Alors que j’allais acheter trois bricoles à Intermarché, on ne parlait sur France Info que de l’arrimage réussi du robot européen Philae sur la comète Tchouri (c’est son petit nom), à environ 500 millions de kilomètres de nous, après un trajet de plusieurs milliards de kilomètres qui a duré dix ans – dans l’espace, la trajectoire optimale pour aller d’un point à un autre n’est jamais la ligne droite.
Pourquoi cet intérêt à se poser sur une comète, au-delà de l’exploit technique ? Parce que l’une des hypothèses de l’apparition de l’eau sur Terre, et donc de la vie sous toutes ses formes, est qu’elle a été apportée il y a plus de quatre milliards d’années sur notre globe en fusion par des comètes qui se sont écrasées à sa surface. Des comètes formées d’eau gelée, bien sûr, et qui proviennent de l’une des ceintures d’astéroïdes qui tournent autour du Soleil quelque part entre Neptune et Pluton (qu’on a longtemps pris pour une planète à part entière mais qui fait partie de la ceinture en question), voire même du mystérieux nuage d’Oort, mille fois plus éloigné et dont l’existence est encore incertaine.
Si cette théorie de l’arrivée de l’eau sur Terre grâce à des corps étrangers est vraie, alors nous pouvons dire que tous nos océans, nos mers, nos lacs, nos glaciers, nos rivières et nos nuages sont d’origine extra-terrestre. Et toutes les formes de vie que compte notre planète n’ont pu se développer que grâce à cette eau, arrivée des confins de l’Univers. Ne cherchez plus E.T., c’est chacun d’entre nous.
Avant de reprendre ma voiture, j’ai admiré le ciel où des nuages peut-être venus jusque-là grâce à des comètes formaient un décor magnifique en s’illuminant sous les rayons du soleil couchant, notre plus proche étoile et autre élément fondamental de l’existence de formes de vie sur notre globe, pas seulement parce qu’il nous réchauffe mais parce que notre monde est fait d’accrétions projetées hors de sa surface il y a plus de quatre milliards d’années et lentement refroidies. La vie… de la terre et de l’eau, de la poussière d’étoile avec des glaçons…
Très belle journée à vous
VERTIGINEUX.
Cela se confirme de plus en plus : nous sommes de la poussière d’étoile et c’est prodigieux.
En fait, il y a plusieurs niveaux dans lesquels les comètes ont pu contribuer à la vie sur terre.
1) Apporter de l’eau. L’eau qui était présente à la formation de la terre s’est évaporée, mais heureusement, il en est arrivé ensuite, lorsque la terre avait refroidi. Il est certain que des comètes ont apporté de l’eau sur terre, par contre, il reste à déterminer dans quelles proportions par rapport à d’autres sources (météorites et dégazage du magma terrestre). Philae devrait aider à répondre à cette question : si la proportion de deuterium dans l’eau de la comète correspond à celle que l’on a dans nos océans, alors, c’est probablement des comètes qui ont majoritairement apporté l’eau actuellement présente à la surface de la terre. Certaines études ne plaident pas en faveur de cette hypothèse, mais elles concernent des comètes à longue période, et non à courte période.
2) Apporter des matières organiques qui ont pu servir de briques à des formes primitives de vie à la surface des océans. On sait déjà qu’il y a des acides aminés dans des comètes. Philae devrait analyser la comète avec les moyens du bord (hélas, pas d’apport d’échantillons sur terre) et compléter les connaissances sur leur composition. Pour le moment, on ne sait pas comment la vie est apparue, cela peut effectivement être à la surface des océans avec des molécules venant de comètes, ou d’une autre façon, par exemple, au fond des océans, près des fumeurs noirs.
3) Apporter la vie elle-même. C’est la théorie de la panspermie : des micro-organismes ou des spores se baladeraient dans l’espace par le biais de comètes et de météorites. Lorsqu’ils arrivent sur une planète favorable, ils l’ensemencent et y installent la vie. La planète Mars est devenue habitable avant la terre, avant de cesser de l’être. On pense donc que la vie a pu apparaître sur Mars avant la Terre, puis arriver chez nous par le biais de météorites. Ensuite la vie a disparu sur Mars mais s’est développée sur terre. Ainsi nous serions des descendants de martiens. C’est une hypothèse très spéculative. Il est certains que des organismes peuvent survivre dans l’espace (pas seulement des micro-organismes, les tardigradres résistent aussi à l’espace), mais la principale difficulté serait d’arriver à survivre à la rentrée dans l’atmosphère terrestre.
