Comme Anna vous le raconte dans sa note d’accueil de ce matin, hier soir nous sommes allées écouter Frédéric Lenoir qui donnait une conférence sur le bonheur dans le cadre du salon Bio-Harmonies qui se tient tout le week-end à Montpellier.
Frédéric Lenoir, je l’ai découvert en lisant « L’oracle dela Luna« , roman coup de foudre ! J’ai ensuite enchaîné avec la lecture de plusieurs autres romans et contes, mais ils ne m’ont pas plu (« La promesse de l’ange« , « Le secret« , même « L’âme du monde« …). En revanche, j’apprécie beaucoup ses essais et documents tels que « Le livre des sagesses » et « Petit traité d’histoire des religions« .
En ce qui me concerne, c’était la deuxième fois que j’allais l’écouter. J’avais eu la chance de le rencontrer dans un lieu fort et couvert en 2010 ou 2009, je ne sais plus trop. J’avais gardé de cette soirée le souvenir d’un Frédéric Lenoir enchanteur simplement parce qu’il est lui-même enchanté. Enchanté de ce qui l’entoure, de tout ce qui l’entoure et en particulier par la Nature. C’est un grand méditatif (il pratique la méditation depuis plus de 20 ans) et cela ce ressent. Une chose avait été cependant pénible et cela reste vrai, à passer la soirée en si bonne compagnie, le moment de la séparation est un peu rude tant le sentiment d’avoir retrouvé une famille en l’écoutant parler est grand peut-être, tout simplement, parce que celles et ceux qui aiment profondément et sincèrement la Nature appartiennent à une seule et même grande famille. Quoi qu’il en soit, ce fût lors de cette première conférence que je l’avais entendu dire que l’homme a perdu son rapport au sacré en se sédentarisant :
« Si on s’intéresse aux mots, on voit bien qu’auparavant, les hommes vivaient dans leurs relations avec la nature, le sacré, à partir du moment où l’homme n’est plus en contact avec la nature, il a besoin de « sacrifices » : le sacrifice est par définition ce qui « fait le sacré ». Ne vivant plus eux-mêmes le sacré, les hommes vont déléguer ce rôle à une caste, les prêtres. »
(On peut retrouver ces propos dans le compte-rendu de la conférence « Dieu, les hommes et l’histoire« ).
Mais revenons à hier. Hier, Frédéric Lenoir était là pour nous parler du bonheur à travers plusieurs philosophes : Spinoza, Confucius, Lao Tseu, Montaigne…
Qu’ai-je retenu de tout cela, en plus d’un sentiment profond de bien-être ? Rien de bien nouveau, des évidences pour qui s’intéresse aux questions du bien-être depuis des années, mais que des bonnes choses indispensables car cela nous aide dans la mesure où : « Tout enseignement se borne à indiquer, à orienter vers ce qui se trouve déjà en soi-même sans que l’on ne le sache. Donc il n’y a pas de secret que le Maître puisse transmettre à son disciple. Il est facile d’enseigner. Il est facile d’écouter. Il est difficile de prendre conscience de ce que l’on a en soi, de le trouver et d’en prendre possession effectivement. » (in « Le Livre des Sagesses » – La transmission se fait de cœur à cœur.)
La rationalité
Ainsi, si Spinoza utilise l’itinéraire rationnel pour parvenir au bonheur, cela ne signifie pas que c’est LA voie du bonheur. Cela signifie juste que c’est la voie qui lui convient. Comme répondait le Dalaï-Lama à la question « Quelle est la meilleure spiritualité ? » : « C’est celle qui vous rend meilleur. » Car tout est là : il nous appartient de discerner au-delà des philosophes ; que chacun de nous découvre ce qui est bon pour lui, à tous les niveaux (physique, religieux, spirituel, etc.). Si nous nous sentons tristes, seuls, si nous sommes malheureux, méchants, aigris, médisants, etc., c’est que nous ne sommes pas heureux et donc que la voie que nous empruntons ne nous convient pas. Il n’y a pas d’universalité de la voie.
