Dans une tribune récente publiée par l’Express, Raphaël Enthoven lance une charge virulente contre les anti-corrida qui ont critiqué son entretien avec l’aficionado Francis Wolff sur Arte. Il estime que ce sont eux qui sont bien plus fascinés par le sang et la mort que les pro-corrida, eux qui sont bien plus violents par leurs propos que ceux qui les ont sauvagement lynchés alors qu’ils étaient entravés au centre d’une arène pour empêcher que des veaux ne soient massacrés à l’arme blanche à Rodilhan, eux qui se comportent de façon bien plus condamnable que n’importe quels toreros torturant longuement un taureau jusqu’à ce que mort s’ensuive.
M. Enthoven n’est pas le premier à prétendre que celui qui dénonce quelque chose de mal est coupable de ce qu’il dénonce. Il rejoint ainsi la cohorte peu glorieuse de ceux qui, par exemple, estiment qu’une femme violée qui s’en plaint l’a bien cherché et qu’elle a aimé ça.
Ce qui caractérise les anti-corrida pour M. Enthoven, c’est « leur fascination pour le sang, la jubilation avec laquelle, tout en dénonçant le voyeurisme des amateurs de corrida, ils abreuvent le Web de récits morbides et d’images épouvantables d’éviscération ».
Quel incroyable renversement de valeurs ! Quels sont les faits, sans fioritures ? Ce sont les amateurs de corridas qui sont fascinés par le sang et jubilent devant l’agonie interminable d’un taureau qui hurle de douleur lorsqu’il est transpercé par des piques dont l’extrémité coupante s’enfonce de 15 à 20 cm dans un mouvement vissant dans la nuque de l’animal (ce qui tranche ses muscles et l’empêche de tenir la tête haute, lui donnant ainsi un air plus menaçant alors qu’il souffre atrocement), puis de banderilles (harpons munis de pointes anti-retour de 6 cm de long qui créent des hémorragies massives), puis d’une épée qui l’achève rarement, puis de multiples coups de poignard dans le cervelet, assénés par un comparse pendant que le matador salue la foule en délire. Et ces photos de chevaux éviscérés, elles n’ont pas été inventées pour le plaisir d’avoir des images épouvantables. Ce qui est épouvantable, c’est qu’ils l’ont vraiment été et en sont vraiment morts.
Pour M. Enthoven cependant, la « meute belliqueuse » n’est pas constituée de ceux qui se délectent d’un tel spectacle, mais bien de ceux qui protestent de façon non violente contre cette barbarie sanguinolente qui se pare d’esthétisme de pacotille.
On attend avec impatience la tribune qu’il écrira un jour sur les associations qui dénoncent l’excision des petites filles. Il y verra probablement des militants d’une incroyable violence à l’égard des braves gens qui la pratiquent, dont les « calamiteux porte-parole » ont des penchants pédophiles évidents puisqu’ils « abreuvent le Web de récits morbides et d’images épouvantables » de clitoris mutilés sous prétexte de combattre cette barbarie. Et il se demandera doctement : « Pourquoi les anti-excision sont-ils si violents ? »
Même si cela le dépasse, ceux qui veulent l’abolition des corridas pensent que c’est en montrant la réalité qu’ils l’obtiendront. Si la corrida était cette noble forme d’art « qui réclame courage, maîtrise de soi et sens de l’honneur » pour citer Wolff, alors ses partisans ne devraient pas avoir honte de ce en quoi consiste cet « art » : un acte de torture animale donné en spectacle.
Et ça, ce n’est pas moi qui le dis, mais la loi. Le Code pénal classe la corrida dans les actes de torture et de cruauté, punis de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende (article 521-1). Son interdiction devrait donc être une évidence. Un alinéa de ce même article autorise cependant par exception certaines communes du sud de la France à pratiquer de tels sévices, mais cela n’en fait pas pour autant un art noble.
Une torture, même légale, reste une torture. Lorsque l’esclavage était légal, il n’en était pas moins ignoble. Le dénoncer était autrement plus admirable que de prendre des postures de prétendus philosophes pour expliquer en quoi l’esclavagisme, finalement, ne manquait pas « d’arguments qui se défendent » lorsqu’on en parlait aimablement dans un salon avec un propriétaire de champs de coton.
Voilà pour le fond. Sur la forme, les arguments développés par M. Enthoven sont d’une vacuité rare.
Il commence par ironiser sur le fait qu’« aucun des imprécateurs n’a regardé l’émission incriminée ». Pense-t-il que nous avions besoin de voir un entretien sur Arte avec un aficionado pour nous faire une opinion sur ce qu’est une corrida ? Croit-il que nous avons découvert il y a à peine quelques jours ce que pense Francis Wolff ? Ce dernier a écrit dans un de ses livres (oui, Monsieur Enthoven, nous lisons des livres) que la corrida est « un vrai danger, une blessure béante, la mort » et ajoute que c’est justement cela qui le fascine. Il affirme ainsi sa perversité. Et cela, ce n’est pas l’opinion d’activistes anti-corrida haineux mais la définition que tout un chacun peut lire dans le Dictionnaire de l’Académie française : « indifférence affective à l’égard de la souffrance d’autrui, absence complète de culpabilité et satisfaction personnelle ».
