Les plus cultivés d’entre vous en vocabulaire papal le savent probablement déjà, mais j’avoue sans honte que j’en ignorais tout : non seulement les papes font des bulles, mais en plus ils les fulminent. J’ai découvert cette intrigante expression un peu par hasard hier soir en jetant un coup d’œil sur l’éphéméride du 20 janvier dans Wikipedia – vous savez, tout ce qui s’est passé tel ou tel jour de l’année, des débuts de l’Histoire à nos jours.
Et voilà t-y pas que, au milieu de dizaines de faits plus ou moins inintéressants, je tombe sur cette info bouleversante :
« 20 janvier 1309 : dans la bulle Vita perennis gloria, fulminée ce jour, le pape Clément V reconnaît le caractère authentique des reliques de Saint-Gaudens ».
Ainsi donc, il y a très exactement 706 ans, dans sa grande infaillibilité, un pape fulmina une bulle. Dit comme ça, avouez que ça interloque. Pourquoi fulmine-t-il, ce pape ?
Est-il très énervé en écrivant un texte rageur, ponctué de grands mouvements de menton ou de coups de poing sur la table, voire de « et toc » (ou du moins la version latine de cette expression onomatopesque que je ne m’aventurerai pas à traduire) ? Une hypothèse pas si loufoque lorsqu’on sait que ce pape, de son vrai nom Bertrand de Got, était le premier des sept à avoir siégé à Avignon parce que ça le gavait de déménager à Rome (je n’invente rien). C’est dire s’il n’en faisait qu’à sa tête.
Mais je digresse, revenons au sujet. Pour commencer, pourquoi appelle-t-on cela une bulle ? Au départ, une bulle, c’est un globule, une boule légère. Rien à voir avec une déclaration solennelle en latin, retranscrite sur parchemin ou, plus récemment, sur papier relié, autrement dit un document qui, par sa forme, ne ressemble en rien à une bulle comme aime à en faire tout savon digne de ce nom quand il est mouillé.
Sauf que le dictionnaire de l’Académie française nous apprend qu’une bulle, c’est aussi un sceau ou un cachet de forme ronde (c’est de là que vient le rapport avec une bulle sphérique). Et le pape, lorsqu’il rédige ses pensées théologiques sur tel ou tel thème qu’il choisit de traiter, va authentifier son décret par un sceau. Sceau qui dégage force fumée au moment où la cire est chauffée pour recevoir le motif en relief qui va la marquer.
Fulminer la bulle, ça veut simplement dire faire chauffer la cire. Pensez-y la prochaine fois que vous vous épilerez.
Voilà, vous savez tout ce que je sais sur le sujet. Vous pouvez reprendre vos autres activités. Et si elles vous font trop fulminer, vous pourrez toujours vous détendre en la coinçant, la bulle.
Très belle journée à vous
Illustrations : (1) le pape Clément V papote avec des potes, (2) le sceau de Clément V fulminé juste à point.
Je me régale Anna de tes explications.
Et je fulmine dans mon coin au point que je fais des bulles. ☺
Aaaaaaah je savais que ça te plairait, ce genre de note 🙂
Moi aussi j’adore écrire sur ce type de sujet ^^
L’étymologie est une inépuisable mine d’or.
Quid de » coincer la bulle » ?
Oui, on attend « coincer la bulle ».
Ce n’est pas seulement l’étymologie qui est intéressante, mais particulièrement l’humour pour l’expliquer. ☺
« Coincer la bulle » est une expression humoristique par elle-même. Je crois que cela fait juste allusion à la bulle d’un niveau à bulle : quand elle ne bouge plus, c’est que le niveau à bulle ne bouge plus non plus, autrement dit qu’il est au repos, immobile. Faire de l’humour est bien plus drôle quand on part d’une expression mystérieuse !
Voir par exemple l’article sur « belle lurette » ici : http://www.annagaloreleblog.com/2012/01/09/a-la-recherche-de-la-belle-lurette/
🙂
Excellente note. Pour continuer avec les mots : http://www.annagaloreleblog.com/2015/01/21/le-saviez-vous-2/
ça me rappelle un pseudo moi… 😉
Un monde toutes ces expressions. C’est un peu comme si on faisait de l’archéologie dans la langue et qu’on découvre des trésors dans le sens des mots repris.
ça me rappelle un pseudo moi… 😉
Ah oui. Mais en fait, il venait de « Fulmicoton » : (Chimie) Substance explosive qu’on obtient par l’action de l’acide nitrique concentré sur du coton cardé.