Habituellement, la carte n’est pas le territoire. Il ne faut pas confondre une réalité objective et sa représentation symbolique.

Cette pensée d’Alfred Korzybski est devenue célèbre dans les années 40 du siècle dernier par le biais d’un monument de la science-fiction écrit par A.E. Van Vogt et traduit en français par Boris Vian en personne, Le mondes des Ā (prononcer « le monde des non-A » pour « non-aristotélicien »), que j’avais dévoré avec enthousiasme – ainsi que plusieurs autres de lui – quand j’étais ado.

Bien que je ne l’aie vu mentionner nulle part, je trouve que son intrigue n’est pas sans rappeler celle de Matrix, sous un angle certes différent puisque quand Van Vogt l’a écrit, l’ordinateur n’était pas né et Internet encore moins.

Plus récemment, Houellebecq en a tiré le titre de son roman La carte et le territoire salué par un Goncourt. Lui aussi avait découvert Korzybski grâce au livre de Van Vogt et ce n’est pas le seul des points communs plus ou moins improbables que nous partageons.

Mais je ne vais pas vous parler plus avant de l’oeuvre de Korzybski, qui a entre autres inspiré Henri Laborit et influencé la programmation neuro-linguistique. Pour moi, tout bêtement, « la carte n’est pas le territoire » reste cet aphorisme qui hante le fascinant bouquin de Van Vogt au point que j’y repense à chaque fois que je regarde une carte.

Et c’est exactement ce qui m’est arrivé l’autre soir quand Abigaëlle a décidé de participer au repérage de certaines rues de Nîmes que faisait Anti en vue d’une distribution de courrier pour les Chats Libres.

Abi s’est installée avec délice sur le plan de la ville. Et, ce faisant, la carte est devenue son territoire.

Je me demande si ce contre-exemple improbable et facétieux aurait fait sourire Alfred Korzybski ou A.E. Van Vogt, qui étaient chacun dans leur genre des personnages fascinants mais n’avaient pas l’air d’être des grands marrants (je me trompe peut-être). En tout cas, Boris Vian, lui, aurait certainement ri aux éclats.

Très belle journée à vous