Le 2 juillet 1850, l’Assemblée Nationale vote une loi déposée par le député Jacques Delmas de Grammont, dont l’objet est de punir « ceux qui auront exercé publiquement et abusivement des mauvais traitements envers les animaux domestiques ».
Le 16 février 1895, un arrêt de la Cour de cassation jugeant le taureau « de combat » comme animal domestique, fait entrer de facto l’interdiction de la corrida dans le champ d’application de la loi Grammont.
En vain…
Au commencement étaient les factieux
Lorsque le gouvernement ose faire reconduire à la frontière le matador Mazzantini venu en septembre 1895 à Bayonne pratiquer son rituel macabre pourtant interdit par la loi, c’est l’émeute, élus en tête.
A partir de là, un certain nombre de villes du sud de la France conduites par des élus aficionados, pourtant garants officiels du bon respect de la loi, vont la violer délibérément en organisant en toute illégalité des corridas pendant plus d’un demi-siècle. Un arrêt du 13 juin 1932 est pourtant venu entre temps confirmer celui de 1895, mais il n’est pas plus suivi d’effet.
Finalement, le 24 avril 1951, un alinéa finit par légaliser les courses de taureaux en cas de « tradition locale ininterrompue », capitulant ainsi devant les agissements factieux de ces maires et députés félons, traîtres à leurs mandats et à la République.
Cette tradition bien ancrée de mépris des lois qui les dérangent persiste toujours de nos jours, comme deux exemples récents viennent de le rappeler.
Max Roustan, maire aficionado d’Alès, se gare sur une place réservée aux handicapés et à contre-sens
La photo de la voiture du maire d’Alès, Max Roustan, stationnée sur une place handicapée a été diffusée depuis deux jours, d’abord sur Twitter puis un peu partout sur le web.
Non seulement Monsieur le Maire s’est rangée sur une place interdite située devant la pharmacie mais elle était, de plus, juste en face de la police municipale.
Un témoin est allé signaler cet incivisme flagrant aux policiers qui, très embêtés, se sont contentés de tenter de joindre le maire sur son portable, au lieu de lui coller une contravention de 135 euros comme à tout autre citoyen qui ferait une chose pareille. Un autre témoin a confirmé que c’était bien Max Roustan qui conduisait le véhicule. Circonstance aggravante, il est garé dans le sens inverse de la circulation. Là, c’est carrément la fourrière qu’il aurait fallu envoyer.
L’article paru dans le Midi Libre sur ce sujet a suscité un grand nombre de réactions. Certains ont émis l’hypothèse que cette place était peut-être réservée aux handicapés mentaux et que, de ce fait, Max Roustan était dans son droit. Non, non, ce n’est pas de la diffamation de ma part, je me contente de citer ce qui a été écrit.
Simon Casas, organisateur des corridas de Nîmes, décide tout seul du taux de TVA qui l’arrange et la mairie l’approuve
Début 2010, la mairie de Nîmes a confié à Simon Casas d’organiser les corridas qui se tiennent à Nîmes pour une durée de cinq ans. Le conseil municipal a reçu il y a quelques jours le rapport relatif à l’année 2011.
La règlementation fiscale stipule explicitement que la tauromachie espagnole est soumise à TVA de 19,6%. Or, surprise, Casas a décidé de son propre chef d’appliquer un taux de TVA à 5,5% sous prétexte que la corrida est inscrite à l’inventaire du patrimoine culturel immatériel de la France. Et donc, que c’est de la culture. Aussi, Casas n’a t-il reversé au fisc que 5,5% de ses recettes au lieu de 19,6%.
Quand on sait que le chiffre d’affaire en 2011 a représenté 5 853 106 €, une différence de 14,1%, ça fait une sacrée somme.
Des élus d’opposition ont protesté, à juste titre. Ils trouvent incroyable qu’un opérateur agissant pour le compte de la Ville s’arroge le droit de ne pas payer ce qui est dû au titre de la TVA telle qu’elle est. « Si la TVA doit être réduite, ce n’est pas au délégataire d’en prendre la décision »
Que pensez-vous que les élus de la majorité au pouvoir à la Mairie de Nîmes ont répondu ? Qu’ils allaient être les garants du bon respect des règles et du droit ? Pas du tout.
Daniel-Jean Valade, l’adjoint à la Culture et à la Tauromachie (oui, les deux à la fois, comme quoi même dans sa tête ce sont bien deux choses différentes) a expliqué qu’il trouvait cela normal et qu’il n’y avait qu’à attendre la réponse des services fiscaux avant de décider quoi que ce soit.
Un autre élu de l’opposition – mais qu’ils sont pointilleux, ceux-là – a insisté en demandant si le prix des billets vendus avait bien été revu à la baisse pour tenir compte d’une TVA à 5,5% au lieu de 19,6%. Ah non, il semblerait que Casas ait « omis » de le faire parce que Daniel-Jean Valade a refusé de répondre à cette question, qui lui a pourtant été posée deux fois.
Il a juste précisé que Casas avait provisionné l’argent au cas où le fisc lui réclamerait les 14,1 % de TVA qui manquent et qu’il était dès lors « inutile de préjuger des choses, tant que les impôts n’auraient rien décidé ». C’est vrai, quoi. Peu importe ce que dit explicitement la loi. Ce qui compte, pour un aficionado comme pour n’importe quel truand, c’est d’essayer de la violer en espérant que ça passera. Là, Casas est au sommet puisqu’il veut à la fois escroquer le fisc et les spectateurs (qui sont pourtant des aficionados comme lui).
Le CRAC Europe a aussitôt écrit aux services fiscaux pour protester. Des centaines de particuliers qui savent, eux, qu’ils n’ont pas le droit de changer la TVA comme ça les arrange, l’ont aussi fait.
Au fait – mais vous l’avez sans doute deviné si vous ne le saviez pas – Daniel-Jean Valade est aficionado, ainsi que le maire de Nîmes, Jean-Paul Fournier (par ailleurs condamné pour prise illégale d’intérêt en 2009 et 2010, mais c’est une autre histoire).
Truander, être incivique, violer la loi, c’est une tradition locale ininterrompue chez les aficionados.
Illustrations :
1 – Interdiction des courses de taureaux dans le Midi, Mazzantani reconduit à la frontière (Le Petit Journal, 15 septembre 1895)
2 – La voiture de Max Roustan sur une place pour handicapés et à contre-sens (Midi Libre, 23 novembre 2012)
3 – Arènes de Nîmes pendant un spectacle de reconstitution de combats de gladiateurs – non, pas pour une corrida ! (AG)
Merci à Jean-Pierre Garrigues pour m’avoir fourni la une du Petit Journal.