matin, Angbhor passait sa première épreuve de bac et Fifille une nouvelle épreuve de CAP… Heureusement qu’Anna était là pour les accompagner.
12 h 30 – On mange. Je trie mes mails en retard, réponds à plusieurs appels. Téléphone : c’est la clinique. Le petit chat est une petite chatte. Elle ne souffrait pas d’un prolapsus anal, mais d’un prolapsus de l’utérus… Je n’avais vu qu’une partie de la masse qui était sortie de son corps. Pauvre petite mère… 1,8 kg… Elle doit être toute jeune. Voilà ce qui arrive quand on jette ou laisse errer – c’est la même chose – les chatons que l’on n’a pas empêché de venir au monde parce qu’on ne prend pas ses responsabilités et qu’on ne fait pas stériliser ses animaux ! Vous qui laisser vos animaux se reproduire, vous êtes des criminels ! Voilà ce qui arrive ! Les chaleurs commencent vers 4 – 6 mois chez les chattes, vous imaginez les conséquences si elles sont prises si jeunes, ce qui arrive immanquablement quand elles sont à la rue. Eh bien elles meurent, la plupart du temps, dans des souffrances indicibles parce que leur petit corps n’est pas adapté à porter des petits.
14 h 30 – Je vais déposer des sous sur le compte de l’asso et faire une course.
15 h 30 – Je repars pour Montpellier.
16 h 30 – Arrivée à la clinique. J’attends 30‘ pour voir le vétérinaire. La petite « Catare » a été opérée. Elle devrait se remettre sauf si complication, notamment une septicémie. On n’a pas fait plus d’investigation, faute de moyens financiers. Retour dans la salle d’attente. 15’ plus tard, on me remet la Chouquette. Elle est encore shootée, car elle souffrait tellement à son arrivée qu’elle a été mise sous morphine. Cela fait plaisir de la voir allongée, sans signe de douleur, sans cette masse qui la gênait et la faisait tellement souffrir depuis plusieurs jours si on en croit les observations des vétérinaires. 20’ après, j’ai enfin réglé les questions administratives et peux reprendre la route. As usual, mon portable n’a plus de batterie, je sens que la sortie de Montpellier va être gratinée sans mon GPS…
17 h 45 – On reprend la route, direction Nîmes. Je me paume, comme prévu… finalement, nous serons de retour à 19 h 15. Pendant le trajet, je pense à ce que je dois faire en rentrant : installer la cage de soins, passer des coups de fil, finir impérativement un projet en cours, changer mon planning de la semaine prochaine, car la Miss doit suivre un traitement médical et il n’y a que moi qui puisse lui donner… et je lui cherche un autre nom. M’z’elle Chance. Ça me plaît bien. Petit fille, ton calvaire a pris fin.
19 h 15 – J’installe la micro Chance dans son nouvel appartement. Elle est encore complètement shootée. Je tente de la caresser (elle a mordu la véto le matin). Elle est interloquée puis se laisse aller. Elle ne ronronne pas, il ne faut pas pousser, mais elle pose sa tête dans ma main. Petite fille, on va te remettre sur patte et te trouver une famille qui s’occupera bien de toi.
J’appelle les personnes qui m’ont signalé sa présence ce matin pour les rassurer. Ils sont soulagés. Je leur parle de trouver un nom, ils aimeraient bien « Zouzou » qui était le chat noir d’une tante, un souvenir d’enfance. Pas de souci. Chez nous, tous nos chats ont un nom et des surnoms.
La journée est terminée et j’ai le sentiment de n’avoir rien fait. Quand je dis ça à Jenö, adorable Jenö qui pourrait être mon grand-père, il me dit de sa voix douce à l’accent slave prononcé : « Ne dis pas ça Stéphanie, tu ne peux pas dire que tu n’as rien fait ! Ce que tu as fait aujourd’hui demandait beaucoup d’efforts, nerveux et émotionnels. Maintenant, tu dois te reposer, car même si la tâche est noble, ton corps est épuisé. »
23 h 30 – Après une soirée que je n’ai pas vu passer, nous allons nous coucher. M’z’elle Chance / Zouzou s’est déplacée un peu dans la cage pour s’installer sur le coussin tout moelleux que j’ai mis à sa disposition.
Vendredi 6 h 50 – J’ouvre les yeux. Premier réflexe : je saute du lit pour voir comment va M’z’elle Chance. Son corps gît, raide. Mademoiselle Chance est morte. Mon cœur est en miettes. Je préviens les personne qui me l’avait signalée, de son décès. Ils ont un grand terrain, on pourra l’enterrer chez eux. Un grand merci pour elle, pour tout.
