Gwladys est entrée en classe de seconde en septembre dernier. Sa première année de lycée a commencé par une visite au festival international du photojournalisme « Visa pour l’image« , à Perpignan. Elle vient de me faire lire le travail qu’elle a rendu en début de semaine pour lequel on leur a demandé quelle était la photo qui les avait le plus marqués et pourquoi. Un bijou de sensibilité que je vous livre ici.
Littérature et Société.
Exposition de Visa pour l’image à Perpignan
Ceci est la photo qui m’a le plus touchée dans cette exposition :
Photo Ebrahim Noroozi. Une femme et sa fille à Bam en Iran, dont les visages ont été aspergés à l’acide par le mari (et père) lors d’une nuit, à la suite des demandes de séparation formulées par la femme. Sa fille et elle s’embrassent, car elles sont seules au monde à pouvoir et à vouloir le faire. Photo gagnante du premier prix dans la catégorie «Portraits» du World Press Photo 2013.
Quand on regarde cette image, on ne peut qu’éprouver de l’empathie. On voit, ressent, directement le malheur que ces femmes ont vécu auparavant et ce qu’elles vivent au quotidien.
Cette histoire se passe à Bam, dans le sud de l’Iran.
Elles ont eu le visage brûlé par de l’acide, que le mari (Amir) a renversé sur sa femme (Somayeh Mehri) et sa fille de 3 ans (Rana Afghanipour), pour des raisons stupides, car cette pauvre femme a juste eu le courage de vouloir divorcer de son mari qui l’enfermait et la battait quotidiennement. Après avoir annoncé à son mari qu’elle voulait divorcer, Amir la menaça que si elle persistait à vouloir le quitter, elle ne finirait pas sa vie avec son visage…
Une nuit de juin 2011…
… le mari s’introduisit dans la chambre de Somayeh et Rana pour leur verser de l’acide sur le corps pendant qu’elles dormaient. Plusieurs parties de leur corps on été sévèrement brûlées : leurs visages, leurs mains… Somayeh est devenue aveugle et Rana la petite fille de 3 ans est devenue borgne ; elle porte à cause de cela un œil de verre.
Il a détruit leurs vies et surtout celle de sa propre fille. Somayeh et Rana se sentent rejetées, moins appréciées, elles disent que depuis qu’elles sont défigurées, les autres répugnent à les embrasser. Heureusement pour elles, les villageois les ont aidées à payer le médecin. Amir a vendu sa terre pour essayer de récolter de l’argent, mais Somayeh préfère ne plus entretenir de relation avec lui et passe le plus clair de son temps à prier.
On aimerait vivre dans un monde sans guerres, sans inégalités, sans horreurs… Mais on oublie toutes ces choses qui se passent sur cette Terre, car notre cerveau, notre cœur nous protègent de ces souffrances. Mais pour changer ce monde il faut être solidaires et s’aider les uns les autres, car seul c’est impossible de les changer. Si chacun d’entre nous faisait sa part des choses, on arriverait à tout changer (comme dans l’histoire du petit colibri). Malheureusement cela est impossible, car on vit dans un monde où il y a beaucoup d’hypocrites, de matérialistes et d’inégalités.
En tant qu’être humain, on devrait s’intéresser à l’histoire qu’elles ont vécue avant de vouloir s’éloigner, tourner notre regard ailleurs comme si elles n’étaient pas humaines, comme si elles ne faisaient pas partie du même monde que nous. Car elles ont vécu mille fois pire que nos petits problèmes, même si nos problèmes peuvent être la mort d’un proche, car cette personne au moins n’aura pas eu de telles souffrances, elle aura vécu heureuse, appréciée et aimée. Il n’y a rien de pire que la souffrance d’un être vivant.
Le plan de cette image est « un gros plan » à » hauteur d’homme », ce qui nous permet de lire en deux temps l’image. Les deux femmes se trouvent en 1er plan et le mur en 2e. Le photographe se trouve devant, à la hauteur de ces deux femmes. Il a choisi cet endroit précis pour pouvoir bien montrer le malheur de ces femmes, tout en nous réchauffant de ce baiser à sa mère que n’importe quel enfant ferait et le lien moral de soutien entre la mère et sa fille et surtout le lien d’amour entre elles.
