Souvent, trop souvent, on entend dire des femmes courageuses qu' »elles sont de vrais mecs« , ce qui rejoint ainsi une autre remarque souvent entendue dans les actions un peu physiques : « Ah, les filles qui sont là, elles en ont !«
Elles en ont quoi ? Des couilles.
Chers messieurs (je m’adresse uniquement aux hommes, là, et on va laisser de côté les transsexuels pour ne pas compliquer),
Il va falloir que vous fassiez un grand pas culturel en avant et vite. Sans blague, vous ne trouvez rien de plus fort pour louer le courage des femmes que de dire qu’elles ont… des couilles ? Vous trouvez ça excitant, une femme avec des testicules ? Vous n’avez rien de moins disgracieux à leur souhaiter ?
Bon, si vous êtes homos, d’accord, je peux comprends votre admiration pour les cojones. Mais à ce moment-là, je me permets de vous faire remarquer que votre fantasme suprême, mis au grand jour, c’est que les femmes deviennent des gays comme les autres, c’est-à-dire avec des valseuses et, si possible, un pénis en parfait état de marche.
En revanche, si vous êtes hétéros – et franchement, il n’y a qu’un mâle hétéro dominant pour sortir une bêtise aussi machiste – s’il vous plait, arrêtez avec ces « elles en ont dans le pantalon« . Depuis quand le courage serait-il localisé dans les gonades masculines ? Si tel était le cas, toutes les femmes seraient physiologiquement des lâches. Or, c’est faux et c’est justement leur courage que vous voulez mettre en avant.
Des femmes courageuses et protégeant la vie sous toutes ses formes, dans la longue histoire de l’Humanité, il y en a eu pléthore, alors que l’immense majorité des hommes aux vertus soi-disant viriles se sont surtout distingués ces dix-mille dernières années pour avoir été des tueurs, envahisseurs, violeurs, pilleurs, tortionnaires et tutti quanti. De fait, pour parler de courage, plutôt que de dire aux femmes qu’elles seraient dignes d’avoir des roubignoles, on ferait mieux de dire aux mecs qu’ils seraient dignes d’avoir un utérus. Historiquement, psychologiquement et culturellement, ce serait bien plus proche de la réalité factuelle.
De fait, quand un grand artiste veut montrer la bravoure en marche, qui représente-t-il pour guider le combat contre l’oppression et la barbarie ? Un grand baraqué sévèrement burné ? Pas du tout. Une femme.
Ou alors, êtes-vous tellement désemparés de les voir vous piquer ce trait de caractère (à vos yeux si masculin) que la seule explication rationnelle serait que des couilles leur ont été greffées ? Si la réponse est oui, allez consulter un psy d’urgence. Lui, il vous expliquera que ce n’est pas entre les jambes que ça se passe, mais dans le cerveau – une partie du corps qui, vous le remarquerez, est présente aussi bien chez les hommes que chez les femmes.
Relier le courage aux testicules semble d’ailleurs être un travers spécifiquement occidental et relativement récent. En Inde, pour parler de quelqu’un, homme ou femme, qui manque de courage, on dit qu’il ou elle a les pieds tendres. Ce qui, vous le remarquerez, n’a rien à voir avec ces petites boursouflures suspendues en haut des jambes des mecs, certes utiles pour fabriquer du sperme, mais certainement pas pour faire d’eux des héros ou des lâches. D’ailleurs, les dieux grecs en avaient des minuscules.
Le plus ironique – et vous n’allez pas aimer ça du tout, si vous êtes dans la protection animale – c’est que l’expression « en avoir ou pas » a été popularisée par… Ernest Hemingway, l’un des pires aficionados (et des pires machistes) que la Terre ait porté, dans un de ses bouquins intitulé justement comme ça (« To have or to have not », édité en français sous le titre « En avoir ou pas »).
Alors, soyez sympa, arrêtez de faire de la propagande afioc machiste arriérée (pléonasmes, je sais) avec cette histoire d’en avoir dans le pantalon. Aucune femme n’a la moindre envie de se voir pousser des couilles et, sauf exceptions mentionnées plus haut, vous n’avez pas la moindre envie non plus qu’une telle difformité s’abatte sur celles à qui vous voulez rendre hommage. Les hommes qui les admirent les préfèrent en vraies femmes.