Rendez-vous est pris pour 10 h 30. Adieu petite « Zouzou ». C’est certes une consolation que celle de pouvoir se dire que tu es morte sans plus souffrir et entourée d’amour, c’est mieux que d’agoniser sous un arbuste, mais je me sens coupable… Dans ma tête, j’entends les premiers mots de la chanson de Johnny « Pardon »…
« Pardon
Je viens vous demander
Pardon pour tous les hommes
Qui n’ont jamais appris
Le verbe aimer
Qui n’ont jamais compris
La force de l’amour
La beauté de la vie »
Anti
* A lire : « La rue a bien un nom« , in « Le peuple de l’ombre – Les aventures humaines et félines des Chats Libres de Nîmes Agglo« , par l’association Les Chats Libres de Nïmes Agglo. Préface de Liliane Sujanszky. Textes de bénévoles de l’association et de Roger Lahana, Henry-Jean Servat, Catherine Velle. Numéro ISBN : 978-2-36782-017-0. ISSN : 2271 – 2682. Coll. « Être sensible ». 115 pages. Nombreuses photos.
Une histoire comme il y en a hélas plein et encore, sans compter toutes ces pauvres créatures qui agonisent et meurent quelque part dans une cachette où personne ne les voit… Oui, il y a un humain criminel derrière cette mort, comme derrière toutes celles des chats des rues, laissés à l’abandon donc à l’enfer. Heureusement qu’il y a aussi des humains – trop peu nombreux – pour toujours tout faire pour sortir ces petites victimes de là, même si parfois trop tard…
Il nous reste tant à faire pour que les mentalités évoluent et que la souffrance, surtout la souffrance qui pourrait être si facilement évitée, régresse. Stériliser, avoir le courage d’abandonner son/ses animal/aux dans des refuges et non dans la pampa (on préfère être un délinquant plutôt que d’assumer sa honte) seraient déjà un grand pas en avant, faire en sorte aussi que les lois et peines prévues soient appliquées et sévèrement encore ! L’abandon d’un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité, à l’exception des animaux destinés au repeuplement, est tout de même puni – dans les textes – de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.
Depuis hier, je relis, re-relis et re-re-relis les mots que m’a écrits Marie-Pierre (fondatrice et vétérinaire de Goupil Connexion – Hôpital Faune Sauvage qui fait tellement de choses formidables) et qui font du bien : « mais même si…
on aura fait tout ce qu’il fallait faire, notre conscience est en paix
à nous tous. Car après toute une équipe de jeunes trop sympathiques va les soigner [les animaux], les dorloter les aimer et les soutenir et en plus on aura la parole pour expliquer pourquoi plus jamais tout cela. »
Tu as fait tout ce qui était en ton pouvoir Anti
, pov tite Zouzou ta vie a été trop courte , bon voyage au paradis des animaux.
Je viens de lire cette histoire immensément triste et j’ai le Coeur en miettes comme vous ☹☹ merci beaucoup Stéphanie d’avoir tenté de la sauver …..grâce á vous , elle n’est pas partie seule et dans l’indifférence ☹☹☹ si notre monde était rempli de personnes telles que vous , ce serait le paradis …..que cette minette repose en paix
Tristesse et désolation..
Tant de souffrances qui pourraient être évitées si chacun prenait ses responsabilités… Un rêve, l’humain est l’animal le plus irresponsable qui peuple la terre. Depuis que l’homme est homme il n’a cessé de détruire, de modifier la nature, de domestiquer des animaux, les rendant dépendants de lui, pour mieux les abandonner, les martyriser, les utiliser…
Pauvre victime de l’horreur humaine.
Repose en paix Zouzou, au moins tu auras été aimée une journée et ton souvenir restera, seule maigre consolation…
Merci Anti, pour Zouzou et tous les autres. Courage
Tristesse, colère. Quel gâchis. De tout coeur avec vous et la petite minette qui n’aurait jamais dû se retrouver en cloque si jeune.
Est-ce si cher de faire stériliser une chatte ou castrer un matou?
Merci les filles pour votre présence.
Isa, coiffeuse à domicile, est passée voir Dorian cette semaine et nous a raconté, effarée, l’histoire d’une de ses clientes qui laisse sa chatte avoir portée sur portée et laisse les petits ensuite « vivre leur vie »… dans la nature… où ils vont soit mourir soit se reproduire… Que faire devant tant de désinvolte bêtise ? Essayer de trouver qqn de calme qui pourrait lui parler et lui demander de faire stériliser sa chatte dont elle se fout éperdument, qui vit dans le jardin sans pouvoir avoir accès à la maison ? Déposer plainte pour abandon ? Quelles preuves ? Qui le ferait ? Lui voler sa chatte ? Elle en prendrait peut-être une autre, en plus de commettre un délit… Seule une loi rendant la stérilisation obligatoire pourra enrayer le phénomène et réduire, petit à petit, la souffrance des animaux domestiques.
Je ne crois pas que sa minette soit identifiée non plus. Solution anormale et injuste financièrement parlant serait de la stériliser, et remettre sur site comme chatte libre. Seulement si la discussion ne fonctionne vraiment pas.