Il y a encore un siècle, les animaux étaient vus comme une simple ressource naturelle à la disposition de l’homme. Leur vie n’avait aucune importance et la plupart des gens pensaient qu’ils n’étaient même pas sensibles à la douleur. Si une vaste majorité de la population humaine continue de nos jours à consommer des produits animaux, une réelle conscience de la condition animale s’est développée depuis les années 80.
Notre engagement dans cette cause se faisant de plus en plus entier et, à la suite des vraies questions de fond que soulève le film A.L.F. au-delà de l’intrigue proprement dite, l’idée de faire un état des lieux de l’exploitation animale s’est imposée à moi.
Dans cet article, je vais aborder la question de l’utilité réelle ou supposée de l’expérimentation animale dans l’industrie pharmaceutique. Les faits que je vais citer sont ceux fournis par cette industrie, car les personnes que j’aimerais arriver à toucher sont celles qui ne se préoccupent pas ou peu de la cause animale et n’auraient donc a priori qu’une confiance limitée dans des sources militantes.
Animaux et recherche pharmaceutique
Tous les médicaments sur le marché ont été testés sur des animaux avant d’avoir été administrés à des êtres humains. Ces animaux sont en général des souris, des rats, des chiens et parfois des primates.
Le rationnel de ce processus est de vouloir vérifier au préalable sur d’autres espèces que les humains le degré de toxicité de n’importe quelle nouvelle molécule. La justification avancée est de penser que les mammifères ont un grand nombre de mécanismes biologiques communs et donc, qu’un produit qui est toxique pour une souris (par exemple) à une certaine dose le sera aussi pour un être humain à une certaine autre dose qui peut en être déduite.
Depuis quelques années (c’est récent), des comités éthiques veillent dans certains pays dont le nôtre à ce que toute expérience faite sur des animaux ait une sérieuse justification scientifique et soit indispensable à la mise au point du médicament potentiel en cours de développement. Diverses contraintes censées préserver l’animal de laboratoire ont été édictées afin de limiter toute souffrance considérée comme inutile.
Relevons ici deux remarques avant d’aller plus loin :
– dans certains autres pays (en Europe de l’Est ou en Asie), aucune précaution de ce genre n’est requise, pour le plus grand profit des labos pharmaceutiques qui y sous-traitent en toute légalité leurs études à moindre prix et dans le mépris total de la souffrance animale,
– et même pour les essais réalisés chez nous, il est très difficile de veiller à ce que l’éthique soit toujours prise en compte.
Un processus d’une effarante inefficacité
Le vrai, l’incontournable problème, non pas éthique ou financier mais purement pragmatique, c’est que la plupart du temps, ces essais animaux ne sont en rien prédictifs de ce qui va se passer chez un être humain.
Je rappelais un peu plus haut que tous les médicaments sur le marché ont été au préalable mis au point sur des animaux. Mais combien ont été des succès sur les animaux puis ont échoué quand ils ont été administrés à des humains ?
Environ 199 sur 200. Je dis bien 199 échecs sur 200, c’est-à-dire un taux d’échec de 99,5%.
Quand une nouvelle molécule est autorisée à être testée sur des humains après avoir eu tous les feux au vert sur les essais animaux, elle passe par trois phases cliniques.
– La phase 1 vérifie ses effets secondaires sur un petit groupe de volontaires sains (sous haute surveillance médicale, cela va sans dire) qui reçoivent des doses croissantes du produit jusqu’à ce que ces effets commencent à apparaitre (donc bien avant qu’ils ne deviennent dangereux). Cela permet d’établir la dose maximale à ne jamais dépasser chez un humain.
– La phase 2 consiste à administrer à un petit groupe de patients volontaires la molécule qui a réussi sa phase 1 – c’est-à-dire qui peut être prise sans danger jusqu’à une certaine dose – et à vérifier que les effets thérapeutiques attendus sont bien observés. Si aucun effet positif n’est observé avant que la dose maximale ne soit atteinte, c’est un échec. Sinon, on passe à la phase suivante.
– La phase 3 est identique à la phase 2 mais sur un beaucoup plus grand nombre de patients volontaires (plusieurs milliers), dans plusieurs hôpitaux et/ou pays différents afin de détecter d’éventuels effets secondaires plus rares qui ne se produisent que sur certaines personnes en fonction de l’âge, du sexe, des habitudes de vie, des autres traitements qu’ils ont suivis, etc.
Six chances sur mille
Voici les chiffres officiels de l’industrie pharmaceutique : les taux de réussite moyens sont de 9% pour la phase 1, de 15% pour la phase 2 et de 44% pour la phase 3. Attention, ça se combine : seuls les 9% qui ont réussi en phase 1 passent en phase 2 et parmi eux, 15% vont montrer une efficacité qui leur autorisera de passer en phase 3, où 44% d’entre eux confirmeront qu’ils sont actifs.
