Nous parlons souvent sur ce blog du CRAC Europe (Comité Radicalement Anti Corrida). En préparant le cinquième volume annuel de mes notes de blog, Anna Chroniques, j’ai vu repasser quelques épisodes marquants dans notre relation avec cette association exemplaire et, de fil en aiguille, j’ai eu envie de vous raconter dans quelles circonstances nous l’avons connue.
Nous soutenons activement le CRAC depuis un fameux jour de feria en septembre 2011 où nous avons croisé sa route pour participer à un évènement au pied de la statue du torturador Nimeño 2, de son vrai nom Christian Montcouquiol, pas si nîmois que pourrait le faire croire son surnom puisqu’il est né à Spire, en Allemagne. Et pas espagnol du tout non plus, dont je vais continuer en l’appelant en français.
Nîmois 2 était le frère de Nîmois 1, né, lui, à Ambert dans le Puy de Dôme. Attention, je n’ironise pas : ils ont vraiment pris pour surnoms Nîmois 1 et Nîmois 2, sans rire. Mais bon, je suppose qu’ils n’avaient pas beaucoup d’imagination. En plus, s’ils s’étaient appelés Spiro et Amberto, du nom de leurs villes natales, ça aurait sonné personnages de BD tout aussi ridicules mais on n’aurait pas su qu’ils étaient frères, alors vous voyez bien, ce n’est pas si facile. Nîmois 1 était également tortionnaire ès taureaux et grand copain de l’ineffable Bernard Domb.
Comment ? Vous ne connaissez pas Bernard Domb ? Cet autre bourreau patenté de bovins herbivores est plus connu sous le sobriquet, forcément hispanisant, de Simon Casas. Lui, il est né à Nîmes et aurait donc pu s’appeler Nîmois 3, mais ça aurait commencé à faire beaucoup, là. Une autre possibilité aurait été El Bernardo mais ça aurait trop fait penser au comparse muet de Zorro, je suppose, donc voilà, il a choisi Simon Casas. Devenu par la suite grand ordonnateur des corridas nîmoises et d’autres en Espagne, il est réputé être âpre au gain (il aurait dû s’appeler Casetas) et prompt à tous les coups tordus y compris envers ses laudateurs comme il l’a montré récemment en tentant de les gruger sur les prix des places en même temps qu’il truandait le fisc. C’est dire s’il a des valeurs morales élevées.
Nîmois 2 a donc sa statue devant les arènes de Nîmes, un honneur assez étrange pour quelqu’un qui a préféré se suicider par pendaison plutôt qu’accepter d’avoir perdu face à un taureau plus fort que lui qui l’a partiellement paralysé. Si on peut comprendre son désespoir, on a plus de mal à concevoir que ce geste en ait fait un héros aux yeux d’aficionados pourtant imprégnés de machisme exacerbé (bien qu’ils adulent des jeunes hommes minces en collants roses très moulants) et de catholicisme ostentatoire (de pacotille, puisque l’Église condamne les corridas depuis des siècles, mais ils n’en sont pas à une contradiction près).
Comment s’est-il fait que nous venions rejoindre ce petit groupe d’une trentaine de militants anti-corrida ce jour-là ? En fait, à l’époque, nous n’avions jamais entendu parler du CRAC. Nous ne connaissions qu’une seule association anti-corrida à Nîmes. Voyant que la féria approchait, Anti l’avait contactée sur Facebook pour savoir si une manif était prévue.
Réponse hyper sèche de sa porte-parole : « Qu’est-ce que vous croyez ? Que ça s’organise comme ça, une manif ? » Genre, en tant qu’association anti-corrida on a vraiment autre chose à faire que manifester contre la corrida, surtout un jour de corrida dont on connait la date depuis des mois.
Anti, désarçonnée par cette réaction aussi surprenante qu’agressive à une simple demande d’information, s’est mise à chercher sur le web si quelque chose d’autre était prévu. Et elle est tombée sur l’appel du CRAC.
Il fallait venir en vêtements noirs. Sylvia avait décidé de participer avec nous.
Quand on a débarqué à trois sur l’immense esplanade déserte devant les arènes, j’ai pensé : « Merde, il n’y a personne, c’est annulé ». Et puis, dans un coin, près de la statue de Nîmois 2, on a remarqué cette poignée de gens en noir. Ceux qui avaient répondu, comme nous, à l’appel.
On s’est dit : tant pis si on n’est pas nombreux et que personne ne nous voit, l’important c’est d’être là. Et on s’est couché par terre comme les autres, avec des cornes de taureau en plastique sur la tête et du faux sang (le sol était protégé par des grands tissus blancs), pendant que des extraits du film Alinéa 3 de Jérôme Lescure étaient projetés sur des écrans près de nous.
Ce sont les aficionados qui ont fait de ce modeste happening voué à l’oubli un évènement d’une visibilité renversante, largement repris par les médias : ils sont sortis de l’arène en masse comme des fous furieux, avec l’intention évidente de nous cogner courageusement dessus à mille contre trente.
Heureusement que la police (vite débordée) et surtout les CRS étaient là pour nous protéger, sinon on finissait tous aux urgences ou pire. Pas impressionné pour autant, dressé au premier rang avec un mégaphone, Jean-Pierre Garrigues haranguait la foule déchaînée sur les magouilles financières sans lesquelles aucune corrida ne serait possible.
Le lendemain, les seuls qui affirmaient dans la presse que nous (oui, nous) avions eu une attitude haineuse et provocatrice – je rappelle qu’on était juste couchés par terre immobiles – ont été les aficionados (normal) et la responsable de cette autre association censée être dans le même camp que nous (charmant). Et pourtant, certaines de ses militantes étaient là avec nous, comme on le voit sur les photos.
A partir de là, on a suivi le CRAC Europe de près, relayant chacune de leurs actions sur le blog ou y participant à chaque fois qu’on le pouvait, jusqu’à en devenir membres récemment, autour de la QPC contre la corrida et plus particulièrement lors de l’écriture de mes articles pour le Huffington Post.
Et nous avons eu le grand plaisir de rencontrer Jean-Pierre Garrigues depuis, qui est aussi énergique et déterminé pendant une manif qu’il est chaleureux et posé dans le privé.
Ce qui m’emmène tout naturellement à la dernière photo ci-dessous, que j’adore pour ce qu’elle montre, les visages plus sympathiques les uns que les autres de quelques vrais défenseurs de la cause animale. Je ne sais pas qui est le photographe, si quelqu’un peut me l’indiquer je le citerai avec plaisir.
Très belle journée à vous
Xavier Ruisi (SPA), David Chauvet (DDA), Jean-Pierre Garrigues (CRAC Europe), Orianne Vatin (SPA), Henry-Jean Servat (CRAC Europe) et Christophe Marie (FBB)
La dernière photo a été fournie par le CRAC Europe, les autres sont de moi.