Il y a deux jours, en regardant défiler le générique d’un petit film sympa avec Eddy Mitchell à la télé, j’ai repéré parmi les noms des musiciens qui avaient fait la bande-son celui de Didier Malherbe. Et tout un flot de souvenirs est remonté à ma mémoire.
Dans les années 70 et le début des années 80, je vivais à Toulouse et j’ai joué dans divers groupes musicaux. Quand j’avais une douzaine d’années, j’ai fait un peu de piano et, vers l’adolescence, je grattais la guitare en chantant des trucs des Stones mais mon vrai instrument, celui avec lequel j’ai fait de la scène un nombre incalculable de fois, c’est la batterie.
L’accent de Toulouse est rocailleux, Nougaro l’a immortalisé. Et de rocailleux à rock ailleurs, il n’y a qu’un pas, franchi par toute une ribambelle de musiciens dont pas mal de ceux que j’ai côtoyés comme des amis, des copains ou de simples connaissances sont devenus par la suite des stars, certes plus ou moins éphémères, mais au niveau national ce qui n’est pas rien.
C’est ainsi que le très sympathique bassiste de Tangara, à la fois talentueux et adorable de gentillesse, Jean-Pierre Mader, a connu la gloire en chantant Macumba et Disparue. Entre les deux, il a fait partie d’un orchestre de bal dont le chanteur était un certain Francis Cabrel.
Le chanteur de Mélétunétron (mes laitues naîtront), après des débuts balbutiants, a éclaté le top 50 en prenant son envol solo sous son propre nom, Eric Casero, avec l’entêtant Thaïe Nana. Il y avait aussi un autre groupe de bal qui était admiré de tous les musicos du sud-ouest par la qualité de ses reprises. Il s’appelait Goldfinger, nom que ses leaders vont abréger en Gold, avec toute une flopée de tubes bien à eux, superbement chantés et joués. Emile, le chanteur, a par la suite formé le groupe Images.
La tournée Stars 80 a permis à ceux-là de revenir jouer devant leur public fidèle qui ne les a jamais oubliés et c’est très bien. Je me rappelle également de Pêche Melba, chouette groupe de rock dont je croisais assez souvent le bassiste, Alain Thomas, et qui est devenu Weekend Millionaire, avec au moins un très gros succès à ses débuts. Ils existent toujours.
Il y avait aussi un excellent groupe de blues-rock, Bracos Band (pour comprendre le jeu de mot, il faut savoir que « bracos » veut dire pareil que « braquemart »). Le guitariste, René-Paul Roux, a ensuite formé Backstage, puis a poursuivi une très belle carrière de grand bluesman, abîmé par les galères et tragédies de sa vie, sous son pseudo de Paul Personne. Pour le concert des 50 ans de Johnny, c’était Paul qui tenait la guitare de Toute la musique que j’aime. Mon frère est toujours très ami avec lui.
De mon côté, on traînait régulièrement avec quelques groupes qui voulaient faire une musique hors des chemins trop tracés. Je me souviens du hangar gigantesque à côté de la ferme où vivait la joyeuse bande d’Albert Marcoeur à qui nous avions rendu une visite amicale après un festival où nos deux groupes avaient joué.
Je me souviens des Crium Delirium, les rois du shilom et de la zenitude par les plantes. Leur bassiste n’avait plus que quatre doigts à la main gauche mais avait appris à jouer comme un dieu avec des manouches et leur pianiste pouvait rester des heures en extase à écouter une boucle de notes aléatoires produites par son synthé, comme un mantra musical.
Et je me souviens d’un soir où Didier Malherbe, alors saxo de Gong, passait par une ferme des environs de Toulouse où nous avions posé notre matos et du bœuf que nous avons fait ensemble.
Mon groupe n’a jamais percé, un grand nombre d’autres à qui on promettait un superbe avenir non plus. La faute à des tas de choses, dont la mort qui a frappé, ou les égos qui ont déchiré. Quand il m’a semblé plus réaliste d’arrêter, j’ai offert ma magnifique batterie Gretsch et mes cymbales Paiste et Zildjian à un ado de 15 ans qui voulait se lancer à son tour. Je ne sais pas ce qu’il est devenu. Je n’ai gardé que quelques percussions – un gong, des cloches et deux ou trois autres babioles.