Ce qui nous fait un taux de réussite de 0,09 x 0,15 x 0,44 = 0,006. Pour mille molécules qui entrent en phase 1, seulement six vont confirmer leur intérêt en fin de phase 3.
Six chances sur mille de réussir, 99,4% de chances d’échouer. Et cela, pour des molécules qui ont toutes été au préalable considérées comme excellentes sur les animaux.
On pourra toujours dire : oui mais celles qui sont devenues des vrais médicaments, on ne les a eues que grâce aux essais sur les animaux même si ce n’est que dans un cas sur 200. Pensons à tous les gens qui en bénéficient.
Certes, mais pensons aussi à l’inverse : des médicaments qui se sont révélés désastreux. Des exemples ? L’histoire de cette industrie en regorge.
Désastres en série
– Des dizaines de médicaments contre les accidents vasculaires cérébraux ont été démontrés comme efficaces et sans toxicité notable chez les animaux. Ils ont été nocifs et même mortels sur les patients qui les ont pris lors des essais cliniques.
– Les traitements hormonaux de substitution (THS) ont été prescrits à des millions de femmes parce qu’ils montraient une réduction significative de risques de problèmes cardiaques ou d’AVC sur des singes. C’est exactement l’inverse qui s’est produit chez un grand nombre de femmes traitées. Plusieurs dizaines, voire centaines de milliers de cancers du sein et de problèmes cardiaques ont été directement causés par ces traitements.
– Le docteur Richard Klausner, ancien directeur de l’Institut National du Cancer aux USA (NCI), a déclaré un jour : « L’histoire de la lutte contre le cancer a été l’histoire de la guérison du cancer chez les souris. Nous avons guéri des souris du cancer pendant des décennies avec des traitements qui n’ont ensuite jamais marché chez les humains. » Il pense que l’inverse est aussi vrai : un grand nombre de traitements anticancéreux efficaces n’ont probablement jamais atteint les essais chez les hommes parce qu’ils étaient inefficaces sur les souris.
– Le premier de tous les antibiotiques, la pénicilline, n’a été administré à des humains qu’après un retard de dix ans en raison de résultats inquiétants obtenus chez les lapins. Encore heureux qu’à l’époque il n’ait pas été testé sur les cochons d’Inde, ce médicament les tue. Sir Alexander Fleming a dit : « Quelle chance que nous n’ayons pas disposé de ces essais sur les animaux dans les années 1940. La pénicilline n’aurait jamais été reconnue comme utile et il est probable que les antibiotiques dans leur ensemble n’auraient jamais été découverts. »
– Récemment, le Vioxx a été retiré précipitamment du marché. C’était un excellent médicament pour soulager les personnes atteintes d’arthrose. Les essais sur les animaux avaient même démontré qu’il était bénéfique pour le cœur. Sauf que chez les humains, il a causé plus de 140 000 crises cardiaques rien qu’aux USA avant d’être interdit. L’un des responsables de la FDA (l’agence règlementaire sur les médicaments dans ce pays) a décrit cela comme « la plus grande catastrophe médicale de l’histoire de notre planète ».
On pourrait continuer comme cela pendant des heures. Je laisse la conclusion à l’un des directeurs d’un grand labo américain aujourd’hui disparu : « Les études sur les animaux se font pour des raisons légales et non pour des raisons scientifiques. »
On peut vraiment parler là d’un procédé totalement irrationnel. Et d’un massacre inutile des animaux.
L’avenir est dans les méthodes alternatives
Mais alors, comment faire pour mettre au point de nouveaux médicaments ? De nombreuses pistes sont en train de progresser : simulations de plus en plus sophistiquées sur ordinateur, systèmes cellulaires en culture capables de reproduire des organes entiers, techniques de microdosage qui consistent à injecter des doses infimes d’un nouveau produit directement à un être humain pour mesurer son effet sur tout un ensemble de paramètres biologiques afin d’en évaluer l’intérêt potentiel.
La fiabilité de ces approches est encore limitée mais certaines commencent à rattraper, égaler ou dépasser celle des essais animaux. On peut citer en exemple l’ECVAM, un regroupement international de chercheurs financé par l’Union Européenne pour développer et valider de telles méthodes alternatives.
Tôt ou tard, elles remplaceront enfin intégralement l’expérimentation animale.
A suivre pour en savoir plus, les actions et le site de l’excellente association Antidote Europe
Sur le même sujet sur le blog : Initiative européenne Stop Vivisection
Grande nouvelle : à partir du 11 mars prochain, il sera interdit en Europe de commercialiser des produits cosmétiques dont les ingrédients ont été testés sur les animaux.
Cela inclut les produits importés d’autres pays comme les USA, ils n’auront plus accès au marché européen.
Tous les produits cosmétiques sont concernés, y compris les plus basiques comme le savon ou le dentifrice.
YESSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSS !!! Ça et la fin de la commercialisation de viande de porcs castrés, on avance ! On avance !