Toute personne un peu cultivée le sait bien : le point commun que partagent les grands auteurs de la littérature française depuis que notre langue existe est que tous ou presque ont écrit des œuvres érotiques ou pornographiques, que ce soit sous leur vrai nom et sous un pseudonyme.
Quoi de plus naturel puisque rien n’est plus indispensable à la vie que le sexe, pour l’être humain comme pour le reste du règne animal. L’humain a, de plus, le privilège de recourir à des relations sexuelles par pur plaisir et non par seule nécessité reproductive, une caractéristique rare que seules les espèces les plus évoluées de notre planète partagent (grands primates et dauphins)… mais parmi elles, seul l’humain a découvert l’écriture, ce détail ne vous aura pas échappé.
D’où une profusion de textes consacrés au plaisir sexuel, à commencer par des ouvrages aussi anciens que la Bible (le très explicite Cantique des Cantiques), les écrits de Platon ou le Kamasutra.
Évacuons immédiatement un point de détail sémantique : il n’existe pas de réelle différence entre érotisme et pornographie. Les limites que voient certains (comme la crudité du vocabulaire, par exemple) ne sont pas les mêmes que ce que d’autres considèreraient comme choquant, d’autant que les appréciations en la matière changent en permanence au fil du temps, des sensibilités et des régions du monde.
Pour nous cantonner à la France, les règles ont évolué de façons diverses puisque des thèmes très extrêmes il y a un siècle feraient bailler aujourd’hui un ado de base en pleine explosion pubertaire alors que d’autres considérés comme simplement coquins seraient probablement proscrits à notre époque. Mentionnons dans cette dernière catégorie Georges Bataille, André Gide ou surtout Pierre Louÿs, dont certains livres vaudraient aujourd’hui une réprobation unanime (et justifiée) pour apologie de la pédophilie, ainsi que quelques vers d’Arthur Rimbaud que je ne pourrais pas citer sur ce blog sans risquer de tomber sous le coup de la loi.
Concernant l’évolution des mœurs, il est utile et amusant de rappeler que Gustave Flaubert fut condamné pour « outrage à la morale publique et religieuse et aux bonnes mœurs » avec son roman « Madame Bovary » et qu’Émile Zola fut surnommé le Pornographe lorsque ses lecteurs découvrirent « Thérèse Raquin« . De nos jours, ces chefs-d’œuvre sont en vente libre sans précaution particulière et font partie du corpus régulièrement enseigné dans les lycées.
Car, dans l’expression « littérature érotique », il est important de rappeler que figure le mot « littérature ». Comme le souligne Georges Pailler, auteur d’une centaine de romans de genre, porté aux nues entre autres par Jean-Jacques Pauvert et Wolinski, « Il y a de bons polars, de bons bouquins de SF, pourquoi pas de bons pornos ? Pourquoi la pornographie devrait-elle être laissée à des écrivains de second ordre ? Dénués de talent ? Pourquoi la vouer aux poubelles de la littérature, aux sex-shops ? ».
Sans même avoir à citer les écrits sulfureux de Sade, rappelons que des auteurs honorablement connus comme Ronsard, Rabelais, Corneille, Jean de la Fontaine, Molière, Diderot, Montesquieu, Balzac, Musset, Baudelaire, Mirabeau, Flaubert, Anatole France, Théophile Gautier, Maupassant, Stendhal, Apollinaire, Verlaine, Aragon, Kafka, Colette, Artaud, Bataille, Eluard, Gide, Sartre, Camus et tant d’autres ont écrit les pages les plus belles et les plus brûlantes de la littérature érotique – et pornographique – française.
A un niveau beaucoup plus modeste que celui de tous les grands noms que je viens d’énumérer, il m’est agréable de noter qu’avec trois recueils érotiques parmi mes vingt-deux livres publiés à ce jour, je mets mes petits pas dans ceux de ces géants, rejoignant ainsi la tradition millénaire de cette prestigieuse lignée dont peut s’enorgueillir la littérature de notre pays.
Pour finir, quelques liens pour aller plus loin (oh oui) :
Littérature et sexualité (excellent article de synthèse sur Wikipedia)
Livres érotiques gratuits (site de téléchargement légal où figurent, entre autres, les grandes œuvres érotiques devenues libres de droit)
Très belle journée à vous
Les illustrations viennent de Wikipedia
Voilà un article très intéressant, une fois de plus. Je suis fière d’éditer un auteur qui s’inscrit dans une si longue tradition littéraire qui a son public. Force est de reconnaître que tes recueils de nouvelles érotiques représentent nos meilleurs ventes d’ebooks, tous formats confondus.
Bravo Anna !
Merci, chère éditrice !
Bon, assez tergiverser, à quand le volume 4! Marre de tirer la langue…..
Bonsoir, anna
Je me permets de revenir après une (trop) longue absence, et pour répondre à votre article, je ne vous cacherais pas que c’est grâce à votre plume et à l’un de vos livres que j’ai découvert – avec grand plaisir, je dois dire – ce thème littéraire.
Selon moi, aussi longtemps que certaines personnes auront une conception étriquée de l’amour, de la sensualité et de la sexualité, l’ érotisme sous toutes ses formes aura de beaux jours devant lui.
Et j’aime à croire qu’il appartient à chacun denous de faire perdurer la tradition, que ce soit en l’écrivant, en le photographiant, en le dessinant ou en le peignant… Voire même tout simplement en le vivant et en le partageant avec l’être aimé(e).
Et pour mon retour à l’écriture, c’est précisément à ce thème que je me suis essayé.
Très bonne soirée à vous, en espérant vous présenter le » bébé « .
Bonsoir Vincent,
C’est un grand plaisir de vous lire et d’avoir de vos nouvelles ! Merci pour ce commentaire particulièrement pertinent.
Et pour le bébé, je le découvrirai avec joie.
Très bonne soirée à vous
Merci Anna pour votre message. J’ai découvert hier soir que vous figurez aussi dans le larousse 😉
Pour le bébé, je vous envoie le pdf provisoire dans l’après-midi ou ce soir au tard.
Très belle journée à vous.
Bravo c’est excellemment dit.
Il est plaisant de constater à de multiples reprises les panneaux « faites l’amour, pas le corrida » dans des manifs anti-taurines. Il apparait totalement évident que le monde taurin, sclérosé, étriqué dans ses rites, a hérité d’un vrai problème avec la sexualité. Les injures qu’ils envoient à l’encontre des anti (« pédés, tafiolles »…) sont significatives de leur situation sexuellement problématique ; ils ont peur de la Nature, au fond d’eux mêmes : ils ont peur de la force et de la placidité du taureau, et des voluptés du sexe consenti, qu’ils expurgent dans le bain de sang. Bref, je vais arrêter de faire de la psychologie à la petite semaine, ces types sont des psychopathes, des handicapés de l’affect, des imprégnés de violence et feraient mieux de faire comme nous, exprimer notre empathie envers notre prochain (et notre prochaine).
Gageons qu’à Alès il y aura des pancartes « faites l’amour, pas la corrida », quoique j’aie du mal à concevoir une manifestante de notre camp se dévouer avec le camp opposé (sauf peut-être, dans mes rêves, concernant une responsable d’une association dont le nom m’échappe . ..)
Un vrai régal de te lire, Soleil Vert !!!
Comme auraient pu dire les hippies du siècle dernier (ouh là, ça nous rajeunit pas…) : Faites l’humour, pas la guerre !