Très belle journée à vous
Illustrations : Anti à Rion-des-Landes (Jean-Marc Montegnies), Rowan Atkinson à Bruxelles (Wikipedia), La Liberté guidant le peuple (Delacroix), le dieu Hermès (Wikipedia), manif anticorrida à Arles (septembre 2013).
Pourquoi,dans une réunion, quand un homme élève le ton, entend-on : « il a des couilles… »;et quand il s’agit d’un femme « elle a un sale caractère », ou bien : « tu as tes règles?…..
J’ai trouvé cette définition assez drôle :
« On va dire que dans le cas du fameux « avoir des couilles », il s’agit de la conjonction d’un androcentrisme courant (du moins d’une de ses branches qu’on pourrait appeler le bitocentrisme) et d’un cliché sexiste (à savoir l’idée que le courage est par essence masculin). »
Il y a tant à dire à ce sujet que j’envisage une note à part entière plutôt qu’un seul commentaire.
J’ai trouvé cette définition assez drôle
Personnellement, je la trouve parfaite, rendant compte avec exactitude de ce que je ressens quand j’entends ce genre de propos !
Merci les filles pour cette note et les commentaires !
Merci pour cette mise au point. J’avais été choquée il y a quelques jours par un propos de ce genre adressée aux femmes des manifs. L’intention de l’auteur était sûrement bonne, teintée d’admiration et d’encouragement, mais il est temps de rappeler à certains que ce n’est ni plus ni moins que du sexisme – comme beaucoup de discriminations, on peut s’en rendre responsable sans le savoir, et il faut donc éduquer, rappeler, encore et encore.
Les couilles? Après tout ce ne sont que deux petites choses toutes fragiles, si on y réfléchit. Un vagin, par contre, ça peut encaisser pas mal de coups. 😉
Oui, Anti, je reconnais que le mot « drôle » n’est pas du tout adapté pour définir la phrase qui en réalité, est un constat sérieux..
Ton article Anna, a été pas mal partagé sur FB. Voici quelques commentaires lus ici et là :
François : Oui, ben ça fait quelques temps que j’avais déjà fait la remarque. Mais bon, c’était en commentaire, et pas un article de blog. Et ça fait rire une copine quand je lui sors qu’elle a une sacrée paire d’ovaires.
Caroline : Merci de répondre à la bassesse et à la vulgarité avec ce texte digne, nuancé et cultivé… heureusement tout le monde sait au fond de lui et derrière tous ces pauvres discours que ces femmes sont tout simplement courageuses dans leur vraie nature de femme
Elsa : Formidable, un texte qui fait écho à tout ce qu’on aurait voulu écrire à chaque fois que le mot « couilles » a été proféré sur cette page, pour louer le courage des anti (dont je suis), ou évoquer la lâcheté des affis.
Linette : Quel texte argumenté et tellement fin : bravo, Madame Anna Galore.
L’arbre Chaman (YES !) : Tout cela est très juste.Et le pire dans tout cela c’est qu’il existe encore des femmes qui elles aussi disent en parlant du courage d’un homme ou d’une femme (!) : « il ou elle a des couilles celui (celle là) », j’ai même entendu des femmes dirent d’hommes qu’elles jugeaient peu courageux : « mais mon fils !!! Tu n’as pas de couilles au c….! »‘ (quelle affreuse expression). Quand il s’agit de nourrir les pires conneries, malheureusement les hommes et les femmes sont complémentaires aussi. Car comme cela est si justement précisé dans ce post, le courage ne se trouve pas entre les jambes, que ce soit chez les hommes ou les femmes greffées ou pas.
MERCI beaucoup à vous pour ces réactions qui font vraiment plaisir ! A nous toutes et tous de changer par l’exemple ces habitudes de langage sexistes, surtout lorsqu’elles sont proférées dans notre propre camp ou, plus généralement, par les gens qui nous entourent directement.
La plupart de ceux (et celles…) qui emploient ce genre d’expression sont en général bien intentionnés, raison de plus pour qu’ils se débarrassent de ces scories déplorables au plus vite.