Ne soyons pas impérialistes en pensant qu’il n’y a qu’une seule voie – en général, la nôtre – D’où l’importance du « Connais-toi toi-même » de Socrate qui doit nous aider à trouver notre voie. Il y a différents chemins de vie pour se réaliser soi-même et atteindre le bien-être et partant, la compassion, car là réside notre bonheur. Ce qui est bien pour nous est ce qui nous rend meilleurs dans la vie.
Par ailleurs, si la raison nous aide à discerner ce qui est bon de ce qui ne l’est pas, elle reste un outil de connaissance et elle ne permet pas de changer.
Le désir : moteur du changement
Le moteur du changement est le désir. Oui, ce n’est pas la volonté (raison) qui permet le changement, mais le désir. Pour nous libérer d’un désir mauvais, nous pouvons toujours essayer de rationaliser, ça ne marchera pas ! (Les fumeurs en savent quelque chose !) Pour se libérer d’un désir mauvais, il faut faire surgir un autre désir, bon pour nous, qui nous aide à être heureux, qui nous aide à nous mettre dans la joie. Notre bonheur consiste alors à apprendre à réorienter nos désirs, à désirer faire ce qui est bien plutôt que d’obéir à une loi extérieure. Là encore, tout cela demande un certain travail d’introspection, de lucidité, d’acceptation et de compréhension.
L’acceptation : le taoïsme
Le Taoïsme est né en réaction au confucianisme qui voyait la sagesse dans une nature Maîtresse de Vie, modèle de perfection, dans laquelle tout est savamment ordonné. Le confucianisme se basait particulièrement sur l’observation du ciel tandis que le taoïsme lui remettait la vie sur Terre au centre. Ainsi, puisque nous vivons sur Terre, nous devons accepter la vie comme elle est. Or, la vie sur Terre, c’est le chaos. La vertu suprême devient alors le lâcher-prise, l’acceptation de l’impermanence du devenir. Si nous voulons être heureux, commençons par ne pas chercher à vivre dans une stabilité fictive, restons souples. Apprenons à lâcher prise. Si l’on veut atteindre un objectif, il faut savoir se laisser porter par le courant, à l’image d’un nageur.
Attention ! Savoir lâcher prise n’a rien à voir avec le fatalisme ou la résignation. La différence fondamentale est que le lâcher-prise est une acception heureuse de ce qui est, tandis que la résignation est une acceptation malheureuse. Quand on lâche prise, on est joyeux car c’est une acceptation de ce que l’on ne peut pas changer. Il est primordial de faire le distinguo entre ce sur quoi on peut agir, et ce sur quoi on n’a pas de prise. Face à l’inéluctable, lâchons prise ! Mais devant ce qui est modifiable, mettons tout en oeuvre pour être un acteur de l’évolution du monde. Nous avons notre libre arbitre qui nous permet de changer la vie, de changer de vie ; on peut prendre différentes orientations selon nos choix intérieurs. La vie n’est pas figée. La vie est mouvement.
En résumé, pour être heureux, il faut chercher et trouver une sagesse conforme à notre nature, à nos forces mais aussi à nos faiblesses, en prenant le temps de savourer tout ce que la vie nous apporte si l’on ne veut pas finir par dire un jour comme Aragon : « Le temps d’apprendre à vivre, il est déjà trop tard« …
L’attention : pleine conscience et méditation
Soyons attentifs à ce que l’on fait, tâchons de ne pas penser à dix choses à la fois ! Savourons, soyons présents à ce que l’on fait, dans toutes nos occupations, que ce soit cuisiner, manger, marcher, écouter…
La pleine conscience est la pleine réceptivité au monde qui nous entoure, à nos sensations, à nos actions. C’est l’attention. Ensuite, on peut faire l’exercice quotidien de la pleine conscience dans l’isolement, assis. On laisse passer les choses, les pensées tout en restant dans un état de réceptivité la plus large possible.
Ensuite, cet état deviendra méditation. On intériorise alors de plus en plus et on atteint des états d’être beaucoup plus profonds avec le temps et l’exercice. On arrive de plus en plus à lâcher l’ego. On va vers la paix intérieure, et partant, le bonheur et vers l’Amour avec un grand A, celui qui unis les êtres dans un désir de s’aider à grandir mutuellement.