Raphaël Enthoven énumère ensuite avec exactitude ce que « ces enragés du dimanche » détestent dans la corrida. Le seul bémol est qu’il n’en croit pas un mot puisqu’il précise que tout cela, c’est « à les en croire ». J’en déduis donc que pour lui, donner une torture animale en spectacle n’est pas « une barbarie, une horreur, une terreur, une décadence inhumaine ». Pour lui, ceux qui pratiquent cette torture en public ne sont pas « des tortionnaires, des psychopathes, des tueurs » (c’est pourtant la traduction en français du mot « matador »). Pour lui, se réjouir de mener une agonie jusqu’à la mort n’est pas du « sadisme jouissif » (je pensais qu’il s’agissait du sens même du mot « sadique »). Quant à « l’apologie du sang », je laisse son ami Francis Wolff lui rappeler que ce qui glorifie de façon admirable cet « art […] au-dessus de tout autre art », ce sont « la blessure du corps, le sang, la mort. »
Ajoutons que pour Raphaël Enthoven, ceux qui « célèbrent la défense de la vie » sont « les plus fous ». En quoi serait-ce de la folie que de célébrer la défense de la vie ? Notre grand philosophe de plateau télé nous en fera peut-être une brillante démonstration dans une prochaine émission. Il estime, au passage, que la désapprobation d’une majorité de Français pour la corrida serait « imaginaire ». C’est faux, elle est avérée par de nombreux sondages concordants depuis des années.
La corrida, après avoir été importée d’Espagne par l’impératrice Eugénie qui en était native, a été interdite pour cruauté dès février 1895. Lorsque le gouvernement ose faire reconduire à la frontière le matador Mazzantini venu en septembre 1895 à Bayonne pratiquer son rituel macabre pourtant interdit par la loi, c’est l’émeute, maire en tête. Des élus aficionados du sud de la France, pourtant garants officiels du bon respect de la loi, vont violer cette interdiction en organisant en toute illégalité des corridas pendant plus d’un demi-siècle. Finalement, de guerre lasse, le 24 avril 1951, un alinéa finit par les légaliser, capitulant ainsi devant les agissements factieux de ces maires et députés félons, traîtres à leurs mandats et à la République.
Et c’est de cela que Raphaël Enthoven prend la défense et pense digne d’une aimable conversation avec un représentant de cette longue dérive séditieuse ? Pas nous.
On voit clairement de quel côté se trouve la violence….n’est ce pas Mr Enthoven ?
http://www.youtube.com/watch?v=BcTT3aRcPPI
http://www.youtube.com/watch?v=G7pJp8f0qFg
Wolff, Enthoven, ou comment essayer de donner un crédit philosophique à cette barbarie. Arte avec Enthoven, France Culture avec Finkie, ou comment donner un vernis culturel à… Beurk, pouah !
Ah oui, Finkielkraut sur France-Culture, c’est vrai, particulièrement pitoyable tellement il se mélangeait les pieds dans ses contradictions… Il faut dire qu’il avait face à lui quelqu’un qui avait une toute autre épaisseur et qui, poliment mais fermement, lui a expliqué à quel point il proférait des énormités et se rendait ridicule !
J’ai pas vu l’émission, et seul le « bonus » est accessible sur le ouaibe.
Enthoven, ancien élève de Big Bad Wolff à l’ENS, servait probablement la soupe à ce dernier dans l’émission comme il la lui sert dans ce bonus, et maintenant il joue les outragés, la bouche en cul de poule et le petit doigt en l’air, face à la virulence du courrier qu’il reçoit.
Ce bellâtre verbeux, qui aime autant se regarder que s’écouter parler, devrait de temps à autre s’extirper du cercle germanopratin qu’il n’a jamais quitté de sa vie, ça lui éviterait des surprises.
Certes, la prose des anticorridas est souvent aussi violente que les violences auxquelles sont soumis les taureaux, et a une fonction essentiellement expressive (au sens de Roman Jakobson), ce qui n’est pas l’idéal pour convaincre… Mais Môssieur Enthoven, qui aime tant à sodomiser les diptères à grand renfort d’Aristote ou de Kant, aurait dû s’il était un philosophe digne de ce nom, se poser la question essentielle : pourquoi la corrida suscite-t-elle des oppositions aussi virulentes ?
Finkielkraut, au moins, a essayé de prendre acte des critiques qu’il a reçues suite à l’émission « Face à la corrida » de novembre, où il s’était avoué émerveillé par le 6 contre 1 de José Tomas, en recevant à nouveau E de Fontenay début février .
Bon, il récite soigneusement en bon élève tous les poncifs des taurins, mais au moins donne la parole aux contradicteurs.
Grand merci pour votre passage ici, Jean-Paul !
Vos commentaires sur Enthoven sont très éclairants et la description que vous en faites, un régal.
J’espère que nous nous croiserons les 11 et 12 mai à Alès !
Et maintenant, Enthoven répand sa haine et son inculture crasse pour critiquer Internet en général et les journalistes qui font leur boulot en particulier.
Lire ici la réponse que lui fait Edwy Plenel sur son blog, sous un titre parfaitement formulé : « L’ignorance ne fait pas une philosophie : réponse à une caricature »
http://blogs.mediapart.fr/blog/edwy-plenel/270411/lignorance-ne-fait-pas-une-philosophie-reponse-une-caricature
Enthoven esprit tellement pervers qu’il en arrive à des contre vérité .. il essaye de se faire passer pour un intellectuel .. qu’il analyse pour une fois le sujet de manière scientifique au lieu de s’écouter parler
Les procoridas sont des gens malades cruels leurs discours sont à vomir inhumains
Pauvre garçon !!! La corrida ne devrait pas exister !!!! Elle a bien fait Carla de le laisser tomber !!!