Les mineurs doivent être épargnés de la violence des corridas

Les mineurs doivent être épargnés de la violence des corridas

par Jean-Paul Richier (la version originale de cet article peut être lue sur Mediapart)

Le Comité des Droits de l’Enfant, organe de l’ONU, dans le cadre de son rapport sur le Portugal en février dernier, a recommandé de protéger les mineurs de la violence des corridas. En cette période estivale de férias, des professionnels de la psychologie et du droit interpellent le gouvernement français sur les mesures qu’il compte prendre.

 

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 En France, les corridas sont interdites sur les neuf-dixièmes du territoire français dans le cadre des « sévices graves et actes de cruauté » sur animaux (article 521-1 du code pénal), mais sont tolérées dans une soixantaine de municipalités situées dans onze départements du Sud, au titre de la « tradition ».

A l’échelon international, les courses de taureaux sanglantes se pratiquent encore dans 8 pays, dont 3 en Europe : l’Espagne, le Portugal et la France.

Au Portugal, des lances et des banderilles sont plantées par un cavalier dans le taureau, puis celui-ci est achevé hors la vue du public.

Les 7 autres pays (dont la France) pratiquent essentiellement des corridas espagnoles : des piques et des banderilles sont plantées dans le taureau, puis celui-ci est mis à mort en public.

Depuis ces dernières décennies, les corridas font l’objet d’une contestation croissante dans les 8 pays où elles sont pratiquées. Elles symbolisent en effet des conceptions devenues négatives à la lumière des avancées éthiques et scientifiques : le goût de la violence et de la souffrance, le mépris de la sensibilité des animaux, et la domination impérative de l’homme sur la nature.

Et dans tous ces pays, depuis une dizaine d’années, s’est ajoutée une logique de protection de la jeunesse. Dans le sud de la France, non seulement les mineurs ont librement accès aux corridas, mais ils bénéficient souvent de la gratuité. De plus, il existe dans les municipalités de Nîmes (30), d’Arles (13), de Béziers (34) et de Cauna (40), des écoles taurines, associations bénéficiant le plus souvent de subventions publiques, dont l’objet est d’entraîner les enfants, dès 10 ans, à planter des banderilles et des épées dans des veaux.

Des scientifiques et des juristes se sont inquiétés des effets de la corrida sur les mineurs, notamment les effets traumatiques et l’accoutumance à la violence.

Cette année, une étape capitale a été franchie en ce sens à l’échelon international. En février 2014, le Comité des Droits de l’Enfant, organe de l’ONU chargé de veiller à l’application de laConvention relative aux droits de l’enfant, a fait part de ses préoccupations concernant l’impact des corridas sur les mineurs (dans le cadre de cette Convention, le terme « enfant » siginifie mineur de 18 ans).

En effet, dans son rapport du 5 février 2014 sur les droits de l’enfant au Portugal, le Comité s’est déclaré préoccupé par l’impact de la violence des corridas sur les enfants, et a explicitement exhorté l’État, d’une part à prendre des mesures visant à protéger les enfants des corridas, d’autre part à mener des campagnes de sensibilisation sur l’impact envers les enfants de la violence physique et mentale liée aux corridas.

Plusieurs professionnels français de la psychologie et du droit, au nom de leurs confrères qui partagent cette préoccupation, ont donc adressé une LETTRE OUVERTE au président Hollande et aux ministres concernés pour leur demander quelles mesures ils comptaient mettre en œuvre. D’autant que le Comité des Droits de l’Enfant doit rendre son rapport sur la France en octobre 2015.

Ils demandent notamment au gouvernement quel âge minimum il entend imposer pour l’assistance, la participation, et l’entraînement aux spectacles tauromachiques sanglants, et quelle est sa position vis-à-vis des écoles taurines dédiées à la corrida espagnole.

Chaque relais de cette lettre auprès du Président et du Premier ministre sera le bienvenu !

Bien entendu, les signataires ont parfaitement conscience des autres formes de violences auxquelles sont soumis les mineurs, en France comme à l’étranger. A commencer par les dramatiques violences dont ceux-ci sont actuellement victimes dans plusieurs régions du Proche-Orient, et auxquelles personne ne peut rester indifférent. Mais le pire, fût-il extrême, ne saurait justifier le « moins pire », sauf à relever des sophismes que dénonçait le philosophe Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, spécialiste de l’éthique comme du droit international, justement à propos de la corrida comme telle.

 

Les signataires sont :

Pr Laurent BÈGUE, Professeur de Psychologie sociale à l’Université de Grenoble, directeur de la MSH-Alpes, membre honoraire de l’IUF, membre du Comité scientifique de la délégation ministérielle contre les violences en milieu scolaire.

Pr Jacques LEROY, Professeur de Droit à l’Université d’Orléans, Doyen honoraire.

Pr Jean-Pierre MARGUÉNAUD, Professeur de Droit à la Faculté de Droit et des Sciences Économiques de Limoges, Chercheur à l’Institut de Droit Européen des droits de l’Homme de l’Université de Montpellier I.

Pr Hubert MONTAGNER, Docteur ès Sciences, Professeur des Universités en retraite, ancien Directeur de recherche et ancien Directeur de l’Unité « Enfance inadaptée » à l’INSERM

Dr Jean-Paul RICHIER, psychiatre, praticien hospitalier, coordinateur du collectif PROTEC (http://www.collectif-protec.fr)

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