Rock’n’roll…
Très belle journée à vous
Illustrations : pochettes de 45t de Jean-Pierre Mader et Bracos Band, Paul Personne (site officiel) et Didier Malherbe (Wikipedia)
Génial de te lire. Tes souvenirs comme si on y était, l’enthousiasme, il s’en faudrait d’un cheveu pour que tu t’y remettes toi 😉
Paul Personne, c’est ma famille de cœur: le blues et comme lui, Jojo, mais Calvin Russell et tant d’autres.
En fait, tout se mélange, c’est ça qui est formidable.
Dans les années 60, nous avions un groupe rock local « Les Aiglons » dont mon frère Jacques était fan en plus de connaître toute la bande de Lausannois. Piètre guitariste, mon frère s’était improvisé manager du groupe. Mais alors très très amateur……..vu le peu de distance qu’a connu le groupe. Sa fille, Valérie, possède encore le vinyl.
Souvenirs, souvenirs 😉 Trop bon de te lire !
Dans la lignée des groupes toulousains des années 70, un autre, dont nous avons même un CD (pirate ?) à la maison : EVOHE.
« Petit dernier des groupes toulousains, EVOHE n’est pas le moindre. Le groupe a maintenant deux ans d’existence et il risque de se retrouver rapidement dans le peloton de tête des représentants de la « musique européenne ». Car EVOHE a décidé de réveiller les gens, une fois pour toutes ; pour cela, une musique qui prend la forme de très longs morceaux sinueux, parfois très complexes rythmiquement, chargés d’une énergie farouche qui ne peut admettre de concessions à quel niveau que ce soit. Chaque note semble avoir été pensée, mûrie, pesée avant d’être produite dans sa forme la plus pure… On sent, chez ces musiciens, une volonté presque maladive d’essayer d’aller toujours plus loin, plus au fond des choses, dans le sens de l’unité, de l’efficacité. Cela passe par un très important travail sur les compositions, qui ne cessent d’évoluer : ainsi « K’a », le morceau de bravoure du groupe, qui à son origine durait deux minutes et qui est maintenant une pièce fleuve de plus de 60 thèmes et 200 changements de mesure. Un titre extrêmement mouvant donc, et qui est parfois le seul à être joué en concert. Dans cette musique également, peu de place pour les interventions individuelles : elles ne sont pas utiles et briseraient l’unité du groupe, transformeraient les climats de manière gratuite. Un choix révélateur, celui de livrer une musique totalement incandescente dans sa forme la plus radicale, parfois la plus violente aussi, tant il est vrai que ce besoin de pénétrer de front dans nos cerveaux endormis ne peut se charger de fioritures, se cacher derrière les masques de la mesquinerie. Bien sûr, on ne va pas manquer de comparer EVOHE à d’autres groupes phares. C’est inévitable… Mais cette musique-ci a encore l’intérêt d’être vierge de considérations commerciales.
Sûr qu’elle n’est pas parfaite, et c’est tant mieux. Car le jour où elle le sera, peut-être aura-t-elle alors, en échange, perdu sa VIE. Un article signé Gérard Nguyen pour le (maintenant collector) n°15 de ATEM visible en ligne ici : http://www.fanzino.org/expo_rock/pages/pdf/atem_15_fev1979.pdf
15-05-79 Halle aux Grains, Toulouse (Magma + Evohé)
Traces ici aussi : http://www.progarchives.com/forum/forum_posts.asp?TID=21284&PN=56
http://www.rythmes-croises.org/traversesmag/modules/newbb/viewtopic.php?topic_id=7&forum=1
Et puis, il y a eu « Nuance » aussi 😉
Dingue ! Je n’en reviens pas que tu aies pu exhumer des pépites pareilles ! J’ai un très bon souvenir de tous ces gens-là 😉
Un grand salut à Gérard Nguyen, qui avec sa revue Atem a été l’un des rares en France à soutenir ces courants musicaux hors des terrains battus.
Et ce n’est pas tout. J’ai retrouvé une version de Ka en ligne 🙂
http://psychedelist.livejournal.com/2729.html?thread=5033
http://www.4shared.com/music/NFGu6DMo/KA_online.html