Voilà. J’espère que vous aurez pris autant de plaisir à lire cette note que j’en ai eu à l’écrire. Frédéric Lenoir vient de publier : « Du bonheur, un voyage philosophique » (- Essai – Éditions Fayard, octobre 2013 -240 pages – 18 € – EAN : 9782213661360.) Je pense que vous y retrouverez tout cela de manière plus détaillée :
Qu’entendons-nous par « bonheur » ? Dépend-il de nos gènes, de la chance, de notre sensibilité ? Est-ce un état durable ou une suite de plaisirs fugaces ? N’est-il que subjectif ? Faut-il le rechercher ? Peut-on le cultiver ? Souffrance et bonheur peuvent-ils coexister ?
Pour tenter de répondre à ces questions, Frédéric Lenoir propose un voyage philosophique, joyeux et plein de saveurs. Une promenade stimulante en compagnie des grands sages d’Orient et d’Occident.
Où l’on traversera le jardin des plaisirs avec Épicure. Où l’on entendra raisonner le rire de Montaigne et de Tchouang-tseu. Où l’on croisera le sourire paisible du Bouddha et d’Épictète. Où l’on goûtera à la joie de Spinoza et d’Etty Hillesum. Un cheminement vivant, ponctué d’exemples concrets et des dernières découvertes des neurosciences, pour nous aider à vivre mieux.
Table
PROLOGUE
1. Aimer la vie qu’on mène
2. Au jardin des plaisirs, avec Aristote et Epicure
3. Donner du sens à sa vie
4. Voltaire et l’imbécile heureux
5. Tout être humain souhaite-t-il être heureux ?
6. Le bonheur n’est pas de ce monde : Socrate, Jésus, Kant
7. De l’art d’être soi-même
8. Schopenhauer : le bonheur est dans notre sensibilité
9. L’argent fait-il le bonheur ?
10. Le cerveau des émotions
11. De l’art d’être attentif… et de rêver
12. Nous sommes ce que nous pensons
13. Le temps d’une vie
14. Peut-on être heureux sans les autres ?
15. La contagion du bonheur
16. Bonheur individuel et bonheur collectif
17. La quête du bonheur peut-elle rendre malheureux ?
18. Du désir à l’ennui : le bonheur impossible
19. Le sourire du Bouddha et d’Epictète
20. Le rire de Montaigne et de Tchouang-tseu
21. La joie de Spinoza et de Mâ Anandamayî
EPILOGUE
Notes & Bibliographie sélective
Très belle journée de bonheur à toutes et à tous,
anti
J’ai vu ce gars là il y a peu au 28′ d’Arte, avec mon chou-chou : Michel Onfray. J’ai bien aimé , je vais acheter son livre.
Quel régal que cet article qui retranscrit si bien les enseignements majeurs exposés lors de la conférence à laquelle nous avons assisté hier !
Encore merci à Frédéric Lenoir pour son érudition et son talent d’orateur, sa présentation était magnifique de simplicité, sans rien lâcher sur la précision de ce qui était dit. Les nombreux rapprochements faits par Lenoir entre des cultures ou spiritualités éloignées dans le temps et l’espace étaient fulgurants et réjouissants.
Que du bonheur !
Merci pour cette magnifique note. J’aime beaucoup le cheminement spirituel de Frédéric Lenoir qui est un être de grande ouverture.
Et combien il est précieux de découvrir que les clés que l’on cherche partout se trouvent en chacun de nous.
Je lire le livre.
Je suis pliée en parcourant la devise des Shadok! Je te reconnais bien là Anti 😉
Ah oui et aussi : superbe photo de la fleur de lotus que tu as prise à Daghpo Kagyu Ling il y a quelques années.
Une note pleine de richesses que je relirai.
Ce qui me marque est que c’est le désir qui permet le changement et raisonner n’a pas vraiment d’impact, alors que c’est ce que l’on a tendance à faire quand je ou autrui a un problème : merci Anti !
Oui, c’est l’une des grandes leçons qui me marquent aussi. L’exemple des fumeurs est parfait pour le comprendre !
C’est un plaisir les amis ! Vraiment, ce serait dommage de ne pas partager ces paroles qui font tellement de bien.
Je suis pliée en parcourant la devise des Shadok! Je te reconnais bien là Anti 😉
Damned ! J’suis démasqued !
anti