Il se tourne vers le sujet de la religion musulmane extrémiste en montrant ce qu’un homme a fait assez récemment dans ce genre de pays extrémistes.
Le photographe nous protège en mettant la photo en noir et blanc, il ne veut pas vraiment nous montrer à quel point ces deux femmes ont été brûlées, bien que le noir et blanc peut être aussi une question d’esthétique, qui nous permettrait de moins voir les détails et de nous concentrer sur la beauté du geste de l’enfant envers sa mère. Un geste d’amour que chaque enfant pourrait faire à sa mère. Ce qui nous rappelle peut-être aussi qu’elles sont humaines et que ce n’est pas parce qu’elles sont brûlées qu’elles sont différentes de « nous », ce qu’on n’arriverait pas sûrement à faire si on les avait sous nos yeux. On éprouverait de la pitié, mais là on ressent de la tendresse et de l’amour.
Gwladys
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anti, émue de voir la transmission en cours.
Nous avons chaudement félicité Gwladys pour son texte magnifique de sensibilité et d’intelligence.
Un immense bravo à elle, qui a su dire avec ses mots d’ado bien des choses que la plupart des adultes n’auraient pas su exprimer aussi bien.
Merci Gwladys pour nous présenter cette photo qui déchire le cœur et pour exprimer avec tant de précision ton ressenti.
Merci de nous faire partager ce drame et nous montrer combien nous avons à faire pour que le chemin de la justice progresse.
Merci.
Ce texte est remarquable de justesse et de simplicité au sens noble du terme. Gwladys a cette faculté depuis toute petite. Cela se voyait déjà dans ses chansons qu’elle composait jadis.
Bravo ma fille ! Je suis émue et fière de toi. Tu es une belle personne.
Un travail admirable de sensibilité, de maturité, un regard sur le monde et une analyse photo très juste. Gwlad est à bonne « école » 😉
Et ce qui moi me touche particulièrement est que ce récit provienne d’une ado qui a très envie de construire un monde meilleur. Bravo.
J’ai parfois le sentiment que beaucoup de jeunes ne se sentent pas concernés ou prêts à prendre des risques. Et cela devient pire chez les adultes….
Merci pour vos commentaires.
Et ce qui moi me touche particulièrement est que ce récit provienne d’une ado qui a très envie de construire un monde meilleur.
Oui, c’est beau et très juste ce que tu dis là Valentine.
J’ai reçu aussi cet autre message : Je viens de faire un tour sur le blog avant d’aller me coucher. Ta fille est impressionnante ! Magnifique photo qui dit tout, et Gwladys semble tout simplement jeter un voile pudique sur ces visages et nous le soulève juste pour que nous comprenions bien tout ce que cela implique. Elle te ressemble non ? :-))
Gros bisous à vous tous ; moi je suis contente de vous connaitre car j’en apprends tout les jours avec vous.
C’est ça qu’il y a de bien aussi avec le blog, l’échange qu’il permet, le fait de rencontrer des avis de personnes différentes, des jeunes, des vieux, des entre les deux, et tout ça, c’est la vie. Moi aussi je suis bien contente de vous connaître !
Gwladys est sensible au sujet de la condition de la femme dans le monde en général. Le vitriolage est malheureusement quelque chose de très répandu… Nous en avons parlé plusieurs fois sur le blog :
http://www.annagaloreleblog.com/2009/05/13/vitriolage/
http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5jdOPN28ZOYSQFWiuFN3_b1zk9skg
Magnifique texte ! J’aurais aimé avoir une fille comme toi, tu es une belle personne, ne laisse personne te détruire, sois forte de tes valeurs, elles sont belles. Bravo Gwladys !
Marie-Josée
je partage
Un bravo ému et un grand merci à Gwladys pour ce moment d’Humanité ! Au passage, bisous à Anti et Anna avec qui je partage cette émotion.
je suis restée là, émue par les mots si justes de ton petit bout de femme ^^
oui… elle a de qui tenir ta fille ^^