Quelques remarques personnelles : la présence d’eau n’est pas, en soi, quelque chose de surprenant. On en trouve couramment dans le système solaire. Les matières organiques ne semblent pas rares non plus. La difficulté est d’avoir de l’eau à l’état liquide, la prouesse de la terre est d’être restée habitable pendant une période prolongée.
L’apparition de la vie ne serait pas non plus miraculeuse. Sur terre, la vie est arrivée rapidement, dès que les conditions sont devenues favorables, ce qui semblerait indiquer une apparition facile (il faut bien sûr rester prudent car il est hasardeux de généraliser à partir d’un seul cas). Par contre, il a fallu presque 2 milliards d’années supplémentaires pour voir apparaître des eucaryotes et il y a des raisons théoriques de penser que le passage procaryote/eucaryote est très difficile.
Les micro-organismes simples sont couramment capables de résister à des conditions extrêmes, par contre, le maintien d’un système avec des organismes complexes est fragile. Donc certaines personnes pensent que la vie simple (procaryote) serait abondante dans l’univers mais que la vie avec des formes complexes (comme l’on a sur terre) serait elle par contre tout à fait exceptionnelle.
Merci pour cette mise en perspective passionnante !
Il est, en effet, très excitant de voir régulièrement apparaître de nouveaux indices de la banalisation de la vie dans l’univers, même s’il s’agirait le plus souvent de formes extrêmement simples d’organismes. La théorie de la panspermie implique, en effet, que les plus modestes constituants du vivant sont non seulement fréquents mais ont dû diffuser partout où le hasard des trajectoires et celui des conditions favorables à leur colonisation se sont conjugués.
Et avec cent milliards de galaxies (peut-être beaucoup plus) elles-mêmes composées de centaines de milliards d’étoiles, de telles conjonctions ont dû se produire une quantité innombrable de fois tout au long des presque 14 milliards d’années écoulées depuis le Big Bang.
On lit souvent la question « Sommes-nous seuls dans l’univers ? », ou « L’univers est-il habité ? », mais il est généralement mal précisé ce que l’on entend par « seuls » ou « habité ».
Si on s’intéresse à la vie sous des formes très simples, il est possible (quoique pas sûr) qu’elle apparaisse assez facilement et rapidement dès que les conditions sont favorables. Auquel cas elle serait très dense dans l’univers, partout où il y a de l’eau à l’état liquide, il pourrait y avoir de la vie simple (procaryote). Rien que dans le système solaire, il y aurait de la vie, outre sur Terre, peut-être dans les océans souterrains de diverses lunes de Jupiter et Saturne, et il y aurait eu de la vie sur Vénus et Mars à l’époque où elles avaient de l’eau liquide à la surface. Donc l’univers grouillerait de vie.
Si on s’intéresse à la question « Y a-t-il des planètes qui ont vu apparaître une forme de vie intelligente capable d’inventer une technologie ?», là, on se heurte à un problème mathématiquement analogue à un produit entre deux termes x*y, le terme x étant très grand et le terme y étant très petit. Le terme x, très grand, est le nombre de planètes. Le terme y, très petit, est la probabilité, pour une planète, d’arriver un jour à des êtres capables d’inventer une technologie. Or, un produit de type (infini) * (zéro) peut donner tout type de résultat.
Bien sûr, l’univers étant très grand et peut-être infini, le nombre de planètes habitées y compris par des êtres intelligents est forcément très grand ou infini, le problème est de déterminer la densité d’occupation pour savoir s’il pourrait y avoir ou non possibilité de contacts. Généralement on se limite au cas du nombre de planètes habitées dans la Voie Lactée, zone suffisamment restreinte pour que des rencontres ou des observations puissent éventuellement être envisagées.